.

.
.

mardi 31 mars 2015

RACISME ET ISLAMOPHOBIE DE LA "" GAUCHE "" FRANCAISE

Les fondements historiques et idéologiques du racisme « respectable » de la « gauche » française






Les fondements historiques et idéologiques du racisme « respectable » de la « gauche » française
La libération de la parole et des passages à l’acte islamophobe depuis les attentats de janvier 2015 révèlent l’ampleur du « racisme respectable » au sein de la gauche française. Cela nous conduit à republier un de nos textes, publié pour la première fois en avril 2012 dans la revue Que faire.
Prise de position en faveur d’une loi sur le foulard à l’école en 2004, soutien plus ou moins assumé et plus ou moins net aux interventions impérialistes en Afghanistan, en Irak, en Lybie, thématique de l’intégration pour penser les questions liées à l’immigration, approche dogmatique de la laïcité découplée des enjeux sociaux, etc.
Ces quelques exemples contemporains de positions d’organisations et de partis se réclamant de la « gauche » et même de « l’extrême gauche », font écho à d’autres plus lointains : absence ou dénonciation ambiguë de la colonisation, absence ou ambigüité du soutien aux luttes de libérations nationales dans la décennie 50, silence assourdissant pendant des décennies sur les massacres coloniaux de la conquête au 17 octobre 1961 en passant par les crimes de Madagascar (1947), du Cameroun (1955-1960), etc. Les constantes sont telles entre hier et aujourd’hui, qu’il nous semble nécessaire d’en rechercher les causes idéologiques et matérielles. Il existe des héritages encombrants qu’il convient de rendre visible, faute de quoi les reproductions des mêmes pièges idéologiques se déploient et aboutissent aux mêmes cécités et aux mêmes impasses politiques.
Une hégémonie culturelle assise depuis le 19e siècle

Affiche du <span class="caps">PCF</span> de 1930 pour dénoncer les 100 ans de dominations française en Algérie.
L’hégémonie culturelle est un concept proposé par Antonio Gramsci pour décrire la domination culturelle des classes dominantes. Le concept s’inscrit dans l’analyse des causes du non développement des révolutions annoncées par Marx pour les pays industrialisés d’Europe en dépit de la vérification des conclusions économiques de Marx (crise cycliques, paupérisation de la classe ouvrière, etc.). L’hypothèse de Gramsci est que cet « échec » des révolutions ouvrières est explicable par l’emprise de la culture de la classe dominante sur la classe ouvrière et ses organisations. La classe dominante domine certes par la force mais aussi par un consentement des dominés culturellement produit. L’hégémonie culturelle de la classe dominante agit par le biais de l’État et de ses outils culturels hégémoniques (écoles, médias, etc.) pour produire une adoption par la classe dominée des intérêts de la classe dominante. L’hégémonie culturelle décrit donc l’ensemble des processus de production du consensus en faveur des classes dominantes.
La radicalité des luttes de classes dans l’histoire française (Révolution antiféodale radicale en 1789-1793, Insurrection de juillet 1830, Révolution de février 1848, et enfin et surtout la Commune de Paris) a amené la classe dominante à comprendre très tôt que son pouvoir ne pouvait pas être assuré uniquement par la force des armes et de la répression (ce que Gramsci appelle la domination directe). Le processus de construction d’un « roman national » fut mis en œuvre afin d’assurer l’hégémonie culturelle de la classe dominante (domination indirecte). Les ingrédients de ce roman national sont essentiellement la diffusion de « légendes nationales » : pensée des Lumières, Révolution française et Déclaration des droits de l’homme, école républicaine et laïcité, etc. À la différence du mythe, la légende s’appuie sur quelques faits historiques identifiables qui sont absolutisés. La mise en légende se réalise par occultation des contradictions et enjeux sociaux, négation de l’histoire et transformation de résultats historiques (avec leurs contradictions, leurs limites, etc.) en caractéristiques permanentes et spécifiques de la « francité », du « génie français », de la « spécificité française », du « modèle français », etc.
L’objectif de l’hégémonie culturelle étant de produire du consensus en faveur des classes dominantes, c’est bien entendu à l’intention des classes dominées et de leurs organisations que sont produites et diffusées les légendes nationales (modèle français de laïcité, modèle français d’intégration, pensée des Lumières comme caractéristique typiquement « française », abrogation de l’esclavage comme volonté de l’état français et non comme résultat de la lutte des esclaves, colonisation française posée comme différente des autres dans ses aspects « humanitaires » et « civilisateurs », etc.). La question n’est donc pas celle du jugement des faits, des hommes et des opinions de la pensée des lumières ou de la Révolution française par exemple. Ces événements et ses pensées sont inscrits dans l’histoire et les hommes de ces périodes ne pouvaient penser le monde qu’avec les données de leurs époques. En revanche le maintien d’une approche non critique, non historicisée, essentialisée, etc. de ces processus historiques est à interroger dans ses causes et dans ses effets désastreux contemporains. Sans cette approche critique, les légendes de la classe dominante s’inscrivent comme données d’évidence dans les lectures de la réalité contemporaine, deviennent des représentations sociales qui déforment la réalité, produisent des logiques de pensées qui empêchent de saisir les enjeux sociaux et les contradictions sociales. Sans être exhaustif abordons deux des légendes de l’hégémonie culturelle construite au 19ème siècle et qui ont fortement imprégnées les organisations de « gauche ».
L’absolutisation de la pensée des Lumières et de la Révolution française
Les Lumières désignent un courant d’idées philosophiques en Europe qui a connu son apogée au dix-huitième siècle. Ce courant se caractérise par un appel à la rationalité et le combat contre l’obscurantisme. En libérant l’homme de l’ignorance et de la superstition, il s’agit de le faire penser par lui-même et ainsi de le faire devenir adulte. Ces dimensions communes aux différents philosophes des Lumières n’empêchent pas son hétérogénéité. La philosophie des Lumières est parcourue de « courants » correspondant aux intérêts sociaux divers de l’époque. L’absolutisation de la pensée des Lumières commencent ainsi par l’homogénéisation d’une pensée contradictoire. Mais la philosophie des Lumières est également bornée historiquement.
Elle se déploie, non pas comme logique pure, mais comme logique de pensée inscrite dans une époque précise. C’est d’ailleurs la première critique qui lui est faite par Marx et Engels qui veillent à la mettre en correspondance avec les intérêts sociaux qui la suscitent et la portent : « Les philosophes français duXVIIIe siècle, eux qui préparaient la Révolution, en appelaient à la raison comme juge unique de tout ce qui existait. On devait instituer un État raisonnable, une société raisonnable ; tout ce qui contredisait la raison éternelle devait être éliminé sans pitié. Nous avons vu également que cette raison éternelle n’était en réalité rien d’autre que l’entendement idéalisé du citoyen de la classe moyenne, dont son évolution faisait justement alors un bourgeois. Or, lorsque la Révolution française eut réalisé cette société de raison et cet État de raison, les nouvelles institutions, si rationnelles qu’elles fussent par rapport aux conditions antérieures, n’apparurent pas du tout comme absolument raisonnables. L’État de raison avait fait complète faillite » [1]. Les droits de l’Homme pour leur part sont caractérisés comme les droits d’un homme abstrait, d’un homme bourgeois, d’un homme égoïste : « L’homme réel n’est reconnu que sous l’aspect de l’individu égoïste et l’homme vrai que sous l’aspect du citoyen abstrait » [2].
Depuis cette première critique de l’universalisme des Lumières, d’autres sont venues la compléter : la critique féministe a souligné « les présupposés androcentriques, racistes, économiques et anthropologiques de la philosophie européenne du siècle des Lumières » [3] ; le caractère ethnocentrique de la pensée des Lumières a également été dénoncé en soulignant que « là où nous lisons « homme », « humanité », « citoyenneté », c’est de l’humanité blanche et européenne que nous parlent les Lumières. Certes, dans les Lumières pourtant les premières lueurs de nos valeurs. À condition d’ignorer la traite, la négritude, l’esclavage » [4]. L’universalisme des lumières apparaît ainsi très peu universel que ce soit à l’interne (universalisme masculin du droit de vote jusqu’à l’après seconde guerre mondiale, universalisme excluant les ouvriers du droit de vote jusqu’en 1848) et à l’externe (code noir, code de l’indigénat, etc.).
Au travers de l’absolutisation de la pensée des Lumières et de la Révolution française, la classe dominante vise à présenter l’histoire française comme n’étant pas le résultat des affrontements sociaux mais comme résultat du déploiement d’un « génie » et/ou d’une « spécificité » française transversal aux différentes classes sociales. Il y aurait ainsi des caractéristiques proprement françaises qui situeraient cette nation au dessus des autres, en avance sur les autres, en avant-garde de l’émancipation et de la civilisation. Bref il s’agit de produire un complexe chauvin pour canaliser les luttes sociales à un moment où se déployait la colonisation violente du monde. L’offensive idéologique visant à ancrer l’idée d’une exceptionnalité/supériorité française est tout azimut et a malheureusement en grande partie réussie. Voici comment par exemple Karl Marx raille la prétention de la « gauche française » à l’exceptionnalité linguistique et républicaine :
« Les représentants (non ouvriers) de la « Jeune France » soutenaient que toutes les nationalités et les nations étaient des « préjugés surannés ». Stirnérianisme proudhonisé : on répartit tout en petits « groupes » ou « communes » qui forment ensuite une « association » et non pas un état. Et tandis que se produit cette individualisation de l’humanité et que se développe le « mutualisme » adéquat, l’histoire des autres pays doit suspendre son cours et le monde entier attendra que les Français soient mûrs pour faire une révolution sociale. Alors ils effectueront sous nos yeux cette expérience, et le reste du monde, subjugué par la force de l’exemple, fera de même. (…) Les Anglais ont bien ri quand j’ai commencé mon discours en disant que notre ami Lafargue et ceux qui avec lui supprimaient les nationalités, s’adressaient à nous en français, c’est-à-dire une langue que les 9/10e de l’assistance ne comprenaient pas. Ensuite, j’ai signalé que Lafargue, sans s’en rendre compte, entendait apparemment par négation des nationalités leur absorption par la nation française modèle » [5].
L’universalisme des Lumières apparaît ainsi très peu universel que ce soit à l’interne : universalisme masculin du droit de vote, etc. [ou] à l’externe : le code noir, le code de l’indigénat, etc.
La construction du consensus colonialiste
L’offensive idéologique de la classe dominante a créé l’espace mental qui a permis la colonisation. L’image des autres cultures et civilisations diffusée par la pensée des Lumières et amplifiée par la Troisième République, de même que l’idée d’être l’avant-garde de l’humanité ont préparé les esprits à la conquête : « il existe un espace mental qui, d’une certaine façon, préexiste à l’instauration de l’ordre colonial, espace essentiellement composé de schèmes de pensées à travers lesquels est reconstruite la coupure entre les occidentaux et les Autres – les schèmes Pur/Impur, Bien/Mal, Savoir/Ignorance, Don d’Amour/Besoin d’Amour. La perception de l’Autre comme un être dans l’enfance de l’humanité, confiné aux ténèbres de l’ignorance comme l’incapacité à contenir ses pulsions informe la pensée coloniale et la connaissance anthropologique » [6].
De fait l’opposition aux guerres de conquêtes coloniales fut à la fois faible et tardive. Les quelques voix anticoloniales comme celles de Georges Clémenceau et de Camille Pelletan restent isolées et marginales. L’imprégnation coloniale est profonde comme en témoigne le rapport adopté à l’unanimité au congrès interfédéral d’Afrique du Nord du parti communiste en septembre 1922 : « L’émancipation des indigènes d’Algérie ne pourra être que la conséquence de la révolution en France (…). La propagande communiste directe auprès des indigènes algériens est actuellement inutile et dangereuse. Elle est inutile parce que les indigènes n’ont pas atteint encore un niveau intellectuel et moral qui leur permette d’accéder aux conceptions communistes. (…). Elle est dangereuse (…) parce qu’elle provoquerait la démission de nos groupements » [7].
Certes ces positions furent condamnées par la direction du PCF et peu après les militants communistes donnaient un exemple d’internationalisme dans l’opposition à la guerre du Rif en 1925, mais leur simple existence témoigne de l’imprégnation de l’imaginaire colonial jusque dans la gauche la plus radicale de l’époque. Le reste est connu : abandon du mot d’ordre d’indépendance nationale à partir du Front populaire, promotion de l’Union française après 1945, vote des pouvoirs spéciaux en 1956. En dépit de ces positions, le PCF a été le seul à avoir eu des périodes anticolonialistes conséquentes. La S.F.I.O. pour sa part est ouvertement colonialiste : « à l’exception de quelques individualités « anticolonialistes », la majorité du parti socialiste s’est ralliée à l’idée d’une colonisation « humaine, juste et fraternelle » et refuse de soutenir les nationalismes coloniaux qui attisent la haine des peuples, favorisent les féodaux ou la bourgeoisie indigène » [8].
Des héritages encombrants toujours agissants
Au cœur de la pensée des Lumières puis du discours colonial se trouve une approche culturaliste clivant le monde en civilisations hiérarchisées, expliquant l’histoire et ses conflits en éliminant les facteurs économiques et justifiant les interventions militaires « pour le bien » des peuples ainsi agressés. Il s’agit ainsi d’émanciper l’autre malgré lui et si nécessaire par la violence. C’est ce que nous avons appelés dans d’autres écrits le « racisme respectable » c’est-à-dire un racisme ne se justifiant pas « contre » le racisé mais s’argumentant de grandes valeurs censées l’émanciper.
Force est de constater que cette logique de raisonnement est loin d’avoir disparu dans la « gauche » française. Elle a même été étendue en dehors des questions internationales puisqu’elle agit également en direction des questions liées aux français issus de la colonisation. Donnons quelques exemples. Le premier est celui de la logique intégrationniste encore présente fortement à « gauche ». Cette logique relève entièrement du culturalisme binaire portée par la pensée des lumières. Les difficultés subies par les citoyens issues de la colonisation, qu’ils soient français ou étrangers, ne sont pas expliquées dans l’intégrationnisme par les inégalités qu’ils subissent ou leurs conditions matérielles d’existence. Ce sont au contraire des facteurs culturels qui sont mis en avant : obstacles culturels à l’intégration, intégration insuffisante, islam comme contradictoire avec la république et la laïcité, inadaptation culturelle, etc.
Il s’agit ainsi d’émanciper l’autre malgré lui et si nécessaire par la violence. C’est le « racisme respectable », ne se justifiant pas « contre » le racisé mais s’argumentant de grandes valeurs censées l’émanciper
Dès lors les objectifs de l’action ne sont pas l’éradication des inégalités mais la transformation des personnes c’est-à-dire qu’il s’agit de les civiliser en les assimilant. Ce n’est pas un hasard si le terme d’intégration est vomi dans les quartiers populaires et perçu comme une agression. C’est ce qu’Abelmalek Sayad appelle le « chauvinisme de l’universel » comme l’a été celui des Lumières : « [Les enfants de parents immigrés seraient] alors, selon une représentation commode, sans passé, sans mémoire, sans histoire (…), et par la même vierge de tout, facilement modelables, acquis d’avance à toutes les entreprises assimilationnistes, même les plus éculées, les plus archaïques, les plus rétrogrades ou, dans le meilleur des cas, les mieux intentionnées, mues par une espèce de « chauvinisme de l’universel » » [9].
Si la droite est globalement dans ce que Sayad nomme les entreprises « éculée », la « gauche » est encore fortement dans de qu’il nomme le « chauvinisme de l’universel ». Ces deux approches recoupent celles entre « colonisation violente » et « colonisation humanitaire » de l’époque coloniale. Elles sont basées sur une coupure binaire entre deux entités homogénéisées (un « Nous » homogène face à un « Eux » homogène) qui est une autre des caractéristiques de l’ethnocentrisme des Lumières puis du discours colonial et qui ne cesse de s’entendre aujourd’hui dans les discours sur le communautarisme ou le « repli communautaire ». Écoutons encore Sayad sur le processus d’homogénéisation : « Au fond ne s’autorise-t-on pas du préjugé identifiant les uns aux autres tous les immigrés d’une même nationalité, d’une même ethnie, ou d’un groupe de nationalité (les Maghrébines, les Africains noirs, etc.), pour faire passer dans la réalité et pour mettre en œuvre dans la pratique, en toute légitimité et en toute liberté, l’illusion communautaire ? Ainsi la perception naïve et très ethnocentrique qu’on a des immigrés comme étant tous semblables, se trouve au principe de cette communauté illusoire » [10]. Sayad parle ici des immigrés mais la logique est en œuvre pour les français issus de la colonisation. De même l’homogénéisation s’est étendue aux « musulmans ».
Lorsque les membres du « Eux » ne perçoivent pas leurs intérêts, il convient de les émanciper malgré eux. Cette logique a justifié autant les guerres coloniales hier, les agressions impérialistes contemporaines comme celle d’Afghanistan par exemple au plan externe et la loi d’interdiction du foulard à l’école en 2004 au plan interne. Hier comme aujourd’hui elle est présente, bien sur à droite, mais également à « gauche ». C’est pour émanciper qu’il fallait coloniser, c’est pour libérer les femmes afghane qu’il fallait intervenir militairement en Afghanistan, c’est la libération de la femme qu’il fallait pour instaurer une police des habits. L’héritage est pesant et agissant. Il forme un obstacle épistémologique à la compréhension des enjeux économiques et politiques du monde contemporain et des luttes sociales qui le caractérise.
Les difficultés subies par les citoyens issues de la colonisation ne sont pas expliquées dans l’intégrationnisme par les inégalités qu’ils subissent. ce sont au contraire des facteurs culturels qui sont mis en avant
Prenons un dernier exemple dans les révolutions qui ont secoué la Tunisie et l’Égypte. Elles ont massivement été saluées comme signe positif par l’ensemble de la gauche. Il restait à les caractériser et de manière significative ont fleurit des expressions les comparant à 1789 : « le 1789 du monde arabe ». De nouveau l’étalon reste la France comme le raillait déjà Marx il y a plus d’un siècle. L’historien Pierre Serna commente : « Non la Tunisie n’est pas en 1789 ! Par pitié que l’on cesse d’instrumentaliser l’Histoire en mesurant l’histoire du monde à l’aune de l’histoire de France. La posture consciente ou non de Jean Tulard, dans Le Monde du 18 janvier, qui consiste à considérer les Tunisiens en face de leur 1789, relève d’une lecture post-colonialiste insultante au pire, condescendante au mieux. Les tunisiens auraient 220 ans de retard sur l’histoire de France et découvriraient enfin les vertus de la liberté conquise. Eh bien non ! La liberté n’est acquise pour nul peuple, et à leur façon les français doivent lutter pied à pied pour leurs anciennes conquêtes en ces temps de recul systématique du pacte républicain. C’est nous qui devons apprendre des Tunisiens et non le contraire. Nous sommes restés dans un 1789 mental, mythifié et figé. Les Tunisiens eux sont bien en 2011 » [11].
L’insulte ou la condescendance, le paternalisme, le maternalisme ou le fraternalisme d’une part et la condamnation indignée d’autre part, la diabolisation ou l’infantilisation, etc. sont des attitudes politiques extrêmement fréquentes à « gauche » et même à « l’extrême-gauche » dans les analyses sur les quartiers populaires et leurs habitants. Elles ont été présentes au moment des débats sur la loi d’interdiction du foulard à l’école, lors des révoltes des quartiers populaires en novembre 2005, au cours des multiples débats sur la revendication d’une régularisation de tous les sans-papiers, etc. Elles sont présentes également dans les commentaires des résultats électoraux en Tunisie et en Égypte comme elles l’étaient au moment des agressions contre l’Irak, l’Afghanistan ou la Libye.
Dans notre approche matérialiste, les penseurs des Lumières sont le résultat de leur époque, de son état des savoirs et de ses limites historiques. Le regard non critique et dogmatique sur la pensée des Lumières est depuis bien longtemps une arme des classes dominantes et un héritage encombrant pour les dominés.
Saïd Bouamana
Notes
[1] Friedrich Engels, Socialisme utopique et Socialisme scientifique, Éditions sociales, Paris, 1950, p. 35.
[2] Abdelmalek Sayad, « Le mode de génération des générations immigrées », Migrants-formation, n° 98, septembre 1994, p. 14.
[3] Jennifer Chan-Tiberghien, « La participation féministe au mouvement altermondialiste : Une critique de l’Organisation Mondiale du Commerce », Recherches Féministes, volume 17, n° 2, 2004, p. 199.
[4] Louis Sala-Molins, « Le Code Noir, Les Lumières et Nous », dans Valérie Lange-Eyre (dir), Mémoire et droits humains : Enjeux et perspectives pour les peuples d’Afrique, Éditions d’En Bas, Lausanne, 2009, p. 38.
[5] Karl Marx, « Lettre à Friedrich Engels du 20 juin 1866 », Correspondances, tome VIII, Éditions sociales, Paris, 1981.
[6] Eric Savarèse, L’ordre colonial et sa légitimation en France métropolitaine : oublier l’autre, L’Harmattan, Paris, 1998, p. 134.
[7] Cité dans René Galissot, « Sur les débuts du communisme en Algérie et en Tunisie : socialisme colonial et rupture révolutionnaire », dans Collectif, Mélanges d’histoire sociale offerts à Jean Maitron, Éditions ouvrières, Paris, 1976, p. 101.
[8] Philippe Dewitte, Les mouvements nègres en France, 1919-1939, L’Harmattan, Paris, 1985, p. 62.
[9] Abdelmalek Sayad, « Le mode de génération des générations immigrées », Migrants-formation, n° 98, septembre 1994, p.14.
[10] Abdelmalek Sayad, « Le foyer des sans-familles », dans L’immigration et les paradoxes de l’altérité, De Boeck Université, Paris-Bruxelles, 1991, pp. 91-92
[11] Pierre Serna, Les tunisiens ne sont pas en 1789 ! ou impossible n’est pas tunisien, Institut d’histoire de la révolution française, Université Panthéon-Sorbonne

source : 
https://bouamamas.wordpress.com/2015/03/04/les-fondements-historiques-et-ideologiques-du-racisme-respectable-de-la-gauche-francaise/

BUSH ET OBAMA " L'AGE DE LA TERREUR " L'histoire cachée des USA



L'histoire inédite des États-Unis est une série documentaire réalisée en 2012, produit et narré par Oliver Stone. L'épisode final de la série raconte la phase finale de la métamorphose des Etats-Unis d'une république en un empire. Il décrit également les intérêts financiers, commerciaux et géopolitiques sous-jacents à la guerre contre le terrorisme ainsi que les répercussions terribles que la guerre a eu - et pas seulement sur les populations de «l'ennemi» de USA à l'étranger, mais sur les libertés et les droits des citoyens US et sur l'application du respect des droits de l'homme dans le monde.

LES BARBARES AMERICAINS EN IRAK





Les « sales brigades » de l’Amérique en Irak 





Les « sales brigades » de l’Amérique en Irak (WSWS)

Au mois d’août dernier, le gouvernement des Etats-Unis et les médias avaient réagi à la décapitation brutale du journaliste américain James Foley par le groupe Etat islamique (EI) en faisant un grand étalage d'indignation morale. L’assassinat fut exploité pour justifier une escalade de la guerre lancée une semaine auparavant contre l’EI en Irak et son extension à la Syrie peu de temps après. Le président Barack Obama avait dénoncé l'exécution de Foley comme « un acte de violence qui choquait la conscience du monde. »
Il s’avère maintenant qu’au moment même où Obama et d'autres responsables se disaient horrifiés par les atrocités de l’EI, ils cachaient, avec la complicité des médias, des preuves, sous forme de photographies et de vidéos, de crimes similaires menés à grande échelle par des forces soutenues par les Etats-Unis en Irak.
Les actualités de la chaîne de télévision ABC ont rapporté la semaine dernière que des unités militaires irakiennes et des milices chiites, formées et armées par les Etats-Unis, faisaient l’objet d’une enquête du gouvernement irakien pour de possibles crimes de guerre. Il s’agit de tortures, d’exécutions sommaires de prisonniers sunnites, dans de nombreux cas par décapitation, et de profanations de corps. La chaîne était au fait de ces crimes depuis septembre de l'année dernière quand elle a découvert une vidéo en ligne posté par un membre des forces de sécurité irakiennes et montrant un prisonnier menotté et exécuté par une balle dans la tête.
L’enquête aurait été ouverte par le gouvernement irakien après qu’un journaliste d’ABC News a présenté du matériel prouvant que des « soldats en uniforme de certaines des unités d'élite irakiennes et des miliciens massacraient des civils, torturaient et exécutaient des prisonniers et exhibaient des têtes coupées. »
De nombreuses images postées par ABC la semaine dernière montrent des soldats portant des uniformes des Forces d'opérations spéciales irakiennes et de la Brigade d'intervention d'urgence, qui opèrent sous l'autorité du ministère irakien de l'Intérieur, posant avec des têtes coupées. D'autres montrent des forces spéciales irakiennes traînant des cadavres derrière leurs Humvees. Une autre image montre un cadavre suspendu à la tour de garde d'une base militaire irakienne.
En réponse à la révélation des crimes de guerre commis par ses agents en Irak, l'administration Obama a publié un communiqué déclarant: « Si ces allégations sont confirmées, les responsables doivent répondre de leurs actes. »
De telles déclarations sont sans valeur aucune. Alors qu'on a rapporté dans le détail les crimes de l’EI, presque rien n’a été dit par le gouvernement américain ou les médias sur les activités des forces soutenues par les Etats-Unis. Le New York Times n'a pas encore consacré le moindre commentaire à ces dernières révélations.
Le reportage d’ABC News a été enterré par le reste des médias, tout comme les médias américains avaient cherché à supprimer les photos des tortures pratiquées par l'armée américaine et la CIA à la prison irakienne d'Abou Ghraib il y a onze ans. L'administration Obama supprime toujours plus de 2000 photographies qui montrent des soldats américains en train de torturer, violer et assassiner des prisonniers irakiens et afghans.
En fait de responsabilité, c’est le gouvernement et l’armée américains qui portent la responsabilité principale non seulement des crimes de l'armée irakienne, mais encore de ceux de l’EI.
Avant l'invasion et l'occupation américaine de l'Irak en 2003, il n'y avait pas de combats sectaires dans le pays et Al-Qaïda n’y avait pas de présence significative. La dévastation produite par des décennies de sanctions, de guerre et d'occupation a créé des ravages dans le pays, tandis que les Etats-Unis attisaient délibérément les divisions sectaires en conformité avec la stratégie impérialiste du « diviser pour régner ».
Les États-Unis ont installé un gouvernement chiite sectaire, financé et entraîné une armée largement chiite pour éradiquer les fondements du régime sunnite du dirigeant déchu Saddam Hussein. Dans le même temps, la CIA a maintenu des contacts nombreux avec un Al-Qaida à base sunnite et sa filiale irakienne qui a mené une guerre sectaire contre le régime chiite, se soldant par des dizaines de milliers de morts civiles. Les liens de la CIA avec Al Qaïda remontent aux origines de l’organisation terroriste, née des milices de moudjahiddines financés et armés par la CIA et utilisés contre les gouvernements prosoviétiques et les troupes russes en Afghanistan dans les années 1980.
Dans la guerre aérienne de 2011 menée par les Etats-Unis et qui s’est soldée par l'éviction et le meurtre par lynchage de Mouammar Kadhafi, les États-Unis ont employé sur le terrain les forces djihadistes islamistes comme armée de procuration, des forces parmi lesquelles on trouvait des dirigeants « rebelles » déjà détenus au camp américain de prisonniers de Guantanamo. Dans le même temps, les Etats-Unis et leurs alliés régionaux acheminaient des armes aux forces d’Al-Qaïda en Syrie, y compris au Front al-Nosra et aux éléments qui allaient constituer l’EI, dans la guerre parrainée par les Etats-Unis pour le renversement du régime de président Bachar al Assad .
L'année dernière, les forces qu’ils ont armées et encouragées en Syrie ont commencé à s’opposer aux États-Unis et à leur régime fantoche à Bagdad. L’EI a lancé une offensive à la frontière, s’est emparée de larges pans de territoires dans le nord de l'Irak et a menacé l’échafaudage politique parrainé par les Etats-Unis dans le pays. On lance à présent les forces spéciales irakiennes et des milices chiites contre l’EI pour le repousser hors de l'Irak vers la Syrie, tout en terrorisant la population sunnite dans le nord et l'ouest de l'Irak.
La révélation des atrocités du gouvernement irakien dans la guerre contre l’EI fait éclater la propagande d'une prétendue guerre du « bien » contre le « mal ». C’est un conflit entre les forces réactionnaires poussées vers l’avant par la politique impérialiste prédatrice des États-Unis.
L'objectif, comme dans les précédentes guerres en Irak, en Libye, en Syrie et dans le massacre actuel en Afghanistan, est d’établir l'hégémonie américaine au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Afrique du Nord. En plus de ses immenses ressources pétrolières, la région a une importance géostratégique centrale pour l’offensive que mène l’élite dirigeante américaine contre ses rivaux au niveau régional et mondial, Russie et Chine notamment.

L'INELUCTACLE CONFLIT NUCLEAIRE // L'IMPERIALISME ETASUNIEN CONDUIRA L'HUMANITE EN ENFER




Le président russe Poutine dit que la crise ukrainienne comporte le danger d’une guerre nucléaire 





Selon un documentaire diffusé dimanche par la télévision publique russe et où figuraient des interviews avec le président russe Vladimir Poutine, la Russie s'était préparée à une guerre nucléaire après le putsch pro-occidental des 21 et 22 février l’an dernier à Kiev, la capitale ukrainienne.
Après une réunion ayant duré toute la nuit avec les responsables russes de la sécurité, Poutine avait décidé le 23 février à l'aube de préparer un retour de la Crimée à la Russie. Craignant que les milices nationalistes ukrainiennes d'extrême-droite n'attaquent la population de la Crimée, ethniquement russe dans sa majorité, et la base navale russe stratégique de Sébastopol, la Russie avait mobilisé des forces stationnées en Crimée conformément aux termes du bail dont elle dispose pour la base de Sébastopol.
La population de la Crimée a finalement voté en faveur d’un rattachement à la Russie, et les forces pro-Kiev de Crimée n'ont pas résisté et ont été autorisées à fuir la Crimée indemnes. « Nous avons surveillé la situation et avons été obligés d'apporter notre équipement », a déclaré M. Poutine. « Ils auraient été anéantis dès la première salve. »
Mais selon Poutine, au moment où le Kremlin et les militaires russes commençaient leur planification, ils ne savaient pas si l'OTAN réagirait par une guerre: « Cela ne pouvait être immédiatement compris, donc à la première étape du travail, j'ai été forcé de fournir des conseils à nos forces armées. Pas seulement de fournir des conseils, mais aussi de donner des instructions directes, des ordres relatifs à la conduite éventuelle à tenir par la Russie et nos forces armées au vu de l'évolution des événements. »
Poutine a déclaré qu'il était prêt à faire face à « l'évolution des événements la plus défavorable. » Comme l’indique clairement l'entretien, cela fait allusion à une guerre nucléaire véritable avec l’OTAN. Le Kremlin s'était préparé à armer ses forces nucléaires, a déclaré M. Poutine: « Nous étions prêts à le faire. Je parlais avec des collègues occidentaux et leur disais que [la Crimée] est notre territoire historique, que des Russes y vivent, qu'ils étaient en danger, et que nous ne pouvions pas les abandonner ».
Il a ensuite ajouté: « Quant à nos forces nucléaires, elles sont, comme toujours, à cent pour cent prêtes au combat ».
Les implications de la déclaration de Poutine selon laquelle il avait préparé l'armée russe à toute éventualité, sont sidérantes. Washington a toujours refusé de s’engager à un soi-disant « non recours en premier » à l'arme nucléaire. On doit supposer que les forces nucléaires russes avaient été placées en état d'alerte immédiate, prêtes à une riposte à grande échelle aux signes d’une attaque nucléaire de l'OTAN menée par les USA contre la Russie.
Bien que les détails d’une telle riposte soient, bien sûr, classés, on sait qu’elle impliquerait le lancement massif en quelques minutes de missiles russes avant que ceux-ci ne soient cloués au sol et anéantis par les missiles de l'OTAN. Des milliers de missiles, chacun bien plus puissant que les bombes américaines qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki en 1945, pleuvraient ainsi sur les bases militaires, l'infrastructure industrielle, les centres de communications et de contrôle partout en Amérique du Nord et en Europe tuant des centaines de milliers de personnes.
Les remarques de Poutine confirment les avertissements lancés par le World Socialist Web Sitependant toute la crise ukrainienne. Dans le contexte des provocations américaines après le crash de la Malaysian Airlines MH17, le WSWS écrivait: « Êtes-vous prêts pour la guerre, y compris éventuellement la guerre nucléaire entre les États-Unis, l'Europe, et la Russie? C'est la question que tout le monde devrait se poser ... »
Dès le début, le moteur de la crise ukrainienne a été l'intervention de Washington et Berlin pour soutenir un putsch contre le président pro-russe Viktor Ianoukovitch et installer un régime d'extrême droite à Kiev. Cela fait partie d'un programme agressif plus large visant à imposer l'hégémonie américaine sur l'Eurasie et qui présente le risque d'une conflagration nucléaire menaçant la survie même de l'humanité.
La réponse du régime de Poutine à cette offensive impérialiste, fondée sur le nationalisme et la défense de la propriété capitaliste, est réactionnaire et politiquement banqueroutière. L'oligarchie d'affaires russe corrompue qui est issue de la restauration du capitalisme en URSS en 1991 est incapable d'en appeler à ceux qui dans le monde entier s'opposent massivement à la guerre. Elle oscille entre menaces de guerre nucléaire et recherche d'un arrangement avec l'impérialisme.
L'interview télévisée suggère que Poutine avait initialement subi des pressions de l'armée russe pour l’adoption d’une ligne de conduite plus agressive. Elle cite des rapports du ministère de la Défense russe disant que les « spécialistes militaires » avaient proposé l’utilisation de « tous les moyens disponibles » pour démontrer la volonté de la Russie de se défendre.
Dans l'interview cependant, Poutine minimise la crise. Il dit que, « malgré la complexité et le caractère dramatique de la situation, la Guerre froide a pris fin, et nous n’avons pas besoin de crises internationales comme celle qui s'est déroulée dans les Caraïbes [la crise des missiles de Cuba, en 1962]. D'autant plus que la situation actuelle n'a pas nécessité de telles actions, et que celles-ci seraient en contradiction avec nos propres intérêts. »
Même au moment où Poutine accusait Washington d'avoir ourdi le putsch de Kiev et présentait les craintes russes d'une annihilation nucléaire aux mains de l'OTAN, il parlait, ce qui est grotesque, des responsables américains comme de « nos amis et partenaires américains. »
En fait, la situation est, il faut le dire, plus dangereuse aujourd'hui que pendant la majeure partie de la Guerre froide. L'année dernière, un groupe de réflexion de Londres a publié un rapport indiquant qu’en pleine extension militaire de l'OTAN en Europe de l'Est après le putsch de Kiev, quarante « quasi-accidents » avaient failli provoquer des affrontements directs entre avions de l'OTAN et avions russes. La revue allemande Der Spiegel et l’ancien premier ministre soviétique Mikhaïl Gorbatchev ont averti du risque de guerre mondiale.
Le bellicisme de l'impérialisme est mis en évidence par la discussion sur l'adoption d'une politique de guerre nucléaire agressive dans les milieux dirigeants américains. Cette discussion fut résumée par deux professeurs, Keir Lieber et Daryl Press, dans un article paru en 2006 dans Foreign Affairs,principale revue de politique étrangère de l'establishment politique américain.
« Les États-Unis seront bientôt en mesure de détruire les arsenaux nucléaires à longue portée de la Russie et de la Chine par une première frappe », écrivaient-ils. En raison de la désintégration de l'infrastructure russe après la restauration du capitalisme, la Russie ne dispose que de quelques bases de bombardiers nucléaires ou de lanceurs mobiles de missiles; ses sous-marins à missiles balistiques passent le plus clair de leur temps à quai. Tout ceci pourrait être anéanti par une frappe nucléaire préventive massive des États-Unis.
Selon Lieber et Press, Washington pouvait envisager à présent une attaque nucléaire préventive pour désarmer la Russie et la Chine. Citant des modèles informatiques de guerre nucléaire, ils écrivent qu'une « attaque [nucléaire] surprise aurait une bonne chance de détruire toutes les bases russes de bombardiers, de sous-marins et de missiles balistiques intercontinentaux. » Ils ajoutent que l'arsenal nucléaire de la Chine, qui manque de missiles nucléaires mobiles terrestres et de sous-marins à missiles balistiques efficaces, « est encore plus vulnérable à une attaque américaine ».
Mais ils relèvent aussi des préoccupations dans certains milieux de la politique étrangère des États-Unis au sujet d'une telle politique: « La Russie et la Chine vont travailler avec acharnement pour réduire leur vulnérabilité en construisant davantage de missiles, de sous-marins et de bombardiers; en mettant plus d'ogives sur chaque arme; en gardant leurs forces nucléaires à des niveaux d'alerte plus élevés en temps de paix; et en adoptant des politiques réactives de rétorsion... [L]e risque de guerre nucléaire accidentelle, non autorisée, ou même intentionnelle, surtout dans les moments de crise, peut s'élever à des niveaux jamais vus depuis des décennies ».
Les remarques de Poutine sur la crise ukrainienne montrent clairement que ces risques sont en effet d’actualité. La course aux armements nucléaires s’intensifie en relation avec le risque de guerre.
Avant que les Etats-Unis et la Russie n'annoncent officiellement qu'ils allaient mettre fin à leur collaboration sur le désarmement nucléaire en janvier, le gouvernement Obama avait dévoilé le projet de dépenser plus de mille milliards de dollars pour la modernisation de l'arsenal nucléaire américain.
La Russie et la Chine sont elles aussi en train d’investir des milliards de dollars dans leurs arsenaux nucléaires, dans l'espoir de pouvoir développer la capacité de dissuader une première frappe nucléaire américaine. La Russie a entamé une modernisation complète de son arsenal nucléaire qui devrait arriver à terme au début de la prochaine décennie. On s’attend à ce que la proportion de missiles nucléaires installés sur des lanceurs mobiles passe de 15 à 70 pour cent, et la Russie est en passe de lancer une nouvelle classe Borei de sous-marins armés de missiles nucléaires.
La Chine lance la fabrication de missiles balistiques DF-31, installés sur des lanceurs mobiles, qui fonctionnent au combustible solide et sont donc plus rapides à préparer au lancement. Elle a également construit la base navale de Yulin, qui abrite le nouveau missile balistique sous-marin de type 094 sur l'île de Hainan en Mer de Chine méridionale. Elle s’efforce d'accroître la portée de ses missiles balistiques nucléaires lancés depuis des sous-marins, qui n’ont pas encore la portée nécessaire pour une attaque de représailles contre les États-Unis à partir de positions de lancement en Mer de Chine méridionale.
Cette évolution souligne les dangers immenses pour la population du monde entier que créent les opérations irresponsables et incendiaires de l'impérialisme américain. La question de la guerre nucléaire n’est pas juste une possibilité théorique, mais un danger de plus en plus immédiat. Nous devons répondre à ce danger par la construction d'un puissant mouvement de la classe ouvrière internationale, fondé sur la perspective du socialisme international.
(Article original publié le 17 mars 2015)

dimanche 29 mars 2015

QEIMADA





Gillo Pontecorvo, cinéaste subversif s’il en est, connu pour son brûlot « La bataille d’Alger », a réalisé en 1969 un film sur les Antilles qui est une véritable mise en abyme de toute l’histoire humaine depuis l’aube du capitalisme mondialisé, du pillage colonial à la structuration des multinationales, en passant par la montée en puissance des bourgeoisies et de l’impérialisme, sous ses formes les plus subtiles.
Ne cherchez pas Queimada sur une carte : cette ile antillaise est imaginaire, tous comme les personnages « historiques » que Pontecorvo met en scène dans son film. Cette totale fiction constitue pourtant le meilleur cinéma d’histoire que l’on puisse conter. Queimada brosse le portrait, à travers l’apparent tumulte des révolutions, de l’exploitation dans ce qu’elle a de plus stable et de plus pérenne. Queimada est un film qui s’ancre tout d’abord dans la géopolitique : la première instrumentalisation mise en scène est celle, éternelle, des révoltes financées par des puissances étrangères à des fins stratégiques. Ici, Queimada est poussé à l’insurrection par l’Angleterre, soucieuse d’affaiblir l’empire colonial portugais. Loin de tout romantisme, l’abolition de l’esclavage est présentée sous un jour purement économique : leur libération est le fruit d’un cynique calcul d’intérêt : à l’épouse on préfère la prostituée, à l’esclave, on préfère l’ouvrier.
Pontecorvo, en grand maitre de la contre-histoire, loin des fières épopées des romans nationaux, nous donne à voir la prise de conscience d’un leader noir longtemps manipulé par des forces qui le dépassent, jusqu’à comprendre son rôle d’idiot utile et de chair à canon. Ainsi, plus le film s’avance et plus il nous donne à voir les rouages des opérations politico-militaires. Nous passons des plus clairs soutiens en sous-main aux plus obscurs et indéchiffrables tentatives de modeler la légende et l’opinion. Ancré dans un décor du 19e, siècle des nationalismes et des révolutions, Queimada n’en demeure pas moins un film des plus modernes, qui décrit des passages de relai toujours effectifs dans nos sociétés actuelles. Au colonialisme et à l’esclavagisme d’antan, on a substitué une égalité de façade asservissant d’autant plus durement les ex-colonisés, livrés à la prédation internationale. Si, au début du film, toutes les opérations sont menées au nom de la couronne, celles-ci sont de plus en plus financées par de grandes firmes dont le commerce s’appuie sur les prérogatives nationales, avant de finir par les absorber.
Dans le contexte de sa sortie, ce film a été vu comme une gigantesque allusion aux agissements des impérialistes états-uniens en Amérique latine et en Asie (on était alors en pleine la guerre du Vietnam), mais au-delà de toute contingence, Queimada peut se lire comme un véritable traité intemporel de l’extorsion et de la manipulation à grande échelle.

http://www.senscritique.com/film/Queimada/379549


En 1845, sir William Walker, un dandy aventurier, débarque sur l'île de Queimada, dans les Caraïbes, colonisée par Lisbonne. Le gouvernement anglais lui a donné mission de susciter une révolte contre l'Empire portugais faiblissant, afin de permettre aux compagnies britanniques de s'emparer des plantations de canne à sucre. Walker s'assure les services d'un bourgeois ambitieux, Teddy Sanchez, et fixe son choix sur un docker noir, Jose Dolores, pour fomenter la rébellion. Dolores attaque la banque centrale de l'île sur les conseils de Walker, qui le dénonce aussitôt aux autorités. Le jeune homme prend le maquis avec une poignée de compagnons. En sous-main, Walker leur fournit armes et conseils. Le soulèvement est fixé au jour du carnaval…
Arte magazine n° 29 du 16|07|05 au 22|07|05

Le souffle de l'histoire
Tourné par Gillo Pontecorvo alors que la guerre du Vietnam fait rage, Queimada est une flamboyante charge contre le colonialisme, embrasée deux fois en deux heures par la guerre et la révolution. Car le régime aux ordres des Anglais mis sur pied par William Walker, allusion transparente aux gouvernements fantoches qui se succèdent à Saïgon, est renversé à son tour. Et Walker, qui fut l'allié des révolutionnaires, revient sur l'île pour mater cette nouvelle rébellion. "Queimada" signifie d'ailleurs "brûlé !" en portugais. Anticolonialiste ardent, le réalisateur de La bataille d'Alger (1965) insuffle le sens de l'histoire à ses fresques cinématographiques, et il sait éviter le manichéisme:
 "Loin de faire de sir William un mauvais clown, il campe brillamment un personnage envoûtant (…) Et son regard sait merveilleusement restituer toute la laideur de la violence. Ses batailles, assassinats, coups d'État et incendies successifs ne sont jamais empreints de gloriole, mais (…) tragiques et écoeurants", écrivait le Washington Post l'an dernier, à l'occasion de la sortie d'une version restaurée du film aux États-Unis. La subtile composition de Marlon Brando est quelque peu altérée par le doublage italien d'époque. Mais le comédien amateur Evaristo Marquez, recruté au pied levé, tient honorablement tête à la star dans son rôle d'adversaire indomptable de l'impérialisme.

Film de Gillo Pontecorvo (France/Italie, 1969, 1h23 mn, VOSTF)
Scénario : Gillo Pontecorvo, Franco Solinas et Giorgio Arlorio
Avec : Marlon Brando (sir William Walker), Evaristo Márquez (Jose Dolores), Norman Hill (Shelton), Renato Salvatori (Teddy Sanchez), Dana (Ghia Francesca), Valeria Ferran Wanani (Guarina), Giampiero Albertini (Henry), Carlo Palmucci (Jack), Thomas Lyons (le général Prada)
Image : Marcello Gatti, Giuseppe Ruzzolini et Ennio Morricone
Montage : Mario Morra
Musique : Ennio Morricone
Production : Europe Associate SAS
ARD

MEILLEUR RÉALISATEUR,
PRIX DAVID-DI-DONATELLO 1970



http://www.africultures.com/php/index.php?nav=film&no=1326

SETIF 8 MAI 1945 // La négation des massacres d’hier font le racisme d’aujourd’hui ! // SETIF c'est aussi 200 fois le massacre d' ORADOUR SUR GLANE , les barbares, criminels et nazis sont aussi parfaitement français et surtout totalement impunis.

8 Mai 1945 : Massacre de Sétif !

 
Le jour même où la France est libérée, elle réaffirme dans le sang sa domination coloniale en Algérie : 45.000 morts à Sétif, Guelma, Kherrata et dans tout le Constantinois...
Cet évènement tragique nous touche particulièrement à Lyon, car il y a un grand nombre de personnes originaires de Sétif parmi les habitants de Lyon.

Jour de liesse ? Fête de la libération ? Pas pour tout le monde...

Le 8 mai 1945 signifie la fin du nazisme. Il correspond aussi à l’un des moments les plus sanglants de l’histoire nationale. La répression colonialiste venait d’y faire ses premiers accrocs face à une population farouchement déterminée à se promouvoir aux nobles idéaux de paix et d’indépendance.
Faim, famine, chômage et misère semblaient résumer la condition sociale de la population musulmane algérienne colonisée par la France, population surtout agricole souvent déplacée car les colons s’étaient saisis des meilleures terres, et de plus dans une période de guerre, de sécheresse et de récoltes décimées par les acarides. « Des hommes souffrent de la faim et demandent la justice... Leur faim est injuste. » écrivait Albert Camus début 1945 dans Combat.
Le 8 mai 1945 fut un mardi pas comme les autres en Algérie. Les gens massacrés ne l’étaient pas pour diversité d’avis, mais à cause d’un idéal. La liberté. Ailleurs, il fut célébré dans les interstices de la capitulation de l’état-major allemand. La fin de la Seconde Guerre mondiale, où pourtant 150.000 Algériens s’étaient engagés dans l’armée aux côtés de de Gaulle. Ce fut la fin d’une guerre. Cela pour les Européens. Mais pour d’autres, en Algérie, à Sétif, Guelma, Kherrata, Constantine et un peu partout, ce fut la fête dans l’atrocité d’une colonisation et d’un impérialisme qui ne venait en ce 8 mai qu’annoncer le plan de redressement des volontés farouches et éprises de ce saut libertaire.
JPEG - 81.2 ko
Sétif
Fontaine Ain El Fouara

Sétif, mardi 8 mai 1945

Dès 8 heures du matin, une foule estimée aux environs de 10.000 personnes était rassemblée devant la mosquée de la gare. Puis elle entamait son élan rue des Etats-Unis pour se diriger vers le centre-ville, rue Georges Clémenceau... Pacifiques, dépités et désarmés, les paisibles manifestants scandaient des slogans de paix et de liberté. « Indépendance », « Libérez Messali Hadj », « L’Algérie est à nous ». Ils s’étaient donnés pour consigne de faire sortir pour la première fois le drapeau algérien. La riposte fut sanglante.
Pourtant, profitant du jour du marché hebdomadaire, ce 8 mai 1945, les organisateurs avaient rappelé aux paysans venus des villages de déposer tout ce qui pouvait être une arme (couteau, hâche, faux...). Derrière les drapeaux des alliés, c’étaient les écoliers et les jeunes scouts qui étaient au premier rang suivis des porteurs de la gerbe de fleurs, et les militants suivaient juste derrière pour éviter tout débordement de la masse paysanne.
A la vue d’un drapeau algérien vert et blanc, qui avait été déployé en cours de route, les policiers avaient jailli du barrage et avaient attaqué la foule pour s’emparer du drapeau. Un militant avait expliqué que le drapeau étant sacré, il est impossible de le remiser une fois sorti. Le maire socialiste de la ville supplie de ne pas tirer. Mais c’est à ce moment que tout dérape quand un inspecteur tire, tue celui qui portait ce drapeau à ce moment-là et deux coups de feu en soutien de la part d’Européens partent du café de France. Dans la panique provoquée par les premiers coups de feu, à d’autres fenêtres des Européens tirent à leur tour sur la foule.
« On a tiré sur un jeune scout » ! Ce jeune « scout » fut le premier martyr de ces incidents : Saâl Bouzid, 22 ans, venait par son souffle d’indiquer sur la voie du sacrifice la voie de la liberté. K. Z., âgé alors de 16 ans, affirme non sans amertume à ce propos : « Il gisait mourant par-devant le terrain qui sert actuellement d’assiette foncière au siège de la wilaya. Nous l’avons transporté jusqu’au docteur Mostefaï... et puis... » L’émotion l’étouffe et l’empêche de continuer...
Bien que la panique ait gagné l’ensemble des manifestants, un militant avait sonné le clairon pour que la gerbe de fleurs soit déposée. Cela se passait à 10 heures du matin. Le car de la gendarmerie ayant eu du retard était arrivé en fonçant en direction des manifestants fauchant les présents.
Surgit alors la préparation du massacre des Algériens. Une milice d’Européens est formée à qui on donne des armes ; l’armée, la police et la gendarmerie sont déployées... C’est une véritable chasse à toutes personnes musulmanes.
Le 9 mai, à Sétif, ce sont 35 Algériens qui ont été abattus parce qu’ils ne savaient pas qu’un couvre feu avait été établi. Le rapport du commissaire divisionnaire, M. Bergé, expliquait que chaque mouvement jugé suspect provoquait le tir : « les musulmans ne peuvent circuler sauf s’ils portent un brassard blanc délivré par les autorités et justifications d’un emploi dans un service public. »

Guelma, mardi 8 mai 1945

A Guelma, à 16 heures, un rassemblement s’était organisé hors de la ville. Les militants des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML) attendaient, en fait, les instructions venant de Annaba. A 17 heures le cortège s’était ébranlé avec les pancartes célébrant la victoire des alliés ainsi que leurs drapeaux entourant un drapeau algérien. Arrivé à l’actuelle rue du 8 mai, le cortège avait été arrêté par le sous préfet Achiary. Il ne restait plus que 500 mètres pour atteindre le monument aux morts.
Le sous préfet, Achiary - futur chef de l’OAS créé à Madrid en 1961 -, hors de lui avait intimé l’ordre de jeter les pancartes, drapeaux et banderoles. Un socialiste nommé Fauqueux avait râlé auprès du sous préfet : « Monsieur le sous préfet est ce qu’il y a ici la France ou pas ? ». C’est alors, comme un coup de fouet, Achiary saisit le revolver dont il s’est armé, entre dans la foule droit sur le porte drapeau et tire. Son escorte ouvre le feu sur le cortège qui s’enfuit, découvrant dans son reflux le corps du jeune Boumaza. A Guelma ce jour-là il y a déjà 4 Algériens tués, mais aucun Européen.
Le 9 mai, à Guelma, la milice dirigée par Achiary avait tenu sa première séance au cours de laquelle l’adjoint Garrivet proposait : « Nous allons étudier la liste des personnes à juger. Commençons par nos anciens élèves ». Une perquisition au local des AML a permis de saisir les listes nominatives des responsables et militants, tous considérés comme suspects, qui seront incarcérés, souvent torturés, et exécutés par fournées entières.
JPEG - 64.1 ko
Arrestations de civils menés vers leur propre exécution avant de finir brûlés dans des fours à chaux de Guelma

Kherrata, mardi 8 mai 1945

C’est aussi mardi jour de marché, et il n’y a pas de défilé prévu pour la fin de la deuxième guerre mondiale, ce 8 mai, dans ce gros village tranquille, situé au pied d’une chaîne montagneuse, à quelques dizaines de kilomètres de la Méditerranée. En fin de matinée on y apprend les tueries policières de Sétif. Les nouvelles se répandent vite parmi la population de Kherrata. Les Européens prennent peur, l’administrateur colonial leur distribue des armes et ils se planquent dans une forteresse. Tandis qu’on donne l’ordre au crieur public d’annoncer le couvre-feu, celui-ci au contraire parcourt tous les villages à l’entour en appelant la population musulmane à se rassembler à Kherrata.
Ce sont 10.000 personnes qui vont arriver durant la nuit à Kherrata. Dès l’aube du 9 mai, une grande agitation règne au centre de Kherrata grouillant de monde. Les Musulmans sachant que les Européens étaient armés, et prêts à les tuer, se sont rassemblés pour envisager comment se défendre. Certains ont coupé les lignes téléphoniques, et d’autres ont cherché des armes au tribunal et dans trois maisons, qui furent incendiées. L’administrateur colonial et le juge de paix furent tués. Les 500 Européens qui étaient dans la forteresse tirèrent alors sur la foule déchaînée qui traversait le village avec des drapeaux algériens, tandis qu’on entendait les "you-you" des femmes.
Même s’ils avaient une grande conscience révolutionnaire, beaucoup parmi les insurgés algériens ne savaient pas quoi faire. Pour savoir comment réagir, ils se sont alors rassemblés dans la montagne à Bouhoukal, mais l’armée française était déjà en marche. Le peu de monde qui avait des fusils se mit en groupes dans les gorges et à l’entrée de Kherrata pour retarder l’arrivée des gendarmes et des troupes. Mais dans cette révolte, qui allait vite être étouffée par l’armée, il n’y eu en tout et pour tout sur ce secteur que 10 morts et 4 blessés parmi les militaires et les Européens.
Vers midi, les automitrailleuses de l’armée française se mettent à tirer de loin sur les populations de Kherrata et des villages avoisinants, suivi de près par les tirs impressionnants du bateau-croiseur Duguay-Trouin sur les crêtes des monts de Babor, et l’après-midi c’est l’aviation qui bombardait les environs. Bombardements, tirs nourris et fusillades firent que plusieurs milliers d’Algériens furent massacrés. Vers 10 heures du soir, la légion étrangère franchissait les gorges et arrivait au village complètement vidé de ses habitants musulmans.
JPEG - 61.8 ko
Propagande coloniale - (à la mode Tartarin de Tarascon) : on distribue des armes sans munitions aux civils pour un besoin de propagande : "les insurgés déposent les armes". Ils feront TOUS partie des victimes assassinées, jetées vivantes du haut de la falaise de Kherrata (voir les gorges de Kherrata au fond de la photo) et enfin ramassées et brulées dans des fours à chaux.

Un des plus atroces massacres coloniaux de la part de la France

Suite aux assassinats d’Algériens à Sétif et à Guelma, des groupes d’indigènes avaient, dans leur repli, riposté en tuant des Européens. [1] S’en suit une répression extrêmement violente dans les rues et les quartiers de ces deux villes importantes, alors que la presse française parle abusivement de terrorisme algérien. Pendant une semaine, l’armée française, renforcée par des avions et des chars, se déchaîne sur les populations de la région et tue sans distinction. À la colère légitime des Algériens, la réponse du gouvernement français, dans lequel se trouve, mais oui, le PS et le PC, aux côtés de de Gaulle, ne s’est, en tout cas, pas fait attendre en mobilisant toutes les forces de police, de gendarmerie, de l’armée, en envoyant des renforts de CRS et de parchuttistes, et même en recrutant des miliciens, qui ne se gênent pas de fusiller des Algériens de tous âges et sans défense.

De Sétif, la répression sanglante s’est généralisée. Elle allait toucher tout le pays durant tout le mois de mai. L’Algérie s’embrasait sous les feux brûlants du printemps 1945. Le général Weiss, chef de la cinquième région aérienne, avait ordonné le 13 mai le bombardement de tous rassemblements des indigènes sur les routes et à proximité des villages.
Kateb Yacine, écrivain algérien, alors lycéen à Sétif, écrit : « C’est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J’avais vingt ans. Le choc que je ressentis devant l’impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme. » 
« Je témoigne que la manifestation du 8 mai était pacifique. En organisant une manifestation qui se voulait pacifique, on a été pris par surprise. Les dirigeants n’avaient pas prévu de réactions. Cela s’est terminé par des dizaines de milliers de victimes. À Guelma, ma mère a perdu la mémoire...
On voyait des cadavres partout, dans toutes les rues. La répression était aveugle ; c’était un grand massacre. »
Dans les localités environnantes à Sétif, Ras El Ma, Beni Azziz, El Eulma, des douars entiers furent décimés, des villages incendiés, des dechras et des familles furent brûlées vives. On raconte le martyre de la famille Kacem. Korrichi, son fils Mohamed et son frère Nouari furent torturés et tués à bout portant...
Les légionnaires prenaient les nourrissons par les pieds, les faisaient tournoyer et les jetaient contre les parois de pierre où leurs chairs s’éparpillaient sur les rochers...
L’armée française avait planifié l’extermination de milliers d’Algériens. Pour mettre à exécution leur dessein les soldats français avaient procédé au regroupement de toutes les populations avoisinant les côtes-est de Béjaïa à Bordj Mira en passant par Darguina, Souk El-Tenine et Aokas. Toutes les populations de ces régions étaient forcées de se regrouper sur les plages de Melbou. L’occupant n’avait en tête que la liquidation physique de tout ce beau monde. Des soldats armés faisaient le porte-à-porte à travers la ville de Sétif et certaines régions environnantes, et obligeaient hommes, femmes et enfants à sortir pour monter dans des camions.
Dès lors, des camions de type GMC continuaient à charger toute personne qui se trouvait sur leur passage. Le convoi prenait la direction de Kherrata. Les habitants de cette autre ville historique n’allaient pas échapper à l’embarquement qui les menait avec leurs autres concitoyens de Sétif, vers le camion de la mort. Les milliers d’Algériens furent déchargés depuis les bennes des camions au fond des gorges de Kherrata. L’horreur n’était pas terminée pour ces pauvres « bougnouls » comme aimaient les surnommer les colons français. Des hélicoptères dénommés « Bananes » survolaient les lieux du massacre pour achever les blessés. Une véritable boucherie humaine allait permettre, plus tard, aux oiseaux charognards d’investir les lieux.
Avec la venue de l’été, la chaleur monte... et l’odeur de la mort. Vers Guelma, faute de les avoir tous enterrés assez profond ou brûlés, trop de cadavres ont été jetés dans un fossé, à peine recouverts d’une pelletée de terre. Les débris humains sont transportés par camion. Le transport est effectué avec l’aide de la gendarmerie de Guelma pendant la nuit. C’est ainsi que les restes des 500 musulmans ont été amenés au lieu dit "fontaine chaude" et brûlés dans un four à chaux avec des branches d’oliviers.
Alors que l’on sait que ce sont en tout 102 Européens ou militaires qui ont été tués, et 110 blessés, à ce moment-là, en riposte aux tueries des autorités françaises, malgré un minutieux travail de recherches, il est aujourd’hui absolument impossible de savoir le nombre exact d’assassinats perpétrés par la France parmi les Algériens. Tout a été fait pour que cet énorme massacre soit le plus possible dissimulé à l’opinion publique. On peut estimer cependant qu’il y a eu à ce moment-là plusieurs dizaines de milliers de blessés algériens, pas loin de cent mille. Selon l’armée américaine cet énorme massacre de la France de de Gaulle, par l’armée française, la police et les miliciens, aurait fait 45.000 morts. C’est le chiffre, qui peut sembler peut-être vraisemblable, retenu officiellement désormais par les Algériens.
Dans la matinée du fatidique 8 mai, en guise de riposte à cette manifestation pacifique, la police ouvrit le feu... Plusieurs d’entre acteurs et témoins encore en vie sont ainsi soumis à la souffrance du souvenir et le devoir de dire ce qu’ils ont vécu, vu, entendu dire et se dire. Ils craignent pour la postérité, l’amnésie.
Parler à Sétif du 8 mai 1945 rend obligatoire la citation de noms-phares : Abdelkader Yalla, Lakhdar Taârabit, Laouamen dit Baâyou, Bouguessa Askouri, Gharzouli, Rabah Harbouche, Saâd Saâdna, Miloud Begag, Saâdi Bouras, Benattia, le Dr Hanous, le Dr Saâdane, Bachir Ibrahimi, et beaucoup d’autres que seul un travail sérieux institutionnel pourrait les lister et en faire un fronton mémorial.

Le 8 mai 1945, un des plus atroces massacres coloniaux est perpétré par cette France fraîchement libérée. Et, à Sétif en Algérie, où est organisée une manifestation pacifique indépendantiste par les militants du PPA (Parti Populaire Algérien), le gouvernement français envoie l’armée, sous le commandement du général Duval. Dans une répression violente contre la population civile, des navires de guerre tirent et l’aviation bombarde la population de Sétif. 10.000 soldats sont engagés dans une véritable opération militaire. Ils sont issus de la Légion étrangère, des tabors marocains, des tirailleurs sénégalais et algériens. En outre, des milices se forment sous l’œil bienveillant des autorités, et se livrent à une véritable chasse aux émeutiers. Le général Duval déclare que "Les troupes ont pu tuer 500 à 600 indigènes." Le nombre de victimes est aujourd’hui estimé à au moins 30.000 morts.
Le drame est passé inaperçu dans l’opinion métropolitaine. Le quotidien communiste L’Humanité assure alors que les émeutiers étaient des sympathisants nazis ! Il faudra attendre le 27 février 2005 pour que, lors d’une visite à Sétif, M. Hubert Colin de Verdière, Ambassadeur de France à Alger, qualifie les " massacres du 8 mai 1945 de tragédie inexcusable. " Cet évènement constitue la première reconnaissance officielle de sa responsabilité par la République française.
Pourtant, en ce jour de commémoration de la liberté, de la fin du joug nazi, pas un mot ne sera dit sur ce massacre de la France coloniale. Rappellons qu’il en est d’autres (Madagascar 1947, Paris le 17 octobre 1961, Alger le 26 mars 1962...). Cette France qui fait teinter ses médailles aujourd’hui, à coup de célébrations idéologiques, continue de pratiquer le déni historique sur ses propres crimes.
Aujourd’hui seront rapellés la barbarie nazie et les crimes de Vichy. 
Aujourd’hui seront oubliés les crimes coloniaux, ou encore le fait que les derniers camps de concentration en France pour Tziganes n’ont fermé qu’en 1946, que Papon n’a jamais été inquiété pour les crimes qu’il a commis en tant que préfet de la Ve République, la nôtre.
Les crimes commis par la France sont structurels. Non Nicolas, cette France-là nous ne l’aimons pas.
source : 
http://rebellyon.info/8-Mai-1945-Massacre-de-Setif.html