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mercredi 5 août 2015

LES SOLDATS PERDUS DE L'AGRICULTURE INDUSTRIELLE

SOURCE : http://www.anti-k.org/2015/08/05/les-soldats-perdus-de-lagriculture-industrielle/

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La France fut longtemps paysanne avant d’être industrielle. Nous sommes tous des paysans de souche et ce lien ancestral permet au monde agricole de bénéficier encore aujourd’hui d’une sympathie particulière. Imaginez que cette page s’appelle Épicerie « Industrielle », vous ne seriez certainement pas là…
L’agriculture moderne a été instrumentalisée au profit des multinationales comme Monsanto, Syngenta, Bayer ou BASF.
Tous fabriquent des pesticides, herbicides, OGM, et les médicaments pour tenter de soigner le tsunami de cancers que provoque leur marchandise frelatée.
Les paysans d’aujourd’hui ne sont plus maîtres chez eux, il sont endettés jusqu’au coup, entièrement dépendant de la grande distribution, leur statut social non-officiel est ESCLAVE !!!
Officiellement, par contre, il y a 2 SUICIDES D’AGRICULTEURS PAR JOUR.
Faire ses courses « super »marché c’est participer à ce gâchis et bien pire encore :
Un petit achat multiplié par des milliards qui à l’échelle du monde modifie le climat et a déclenché la sixième extinction des espèces :
Ça demande réflexion ?
Mais, derrière la bataille engagée aujourd’hui, une nouvelle fois, par nos éleveurs, se cachent les intérêts contradictoires de deux conceptions de l’agriculture et le combat ambigu de la FNSEA et de son président Xavier Beulin. Juchés sur leurs énormes engins agricoles, le plus souvent de marques étrangères, tandis qu’ils arborent des pancartes « Achetez français », noyés  dans la fumée dégagée par des monticules de pneus enflammés,   les  ruraux  du syndicat majoritaire ne sont plus des paysans mais les représentants d’un maillon de l’agro-industrie soumis à la mondialisation et à la concurrence libre des autres produits européens.  Leurs difficultés s’apparentent finalement à celles que peuvent éprouver les salariés d’autres secteurs industriels car, bien que théoriquement indépendants, ils sont, dans les faits, tenus, enfermés, dans des liens de subordination particulièrement stricts et contraignants.
« La fin des paysans », annoncée dans un ouvrage resté célèbre du sociologue Henri Mendras,  est en passe de devenir une réalité ; elle est inscrite dans les lois d’orientation agricole qui se sont succédé  depuis les années 60. Sous les coups de butoir conjugués  de l’UE,  du ministère de l’agriculture et de la FNSEA, les paysans français disparaissent inexorablement  pour laisser la place à des exploitants sous contrats qui sont en fait des ouvriers spécialisés et les  maillons faibles d’une agro-industrie préoccupée avant tout de productivité et d’économie d’échelle. Il faut nourrir la planète à moindre coût,  l’agriculture française doit relever ce défi et affronter la concurrence mondiale.
Mais les agriculteurs de ce système productiviste nourrissent désormais avant tout le capital emprunté aux banques et découvrent qu’ils ne sont plus maîtres de leur destin, de leur avenir. Ils ont perdu leur identité culturelle pour rejoindre l’immense cohorte des exploités de l’économie financière mondialisée. Ils ont été progressivement dépossédés :
–          dépossédés de leurs terres et de leurs terroirs qui s’asphyxient et se minéralisent sous les engrais et les pesticides ;
–          dépossédés de leurs savoirs, de leurs techniques  et de leurs semences en devenant les clients obligés de fournisseurs en tous genres (notamment des firmes semencières et des fabricants d’aliments ) ;
–          dépossédés de leurs outils de représentation et de coopération : les organisations professionnelles agricoles et notamment les coopératives sont devenues des instruments d’aliénation au service du modèle agricole dominant. Ainsi par exemple, Invivo, premier groupe coopératif français,  développe un CA de 5,7 milliards d’euros, est présent dans 28 pays, et emploie 8000 personnes. Qui peut croire que cette coopérative sert une logique paysanne ?
–          dépossédés de leurs instances représentatives : la FNSEA, principale organisation syndicale, est présidée par Xavier Beulin, PDG de la société Avril-Sofiprotéol, multinationale aux multiples activités (de la presse spécialisée à l’huile de palme en passant par les additifs alimentaires), le n°1 de l’alimentation animale en France après le rachat de Sanders. (lire ici l’article de Reporterre sur Xavier Beulin) . La société Sofiprotéol-Avril ( lire ici)est une véritable pieuvre qui est en train d’enlacer et de parasiter l’ensemble de la filière agro-industrielle.  Xavier Beulin est par ailleurs vice-président du Copa-Cogeca, structure qui rassemble des syndicats et organisations agricoles au niveau européen, particulièrement favorable à la signature du  traité TAFTA ( le traité de libre-échange en négociation entre les USA et l’UE)  qui « constitue une occasion unique de supprimer des obstacles règlementaires inutiles , une des grandes priorités de l’industrie agro-alimentaire européenne ».
Imagine-t-on un loup chargé de garder des brebis? Imagine-t-on un fournisseur exhorter  ses clients à différer le paiement de leurs dettes ?  Les conflits d’intérêts et le mélange des genres ne semblent pas effrayer le président de la FNSEA, qui continue, faussement bravache, à encourager ses troupes tout en reconnaissant, sans le moindre embarras, que les mesures prises par le gouvernement  vont « dans le bon sens ».  (Stéphane Le Foll avait notamment pointé l’endettement des éleveurs vis-à-vis des fournisseurs d’aliments) ;
–          dépossédés enfin de leur culture et du fameux bon sens paysan. La technostructure agricole a instillé aux jeunes générations le culte du rendement à tout prix, du machinisme, du progrès technique, l’obsession de la nature maîtrisée, domestiquée, conquise : vivre de la nature, dans la nature, tout en lui étant étranger, tout en étant furieusement réfractaire au respect de la vie et de l’environnement, au point même, pour certains, d’être dépossédés de leur humanité comme en ont témoigné les débordements scandaleux  de  certains militants de la FNSEA, dans le cadre de l’affaire de Sivens.
Aujourd’hui, les agriculteurs qui manifestent sous la bannière de la FNSEA sont nus, aussi dépouillés et désorientés que les animaux qu’on mène à l’abattoir.
Seule une agriculture plus extensive  –  notamment dans le domaine de l’élevage – et soucieuse avant tout de qualité pourrait permettre au monde paysan de se réapproprier son destin, de préserver les milieux naturels et de respecter les consommateurs. Mais cette agriculture, défendue par la Confédération paysanne, ne correspond évidemment pas aux intérêts de l’agro-industrie et elle n’a pas les faveurs des pouvoirs publics.  L’Etat français, malgré le lancement de l’an 1 de l’agro-écologie le 30 janvier dernier,  a clairement fait le choix de l’agriculture intensive pour alimenter la très grande masse de la population mais aussi les moteurs de nos voitures avec les agro-carburants.  Le colloque organisé en décembre 2013 pour fêter les 30 ans de Sofiprotéol –Avril avait été l’occasion pour le  chef de l’Etat d’expliquer sa position et de choisir son camp : « Dans dix ans l’agriculture française sera un secteur extrêmement dynamique (…) C’est mon rôle de rappeler que l’on doit croire dans le progrès  (…) Les protéines végétales et la chimie verte font partie des sept ambitions d’avenir reconnues par la commission “Innovation 2030“ ».
Le plan de sauvetage des éleveurs démontre qu’il n’y a pas  de jurisprudence des erreurs passées.  En appeler à la responsabilité des acteurs est probablement assez vain dans un monde où la morale des affaires est tout de même dictée par la recherche du profit maximum. Et quelques centimes de plus au litre de lait ou au kilo de viande,  arrachés par les éleveurs, ne changeront rien à la logique générale d’un système qui pousse à la concentration. Des aides comme le soutien à l’investissement et la promotion de la viande française à l’export seront captées,  pour l’essentiel, par les plus gros.
Cette guerre des « paysans » profitera aux généraux de l’arrière, aux bâtisseurs d’empire comme Xavier Beulin, qui n’hésitent pas à envoyer au front, pour des batailles désespérées, les soldats perdus de l’agriculture industrielle.

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