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samedi 16 décembre 2017

LE GENERAL QUI REFUSA LA TORTURE : JACQUES DE BOLLARDIERE

SOURCE

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Il est triste de voir que le militaire le plus décoré de la Résistance, qui a été quasiment le seul gradé à avoir dénoncé la torture en Algérie, qui a fait pour cela 2 mois de forteresse, qui a viré non-violent puis anti-nucléaire, est désormais un quasi inconnu…
Alors que ce héros était très connu il y a 50/60 ans :
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Et là, hop, rayé des mémoires !
Après le soldat inconnu, le général inconnu… La fabrique du crétin, c’est un métier.
Né le 16/12/1907, il aurait eu 110 ans aujourd’hui.
Je ressors donc ce billet de 2016 ; je vous renvoie aussi sur ce billet sur la quasi-censure du documentaire de 1974 lui ayant été consacré. (sans Gazut, on n’aurait presque rien sur lui…).

Le documentaire caché : le général non-violent

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Eh bien comme les grandes chaînes ont caché ce documentaire pendant 40 ans, on va le montrer ici – et je vous encourage à en faire de même…
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Il y a cinquante ans, le général Jacques de Bollardière condamnait la pratique de la torture

Source : LDH Toulon, 28-11-2007
Jacques de Bollardière est le seul officier supérieur à avoir condamné ouvertement la pratique de la torture pendant la guerre d’Algérie.
En 1957, il tente par tous les moyens de dénoncer “certains procédés” en vigueur dans la recherche du renseignement en Algérie. Sa prise de position publique lui vaut une sanction de soixante jours d’arrêt …
[Mis à part la modification du titre et l’ajout de la brève de L’Humanité du 28 nov. 07,
cette page avait été rédigée en octobre 2001.]
Un carrefour Bollardière à Paris
[L’Humanité du 26 novembre 2007]
Paris va avoir son carrefour Général-de-Bollardière. Il doit être inauguré le jeudi 29 novembre prochain, à 17 heures 30. Il se situera à l’angle de l’avenue de Suffren et de l’avenue de La Motte-Piquet, prés de l’École militaire. La décision a été prise à l’unanimité du conseil municipal. La plaque devrait porter une seule mention : « Compagnon de la Libération ». Ses titres de résistance sont en effet des plus glorieux, étant l’officier français le plus décoré par les alliés. Le nom de Bollardière, cependant, incarne encore l’honneur militaire, et l’honneur tout court, pour un autre théâtre d’opérations. Promis aux plus hautes fonctions, le général de Bollardière eut le courage de dénoncer la torture pendant la guerre d’Algérie, ce qui lui valut deux mois de forteresse. La présence de ceux, Algériens et Français, qui ont été de cette histoire, présence souhaitée par Simone de Bollardière, signifiera que ce combat n’est pas oublié.
Ch. Silvestre
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Jacques Paris de Bollardière est né le 16 décembre 1907, à Châteaubriant. Il sort de Saint-Cyr en 1930.
En 1939, il est lieutenant à la Légion Étrangère dans le Sud marocain ; il reçoit le baptême du feu à Narvick.
Résistant de la première heure, il rejoint l’Angleterre en juin 1940, et participe à tous les combats des F.F.L. avec la 13e Demi-brigade de la Légion Étrangère. En avril 1944, il commande la mission Citronnelle dans le maquis des Ardennes. Jacques de Bollardière a été le soldat le plus décoré de la France libre : grand officier de la Légion d’honneur, compagnon de la Libération, deux fois décoré du DSO (Distinguished Service Order ) …
Après un commandement en Indochine à la tête des troupes aéroportées, il est instructeur à l’École de Guerre. En 1956, il est muté en Algérie, et, en juillet de la même année, il est nommé général.
Jacques de Bollardière tente par tous les moyens de dénoncer “certains procédés” en vigueur dans la recherche du renseignement.
En mars 1957, il demande à être relevé de son commandement en Algérie – sa lettre à Salan lui demandant de le relever :
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Au même moment, Jean-Jacques Servan-Schreiber, redevenu directeur de l’Express, est inculpé d’atteinte au moral de l’armée pour avoir publié plusieurs articles relatant son expérience algérienne et dénonçant l’attitude du gouvernement français. Il demande alors à son ancien chef, de Bollardière, de lui écrire une lettre de soutien ; celle-ci parut dans l’Express du 29 mars 1957 :
Le 21 mars 1957
Mon cher Servan-Schreiber,
Vous me demandez si j’estime que les articles publiés dans « L’Express », sous votre signature, sont de nature à porter atteinte au moral de l’Armée et à la déshonorer aux yeux de l’opinion publique.
Vous avez servi pendant six mois sous mes ordres en Algérie avec un souci évident de nous aider à dégager, par une vue sincère et objective des réalités, des règles d’actionà la fois efficaces et dignes de notre Pays et de son Armée.
Je pense qu’il était hautement souhaitable qu’après avoir vécu notre action et partagé nos efforts, vous fassiez votre métier de journaliste en soulignant à l’opinion publique les aspects dramatiques de la guerre révolutionnaire à laquelle nous faisons face, et l’effroyable danger qu’il y aurait pour nous à perdre de vue, sous le prétexte fallacieux de l’efficacité immédiate, les valeurs morales qui seules ont fait jusqu’à maintenant la grandeur de notre civilisation et de notre Armée.
Je vous envoie l’assurance de mon estime …
Note Berruyer : Il y avait une vraie presse à l’époque…
Sa lettre fait grand bruit et lui vaut, le 15 avril, une sanction de soixante jours d’arrêt à la forteresse de la Courneuve. Après quoi il est mis à l’écart : nommé successivement en Afrique centrale (A.E.F.), puis en Allemagne.
Le putsch d’Alger d’avril 1961 l’amène, à 53 ans, à prendre une retraite prématurée : “le putsch militaire d’Alger me détermine à quitter une armée qui se dresse contre le pays. Il ne pouvait être question pour moi de devenir le complice d’une aventure totalitaire”.
Il s’occupe alors de formation professionnelle des adultes. Quelques années plus tard, il est l’un des fondateurs du Mouvement pour une Alternative non-violente, et publie en 1972 : Bataille d’Alger, bataille de l’homme.
Jacques de Bollardière s’est toujours référé à son éthique chrétienne, pour affirmer le devoir de chacun de respecter la dignité de l’autre. Il a écrit : “La guerre n’est qu’une dangereuse maladie d’une humanité infantile qui cherche douloureusement sa voie. La torture, ce dialogue dans l’horreur, n’est que l’envers affreux de la communication fraternelle. Elle dégrade celui qui l’inflige plus encore que celui qui la subit. Céder à la violence et à la torture, c’est, par impuissance à croire en l’homme, renoncer à construire un monde plus humain.”
Jacques de Bollardière est décédé en février 1986, mais sa veuve, Simone de Bollardière, est l’une des signataires de l’appel des douze : le 31 octobre 2000, douze personnes, dont Henri Alleg qui survécut à “la question” et Josette Audin veuve d’un jeune mathématicien qui succomba, ont demandé une condamnation publique de l’usage de la torture pendant la guerre d’Algérie.
L’inacceptable [1]
« Vers le début de janvier 1957, tout s’accéléra soudain et devint menaçant. Une violente poussée de terrorisme plonge Alger et sa région dans la fièvre. Pour faire face à la situation on met en place une nouvelle organisation de commandement dans laquelle mon secteur se trouve englobé. Le général Massu, commandant la 10ème Division parachutiste, en est le chef. Les pouvoirs civils abandonnent entre ses mains la totalité des pouvoirs de police qu’il décentralise aussitôt jusqu’au dernier échelon de la hiérarchie dans la division parachutiste. […]
Des directives me parviennent, disant clairement de prendre comme premier critère l’efficacité et de faire passer en priorité les opérations policières avant toute pacification. Des femmes musulmanes atterrées, viennent m’informer en pleurant que leurs fils, leur mari, ont disparu dans la nuit, arrêtés sans explication par des soldats brutaux en tenue camouflée et béret de parachutistes. […]
Quelques heures plus tard, je reçois directement l’ordre de faire exécuter immédiatement par mes troupes une fouille de toutes les mosquées du secteur pour y chercher des dépôts d’armes. Je refuse d’exécuter cet ordre reçu dans des conditions irrégulières et que je juge scandaleuses ; j’estime de plus qu’une telle provocation risque de ruiner les efforts de plusieurs mois. Je demande alors à être reçu immédiatement par le général Massu.
J’entre dans son vaste bureau […] Je lui dis que ses directives sont en opposition absolue avec le respect de l’homme qui fait le fondement même de ma vie et que je me refuse à en assumer la responsabilité.
Je ne peux accepter son système qui conduira pratiquement à conférer aux parachutistes, jusqu’au dernier échelon, le droit de vie et de mort sur chaque homme et chaque femme, français ou musulman, dans la région d’Alger…
J’affirme que s’il accepte le principe scandaleux de l’application d’une torture, naïvement considérée comme limitée et contrôlée, il va briser les vannes qui contiennent encore difficilement les instincts les plus vils et laisser déferler un flot de boue et de sang…
Je lui demande ce que signifierait pour lui une victoire pour laquelle nous aurions touché le fond de la pire détresse, de la plus désespérante défaite, celle de l’homme qui renonce à être humain.
Massu m’oppose avec son assurance monolithique les notions d’efficacité immédiate, de protection à n’importe quel prix de vies innocentes et menacées. Pour lui, la rapidité dans l’action doit passer par-dessus tous les principes et tous les scrupules. Il maintient formellement l’esprit de ses directives, et confirme son choix, pour le moment, de la priorité absolue à ce qu’il appelle des opérations de police.
Je lui dis qu’il va compromettre pour toujours, au bénéfice de la haine, l’avenir de la communauté française en Algérie et que pour moi la vie n’aurait plus de sens si je me pliais à ses vues. Je le quitte brusquement.
En sortant de chez lui, j’envoie au général commandant en chef (1) une lettre lui demandant de me remettre sans délai en France à la disposition du secrétaire d’État à la Guerre.
Un faible espoir m’anime encore. Le général Massu n’est pas au niveau de commandement où se conçoit une politique et où se décide l’emploi des forces armées.
Je demande l’audience du Général commandant en chef [2] et du ministre résidant [3]. Je leur parle d’homme à homme et sors de leur bureau tragiquement déçu. J’ai le coeur serré d’angoisse en pensant à l’Algérie, à l’Armée et à la France. Un choix conscient et monstrueux a été fait. J’en ai acquis l’affreuse certitude.
Le lendemain, je prends un avion pour Nantes où m’attend ma famille. »

P.-S.

Le général de Bollardière est le seul officier supérieur qui n’ait pas été réintégré dans ses droits à la suite de la loi de réhabilitation de novembre 1982.

Notes

[1] Extrait de Bataille d’Alger, bataille de l’homme (chapitre 11)
par Jacques de Bollardière – éd. Desclée de Brouwer 1972.
[2] Raoul Salan.
[3] Robert Lacoste.
Source : LDH Toulon, 28-11-2007
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2e documentaire : « Un combat singulier » Portrait du Général de Bollardière

Source : Youtube
Source : Youtube
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Torture Simone de Bollardière : ” Ce général qui a dit non “

Source : L’HumanitéJean-Paul Monferran, 10-11-2000
Guerre d’Algérie. Entretien avec l’une des signataires de l’appel contre la torture, dont le mari fut le premier officier supérieur à en dénoncer l’usage.
En mars 1957, le général de parachutistes Jacques Pâris de Bollardière – quarante-neuf ans, résistant de la première heure, soldat le plus décoré de la France libre – demande à être relevé de son commandement en Algérie. Il refuse la torture, au nom de ” l’effroyable danger qu’il y aurait à perdre de vue […] les valeurs morales qui, seules, ont fait jusqu’à présent la grandeur de notre civilisation et de notre armée “. Publiée dans l’Express de Jean-Jacques Servan-Schreiber, sa lettre fait grand bruit et lui vaut soixante jours de forteresse. ” Il avait sa conscience pour lui “, et ce temps de détention, ” il l’a mis à profit pour lire, surtout les philosophes “, explique aujourd’hui Simone de Bollardière, sa veuve, qui, ” pour la mémoire du combat de son mari ” et au nom de leur éthique commune, a décidé d’être l’une des douze signataires de l’appel ” à condamner la torture durant la guerre d’Algérie “. Rencontre avec une vieille dame digne, qui appelle un chat un chat…
Dans quelles circonstances avez-vous décidé d’être l’une des signataires de cet appel ?
Simone de Bollardière. Lorsque j’ai été contactée par Charles Silvestre, de l’Humanité, j’ai tout de suite été d’accord pour signer ce texte, surtout quand j’ai vu le nom des autres personnes, que je connais, pour certaines, et que mon mari connaissait aussi. Je me suis dit, sans trop y croire : ” Pourquoi ne pas jeter encore une bouteille à la mer ? ” J’ai donc signé – et pour plusieurs raisons. Tout récemment, j’ai vu le film Warrior, qui montre de jeunes Anglais se retrouvant en Yougoslavie sans y avoir été préparés et qui reviennent totalement chamboulés au bout de six mois, simplement à la vue des horreurs de la guerre. Or, la France, dans le plus grand secret, et sans jamais parler de ” guerre “, a envoyé en Algérie, pendant deux ans et demi, des jeunes de vingt ou vingt-deux ans, qui ont participé à des abominations. Certains ont vu leurs camarades morts, éventrés, et autres choses atroces, mais, eux aussi, ont commis des actes abominables, avec l’autorisation – non dite et non écrite – des autorités, et l’obligation, pour certains, de le faire, sous peine d’être méprisés par des officiers qui sortaient à peine de la guerre d’Indochine. Toute une génération a été sabordée par la guerre d’Algérie : la plupart se sont réfugiés ensuite dans le silence, beaucoup se sont suicidés ou sont devenus alcooliques…
Dans quelles conditions votre mari a-t-il décidé de refuser la torture ?
Simone de Bollardière. Dès que les ordres ont commencé à arriver dans son secteur. Mon mari – vous l’avez mentionné – était le soldat le plus décoré de la France libre. Il a alors écrit – sans permission, mais on n’était pas à l’école maternelle – que la torture était une pratique inadmissible, qui plus est, inefficace. Cela lui a valu deux mois de forteresse, et le reste de l’armée lui a tourné le dos. Ce qui m’a toujours étonnée, c’est que des généraux, des officiers supérieurs, qui se disaient ” bons pères de famille ” et qui, paraît-il, n’auraient pas fait de mal à une mouche, n’aient pas eu alors l’idée que si ce général-là, avec le passé qu’il avait (compagnon de la Libération, deux fois titulaire de la plus haute distinction britannique, etc.) posait une question de cette importance, c’est qu’il y avait un problème que, eux, systématiquement, refusaient de voir en disant : ” Dans mon secteur, il n’y a pas de torture “.
Comment l’expliquez-vous ?
Simone de Bollardière. Je ne l’explique pas.
Comment expliquez-vous alors l’attitude singulière du général de Bollardière, l’un des premiers officiers à rejoindre le général de Gaulle à Londres, en juin 1940 ?
Simone de Bollardière. Permettez-moi d’abord de dire les choses autrement : quand mon mari, alors capitaine, est arrivé à Londres en juin 1940, il ne savait pas qu’il y avait de Gaulle. Il revenait de Norvège, il a pris un bateau en Bretagne, et il comptait poursuivre la guerre comme simple soldat dans l’armée britannique pour combattre les nazis – il n’a jamais dit contre ” les Allemands “. C’est alors qu’il a appris l’existence de de Gaulle… Pour répondre à votre question, je crois que l’expérience de mon mari dans les maquis de la Résistance a beaucoup compté, tout comme sa formation et ses convictions de jeunesse : pour lui, un homme était toujours un homme ; on n’avait pas le droit de faire n’importe quoi à un autre homme, quelles que soient les circonstances. Il m’a raconté que, blessé dans les Ardennes, il avait mis toute son énergie à éviter que deux prisonniers allemands ne soient sommairement exécutés. Ils n’ont finalement été ni fusillés ni martyrisés, et ce sont eux qui l’ont porté sur un brancard pendant plusieurs jours… Il s’est toujours référé à des valeurs morales, au respect de l’autre, à l’éthique chrétienne : ” Tu ne feras pas aux autres “, etc.
Vous savez que, de manière récurrente, se pose, s’agissant de l’Algérie, la question des responsabilités respectives de l’armée et du pouvoir politique
Simone de Bollardière. Le pouvoir civil a été nul : il n’y a eu personne de courageux, pas plus Guy Mollet qu’un autre, personne qui ose dire autre chose que : ” Ce sont les événements d’Algérie “, etc. Quant aux officiers, ils n’avaient en tête que de prendre une ” revanche ” sur l’Indochine. Tout à leur mépris pour les ” Viets ” – comme ils disaient – ils n’avaient rien compris à ce qui s’était passé à Dien Bien Phu. Ils sortaient des ” écoles de guerre “, ils ne pensaient jamais pouvoir être défaits par des gens qui n’avaient que des bicyclettes. La vraie question est : que faisait la France en Indochine, que faisait la France en Algérie ?.
Quels souvenirs gardez-vous de la mise en détention de votre mari ?
Simone de Bollardière. Lui avait sa conscience pour lui : il était bien dans sa peau, il avait le temps de lire, surtout les philosophes, et en particulier Alain, dont il avait été l’élève. Moi, j’ai vécu cela comme une immense injustice – qui m’a, je crois, rendue pour toujours hypersensible à toute injustice, et par exemple, aujourd’hui, au sort des sans-papiers… Je ne supportais pas d’entendre mon mari être traité de ” salaud “, d’homme qui ” avait sali l’honneur de l’armée “, etc. En fait, c’est lui, seul, qui a sauvé alors ” l’honneur de l’armée “… Permettez-moi d’ajouter deux choses, encore plus personnelles : j’ai été très émue à la lecture du témoignage de cette jeune Algérienne qui expliquait que, quelque temps avant d’être torturée, elle avait écouté avec son père une émission, dans laquelle on parlait d’un général qui s’était opposé à la torture, et qu’ils avaient pleuré. Par ailleurs, j’ai toujours été sensible au fait que les Algériens ont toujours su dire, sans l’écorcher, le nom de mon mari ; en France, ce n’est pas le cas, on dit couramment ” La Bollardière “, ou je ne sais quoi… Au fond, j’en suis fière. Il n’y a rien de plus important que d’avoir sa conscience pour soi, de pouvoir se regarder dans la glace chaque matin…
J’imagine que vous avez beaucoup discuté ensemble de la guerre elle-même, du fait de savoir s’il fallait la faire ou non…
Simone de Bollardière. Il ne fallait pas la faire. L’Algérie, c’était le non-droit absolu pour les Algériens, et, dès qu’il y avait ne serait-ce qu’une petite ” réforme ” d’envisagée, les pieds-noirs riches s’y opposaient. Il y avait un mépris total pour l’existence de plus de 80 % de la population… Après l’Indochine, ne croyez-vous pas que des leçons auraient pu être tirées ? Quand nous étions en Indochine avec mon mari, j’allais dans les hôpitaux : il y avait des Algériens, des Marocains, des Africains, que l’on envoyait se battre ” pour la France ” en Indochine, quand eux-mêmes étaient venus nous aider à nous libérer de l’occupant nazi. Il ne faut pas mépriser les gens à ce point : les Algériens, par exemple, ont bien vu le rôle qu’on leur faisait jouer en Indochine, la ” sale guerre ” à laquelle ils étaient contraints. Quand ils sont revenus en Algérie, ils se sont dits : ” Pourquoi, nous aussi, n’aurions-nous pas notre indépendance ? Nous avons aidé les Français à reconquérir leur indépendance contre Hitler, pourquoi n’obtiendrions-nous pas la même chose ? ” C’est un raisonnement logique. Dans l’Évangile, on parle d’un ” peuple à la nuque raide ” : les Français, eux, ont eu la nuque plus que raide. Ils n’ont jamais voulu comprendre – et peut-être encore beaucoup aujourd’hui…
La torture était partout présente ?
Simone de Bollardière. Partout. C’était systématique. Et – je le répète – cela a détruit toute une génération.
La torture a été pratiquée aussi du côté algérien.
Simone de Bollardière. Un pays qui obtient sa liberté et son indépendance dans une violence pareille – avec l’OAS, les barbouzes, les anti-barbouzes, les hommes, les femmes, les enfants tués, massacrés, n’importe où, n’importe quand, n’importe comment – c’est un peuple qui se constitue dans la violence et qui se continue dans la violence. La violence en Algérie, c’est la suite de la guerre d’Algérie – c’est le dominant qui contamine la dominé. La France, vous savez, ce n’est pas très joli… Regardez encore aujourd’hui comment on traite les sans-papiers, comment des formes de torture peuvent encore être pratiquées dans les commissariats. La guerre d’Algérie a généré beaucoup de gangrène : du fait qu’il n’y a pas eu de sanctions, que tout a été toujours caché, qu’il y a eu l’amnistie, que l’on ne peut même pas en parler… Si je dis que Le Pen est un tortionnaire, je n’en ai pas le droit !.
On a beaucoup écrit sur les rapports entre votre mari et le général de Gaulle à cette époque.
Simone de Bollardière. Mon mari n’avait pas de rapports avec le général de Gaulle. Il s’est trouvé ” gaulliste ” parce que de Gaulle était là en 1940. Quant au retour au pouvoir de de Gaulle en 1958, on ne peut pas dire qu’il l’ait apprécié. Lorsqu’il a voulu quitter l’armée – et se disant que de Gaulle avait tout de même représenté quelque chose de très fort, d’essentiel – il lui a demandé audience. De Gaulle lui a dit : ” Que voulez-vous ? ” Mais mon mari ne voulait rien : ni étoile ni poste… Il voulait seulement parler de la situation en Algérie, lui demander ce qu’il comptait faire. Mon mari m’a dit : ” J’ai eu l’impression que nous n’étions pas dans le même monde. ” Il a pris sa retraite après le putsch de 1961, et il s’est occupé, ici en Bretagne, de formation pour les personnes en grande difficulté. Pour remettre le monde un petit peu plus à l’endroit.
C’est tout de même un parcours original ?
Simone de Bollardière. Oui, mais il suit une ligne très droite. Pendant longtemps. Il a écrit : ” J’ai cru que, pour la libération de l’homme, il fallait faire la guerre. Donc, je l’ai faite. Maintenant, je continue pour la libération de l’homme avec d’autres moyens : c’est-à-dire l’éducation et la formation à la non-violence. “.
Comment avez-vous apprécié la déclaration de Lionel Jospin s’engageant à poursuivre le ” travail de vérité ” sur la guerre d’Algérie ?
Simone de Bollardière. J’ai signé ce texte – je crois l’avoir déjà dit – à la fois par amitié pour l’Humanité – que je ne me représente pas avec un couteau entre les dents ! – et lorsque j’ai su qui étaient les autres signataires qui, tous, sont des personnes d’une très haute valeur morale. Dès lors, je me suis sentie moralement obligée à cause de mon mari. Mais, pour dire la vérité, je n’attendais rien de cet appel. Depuis tout ce temps… Tout paraissait tellement bloqué… Aussi, ma stupéfaction a été totale lorsque j’ai pris connaissance de la déclaration de Lionel Jospin. Je me suis dit : ” C’est incroyable. Je ne pensais pas voir cela de mon vivant. ” J’ai eu un bon coup au cour. Cinq jours seulement… Le tout est de savoir maintenant ce qui va suivre. J’aimerais que l’on fasse quelque chose pour tous ceux qui étaient jeunes alors et qui ont été massacrés dans leur être vivant. Et puis que l’on parle de toutes les horreurs. Je n’aime pas beaucoup les États-Unis : mais eux, au moins, ont su parler de la guerre du Vietnam ; McNamara (1) dit aujourd’hui que c’était ” une bêtise “. Puisque nous sommes, semble-t-il, dans l’année de la repentance, que l’État français fasse sa repentance vis-à-vis de l’Algérie ! Et l’Algérie vis-à-vis de la France, car il y a eu, en effet, des horreurs des deux côtés. Mais la France, terre de ” civilisation chrétienne “, vous vous rendez compte !.
Entretien réalisé par.
Jean-Paul Monferran.
(1) Secrétaire à la Défense dans le gouvernement de John Kennedy.
Source : L’HumanitéJean-Paul Monferran, 10-11-2000
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Le général de Bollardière par sa femme

Source : Youtube
Source : Youtube

Interview Simone de Bollardiere 2004

Source : Youtube
Source : Youtube

Le Général par sa femme

Source : Dailymotion

Source : Dailymotion
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Jacques de Bollardière, le général qui refusa la torture – Archive vidéo INA

Source : Youtube, INA, 26-06-2001
Reportage. Portrait du général Jacques PARIS DE BOLLARDIERE, qui refusa d’appliquer la torture pendant la guerre d’Algérie. Des associations se battent pour qu’un film suisse qui lui a été consacré, réalisé en 1974 et intitulé “Le général de Bollardière et la torture”, soit diffusé en France.Le comentaire sur images d’illustration et extraits du film alterne avec les interviews de sa veuve Simone PARIS DE BOLLARDIERE, et d’André GAZUT, réalisateur du film. Images d’archive INA
Institut National de l’Audiovisuel
Source : Youtube, INA, 26-06-2001
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« Général de Bollardière » : un destin face à l’Histoire

Un document exceptionnel sur une des pages les plus sombres de l’histoire de France et, peut-être, une occasion de voir se refermer de vieilles blessures.
Des corps attachés. Des exécutions sommaires. De vaines tentatives de Robert Lacoste, ministre-résident en Algérie à l’époque des faits, pour évacuer le débat. «Général de Bollardière», le film d’André Gazut sorti en 1974, est une bombe. Censuré par l’ensemble des télévisions françaises, ce document exceptionnel retrace la vie de Jacques Pâris de Bollardière, brillant officier de la Légion étrangère qui a quitté l’armée pour n’avoir pas à cautionner l’emploi de la torture. Mais il est bien plus que ça.
Une véritable mise en accusation des pouvoirs civils et militaires pour leur comportement lors des «événements». Chappe de plombSi le film frôle parfois l’hagiographie, nul manichéisme chez son auteur. «Il ne s’agit pas de dire que tous les militaires étaient des tortionnaires, sauf lui, explique André Gazut. D’autres officiers se sont opposés à la torture. Simplement, ils ne l’ont pas dit». Et c’est cette chappe de plomb chez les anciens de l’Algérie, quels qu’aient été leurs rôles à l’époque, que le film cherche à briser.
«Il est très difficile pour un pays d’assumer son passé. Mais tant que le problème n’aura pas été revu au niveau de l’Etat, le malaise persistera, estime-t-il. Il faut dépasser les clivages droite-gauche, civils-militaires, pour en parler. C’est ainsi qu’on pourra en libérer ceux qui l’ont vécu». «Tout le monde savait» Signe que le problème reste sensible, le public mélangé de la projection. Beaucoup de contemporains de la «sale guerre» et d’autres, plus jeunes, sensibilisés par le récent vacarme médiatique autour du livre du général Aussaresses.
André Gazut, lui, se dit «pas étonné» des révélations de ce dernier. «Tout le monde le savait, il n’y a que le gouvernement français qui faisait semblant de ne rien entendre», dénonce en écho Simone de Bollardière, veuve du Général et militante infatigable de la paix. Le choc des images aidant, difficile de l’ignorer une fois la projection terminée. Pas de télé prévueDès 1974, la Suisse, la Belgique et le Canada avaient accepté le document. La télévision nationale algérienne l’a diffusé en mars dernier.
Mais en France, rien n’est encore prévu. Arte serait éventuellement intéressée, des responsables de chaînes ont déjà donné des signes, mais cela n’a pas abouti. Le circuit des cinémas indépendants a pris le relais, et le film tourne beaucoup, les demandes se multiplient. Rien que de normal : «Général de Bollardière» n’est pas un cours d’histoire, c’est un document historique. Rediffusion jeudi à 11 h 30 et vendredi à 21 h à la MJC.

jeudi 14 décembre 2017

LA FIN DE JOHNNY ................

SOURCE
Depuis ce 6 décembre 2017, Johnny Hallyday n’est plus.1 Onfoncedanslemur voit dans cet événement un symbole de l’extraordinaire rapidité avec laquelle la consommation de masse s’est développée, entraînant dans son sillage toutes ces calamités désormais bien connues : réchauffement climatique, extinction des espèces, rapprochement inexorable de la fin du pétrole, plastique par millions de tonnes dans les océans…
Flash back comme on dit au cinéma. Je n’ai jamais pu oublier cette émission de radio, « S.L.C Salut les copains »2, qui connut son heure de gloire au début des années 60. C’est elle qui a lancé, pour ne pas dire « créé » les vedettes comme Johnny. A l’époque, la télévision n’avait pas encore fait irruption dans tous les foyers, les gens vivaient chichement, Mai 68 était inimaginable, le « consumérisme moderne » n’existait pas, l’électroménager représentait encore l’avenir, et plein de rêves se focalisaient sur « l’an 2000 ». L’on pouvait alors se demander si un ordinateur pourrait battre un joueur d’échecs « en l’an 2000 », et le monde était partagé en trois : le « Monde Libre » comprenant surtout les « U.S.A. », le Japon et « l’Europe de l’Ouest », le monde communiste honnis par le premier, (la Chine et l’U.R.S.S avec son goulag, lequel n’existait pas encore dans le langage courant3), et enfin le « Tiers-Monde » qui ne semblait pas encore « en développement », venant à peine de se libérer de la colonisation.
Maintenant, essayez de vous représenter le chemin parcouru : il devrait donner le vertige. Non seulement les ordinateurs battent aisément les meilleurs joueurs d’échecs, ils battent aussi à plat de couture les joueurs de go, (ce qui était donné pour quasiment impossible), et leurs exploits « ne font que commencer ». La télévision n’est plus seulement dans tous les foyers, (et dans les recoins les plus isolés de la planète), on la transporte dans sa poche sous forme de « smart phones », et le capitalisme est devenu la norme dans la quasi totalité des pays du monde. Et il se trouve qu’une première mondiale vient d’être annoncée : une opération chirurgicale en « réalité augmentée », et partagée en « temps réel » par des spécialistes dispersés aux quatre points cardinaux, ce qui montre bien qu’aucun domaine n’échappe à la fulgurance du progrès technique.
Malheureusement, le pétrole s’épuise aussi vite que les innovations déferlent, la vitesse de consommation du premier étant la condition de la vitesse d’apparition des secondes. L’on peut imaginer que les mêmes innovations auraient pu être produites sans le pétrole, mais cela aurait pris des siècles au lieu de quelques décennies, ou bien l’on aurait consommé beaucoup plus de charbon dans une forme liquéfiée aisément transportable. (Le transport joue un rôle fondamental, sans lui on ne peut plus écouler les marchandises.) Aussi peut-on dire que « le système » transforme qualitativement le pétrole en innovations, tandis que dans le même mouvement il produit sa formidable extension géographique et quantitative, décuplant ainsi ses capacités d’innovations qui ne peuvent en retour qu’amplifier son extension.
Alors que la nature (sans l’être humain) avait trouvé une relative stabilité à travers un nombre incalculable d’interactions inter-espèces, (en fait elle ne cesse d’évoluer, mais lentement), le système humain ne connaît qu’une seule boucle d’auto-amplification entre consommation d’énergies et progrès technique, les us et coutumes se faisant chambouler bien plus rapidement que les générations ne se succèdent. Cela n’augure rien de bon à l’horizon 2100, car la protection de l’environnement, (et des personnes qui en vivent directement), ne suit pas le même chemin : elle reste la grande oubliée du système, même si le monde entier s’extasie pour le bébé panda qui a été baptisé voilà deux jours. C’est pourquoi aujourd’hui, l’on espère encore « sauver la planète » avec les « énergies renouvelables », car l’on n’a pas encore compris quela destruction de l’environnement ne dépend pas de la nature des énergies en jeu, mais de leur seule quantité. Et qu’importe que l’on sache ou non améliorer l’efficacité énergétique, (consommer moins d’énergie à résultat équivalent), puisque la boucle de rétro-action positive nous entraîne irrésistiblement à produire toujours plus.
En effet, l’énergie ne pollue pas seulement pour le CO2 rejeté dans l’atmosphère, mais aussi à travers tout ce qu’elle permet de faire, ou que le système exige de faire pour son maintien :
  • Augmentation continuelle des espaces occupés par les humains, et diminution de ceux dévolus aux espèces sauvages.
  • Augmentation continuelle des dispersions de produits artificiels. Si on les comptait tous, (métaux, produits chimiques, débris de toutes tailles, nanomatériaux et micro-particules), l’addition devrait probablement se compter en milliards de tonnes.
  • Diminution continuelle de l’eau propre et de ses réservoirs naturels, nappes phréatiques et glaciers, dont les espèces sauvages ont autant besoin que l’espèce humaine.
  • Augmentation continuelle de la consommation de ressources.
  • Augmentation continuelle des « solutions » pour palier aux problèmes que suscite le système, et qui ont pour effet de le pérenniser alors qu’il faudrait l’abolir : agriculture « hors sol », climatiseurs, industrie pharmaceutique,…
Et Johnny dans tout ça ? Rédigé en avril 2017, l’article « Évolution » présente un panorama succinct de l’évolution technique : la plupart des inventions qui y apparaissent n’existaient pas quand notre artiste national avait débuté sa carrière, et quand il est né, en 1943, l’ordinateur était balbutiant et inconnu du grand public, l’on ne connaissait que la mécanographieOr donc, en moins de temps que la vie d’un homme, les espoirs des années 60 pour « l’an 2000 » ont cédé la place à la hantise de l’an 2100 : « Dans les débats sur la meilleure manière de bâtir un système énergétique durable, nous devrions donc être particulièrement attentifs à éviter les chausse-trapes, tant les conséquences sont susceptibles de transformer nos rêves de paradis en enfer. Et pourtant, nous n’en faisons rien, et continuons à disserter sur l’avenir à partir d’un problème posé de travers. »
Malheureusement, même en posant les problèmes à l’endroit, il n’est pas dit que l’espèce humaine saura franchir ce que l’on pourrait appeler le « mur de Meadows », c’est-à-dire l’effondrement pronostiqué en 1972, et dont je remets ici l’image désormais célèbre :
futurism
Comme on peut le voir, l’an 2100 n’est pas pour demain. Mais regardez bien la courbe mauve, « Industrial output per capita » : elle sera proche de zéro. Il faudra se baisser pour ramasser les patates, comme au temps de ces paysans qui avaient vu naître un certain Jean-Philippe Smet.
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LE JOUR D'APRES

SOURCE
L’expression « le jour d’après » a été popularisée en 2004 par un film catastrophe, (la fiction d’une ère glaciale), et a trouvé une seconde vie pour désigner « l’après pétrole » ou « après l’effondrement ». Que les Econoclastes l’aient reprise pour titre d’une conférence (décevante) à l’École de Guerre est un signe qui ne trompe pas : les militaires savent depuis longtemps que l’énergie est le nerf de la guerre. Il n’en reste pas moins que le plus grand flou est de mise quant à l’allure que pourrait prendre un effondrement qui hante désormais les esprits. Mais de quel(s) effondrement(s) parle-t-on ? Essayons de clarifier.
L’on peut distinguer trois « jours d’après » bien différents selon que l’on considère :
  1. Seulement un effondrement industriel, comme celui pronostiqué en 1972 par Meadows.
  2. La fin absolue du pétrole, celle qui verra sa production mondiale réduite à zéro après une décroissance plus ou moins rapide.
  3. L’effondrement de notre environnement écologique et/ou un réchauffement climatique tels qu’ils ramèneraient l’humanité à « l’âge de pierre ».
L’effondrement industriel
Ce premier effondrement est à la fois le plus probable à court terme, (décennie 2020), et le moins grave en terme de « secousse sismique ». Il commencera probablement par une crise financière comme en 2008, sera suivi comme en 2008 par une crise économique, mais, contrairement à 2008, l’économie mondiale ne s’en remettra pas. Il ne signera pas la fin de l’industrie, seulement sa réduction en volume, et son principal effet sera de précipiter des millions de gens dans la misère, comme on peut le voir actuellement en Grèce, au Venezuela, dans les pays ravagés par la guerre, et même en Europe où le taux de pauvreté ne cesse d’augmenter, le tout sur fond de mouvements migratoires de grandes ampleurs à cause des changements climatiques.
D’après les Econoclastes cités en introduction, les deux tiers du PIB d’un pays sont imputables à la seule consommation des ménages : le système fera donc trinquer les ménages par réduction de leurs possibilités de consommation, par réduction des prestations de l’État, des assurances publiques ou privées, etc., toutes choses ayant pour effet de réduire la consommation de pétrole (et d’énergie de façon générale). Ainsi l’industrie continuera de tourner sur fond de chômage croissant et de problèmes sociaux douloureux, le système restant, pour une minorité de nantis, ce qu’il est aujourd’hui.
C’est clairement le chemin qui se dessine déjà à travers :
  • La politique d’austérité de l’UE, comme l’a affirmé un Econoclaste.
  • L’augmentation sans fin des inégalités qui destinent les classes moyennes à disparaître.
  • La gigantesque bulle de la dette mondiale qui sert à prolonger artificiellement le système, et promet d’éclater tôt ou tard. (Cf. les Econoclastes)
  • Les tribunaux d’arbitrage conçus pour donner l’avantage aux multinationales sur les États.
  • Le compteur Linky qui permettra de rationner la consommation d’électricité des ménages.
La fin du pétrole
Il arrivera un moment où le système ne pourra plus extraire de pétrole, même s’il en reste « beaucoup » dans le sol, même si les moyens techniques sont disponibles. Car sa production ne se réduit pas à l’extraction : c’est un sous-système complexe fait de géopolitique, d’investissements, d’extraction, de transport, de raffinage, de négoce international et de commerce de détail, qui ne peut fonctionner que si l’ensemble du système fonctionne bien. Sur fond de décroissance, et compte tenu de son enjeu hautement stratégique, ce sous-système va se « déglinguer », c’est-à-dire sortir des clous du commerce international officiel, et se transformer en trafic de gré à gré, occulte et militariséS’il reste malgré tout coté sur les marchés, ce ne sera qu’un vernis pour rassurer les derniers nantis et permettre au système de survivre cahin-caha.
futurismSur le diagramme de Meadows, cela correspond à la période où la production industrielle plonge tandis que la pollution continue d’augmenter : en effet, la chute de la production industrielle entraîne celle des activités de maintenance, de recyclage, de dépollution et de prévention, tandis que les activités pollueuses survivent « à la va comme je te pousse », à grands renforts de rafistolages et de solutions improvisées, en provoquant de nombreuses pollutions par négligence et accidents. L’exemple type en sont ces colonnes de camions financés par Daesh pour transporter le pétrole syrien.
Quand viendra la fin radicale et définitive du pétrole, le monde sera déjà dans un état inimaginable : le système aura changé pour s’adapter, mais en abandonnant ses normes qui fondent aujourd’hui sa légalité.
L’effondrement écologique
Il est pronostiqué par des scientifiques et signifie que la nature pourrait cesser de fournir les « services » indispensables à la survie des espèces, celles-ci étant en conséquence vouées à disparaître en accentuant bien sûr l’effondrement. Beaucoup en parlent mais personne n’en a écrit le scénario. Il est certain que la production alimentaire finira par chuter de façon importante, mais cela ne signifie pas que l’ensemble de notre environnement mourra. Résistance, adaptation et diversification sont le propre des espèces vivantes. Les interactions étant complexes, et le réchauffement climatique imprévisible avec certitude, (il dépendra de la future consommation de charbon, et de phénomènes actuellement envisagés mais non quantifiés), l’effondrement écologique n’est pas à exclure à long terme mais reste le plus incertain.
Ce qui est certain, en revanche, est un futur effondrement relativement à nos besoins de production agricole, car « tout » concourt à réduire les terres fertiles : l’urbanisation des surfaces, le réchauffement climatique et les changements dans le régime des pluies, la pollution, la stérilisation des terres par surexploitation, la perte de biodiversité, l’épuisement des réserves aquifères et les mouvement migratoires : ils soulagent la pression humaine dans les zones devenues invivables, mais l’accentuent dans celles qui restent.
Conclusion
Il nous manque, pour dessiner avec précision le triste avenir qui nous attend, une analyse plus fine de ce qui fait le système actuel. Le modèle Meadows ne couvre que sa dimension quantitative, il ignore les multiples liens tissés entre les humains, en particulier ceux d’ordre juridique tel qu’ils se manifestent par exemple dans les statuts des travailleurs, dans le fait de bénéficier ou non de services à vocation publique, transports en commun, santé, messagerie, banque, police et justice. Et surtout, globalement, ce que l’on appelle l’ordre public : c’est-à-dire le sentiment de vivre dans un monde réglementé et donc apaisé, où prédomine un commerce légal à défaut d’être équitable. Le modèle Meadows englobe tous ces aspects dans la courbe « Services per capita » dont la chute est appelée à suivre de près celle de la production industrielle. C’est pourquoi « le jour d’après » risque fort de se caractériser par la disparition de toutes formes de légalité : les faits seront ce qu’ils sont, il n’y aura plus de « scandales » parce que le système sera devenu incapable d’imposer des normes socio-économiques. Ce sera pour chacun l’heure de la débrouille.