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samedi 29 juillet 2017

DU PERE DUCHESNE AU PERE PEINARD

SOURCE 


Deux journaux qui, à un siècle d'intervalle, veulent porter la parole du peuple. 

Le Père Duchesne - 1790 à 1794

Publié de 1790 à 1794 par Jean-René Hébert, Le Père Duchesne est l’un des journaux les plus lus pendant la Révolution française et particulièrement pendant la Terreur. Le journal, au ton pamphétaire, se veut le porte parole du peuple, comme le rappelle d'ailleurs son titre qui fait référence à un personnage imaginaire et populaire né avant la révolution de 1789, celui d'un fabricant de fourneaux.

Le style employé imite le parler du peuple pour mieux se faire l'écho de l'opinion publique. Les articles sont écrits non seulement dans le but d'être lus mais encore d'être entendus, voire joués en public. Le succès du journal est tel que les tirages ont pu atteindre les 50 000 exemplaires.

" QUE des ci-devant nobles, que des calotins, que des financiers, que des robins trahissent la patrie, cela ne m’étonne pas, foutre. D’un sac à charbon on ne sauroit tirer blanche farine. La caque sent toujours le hareng ; mais qu’un sans-culotte, élevé à un grade éminent, tourne casaque à la république, il y a de quoi se débaptiser, et cependant, foutre, nous n’en n’avons que trop d’exemples, pour l’honneur de la Sans-Culotterie.
   Qu’elle est donc l’espérance de ces renégats ? Croyent-ils qu’il jouiroient du fruit de leurs trahisons, si la contre-révolution, qu’il est aussi impossible de faire que de prendre la lune avec les dents, pouvoit arriver ? Les aristocrates qui se servent de ces lâches comme le singe de la patte du chat pour tirer les marrons du feu, les méprisent autant que nous.
   On aime la trahison, mais on déteste le traître. Si les marquis, les ducs, les princes pouvoient remonter sur l’eau, pourroient-ils se fier aux jean-foutres qui ont trahi la patrie ? Ils rougiroient d’avoir eu obligation à de pareils viédases, et ils commenceroient par les faire pendre, pour étouffer avec eux le souvenir des services qu’ils en auroient reçu, et leur faire restituer l’or qu’ils leur ont donné."
En nivôse an II (décembre 1793) s’engage une lutte entre les  "indulgents " que représentent Démoulin et son journal  Le Vieux Cordelier  et les " enragés " ou " hébertistes"Le 14 ventôse, au club des Cordeliers, Hébert en appelle à une nouvelle insurrection populaire ce qui lui sera fatal. Il est guillotiné le 4 germinal an II (24 mars 1794).
Père Duchesne

 La Grande Colère du père Duchesne - n° 290, (1793).  Jacques René Hébert (1757-1794)
 Sur le site de la Bibliothèque municipale de Lisieux
 La fin d'Hébert et des Enragés - L'Histoire par l'image. 
 Michel BiardParlez-vous sans-culotte ? Dictionnaire du Père Duchesne (1790‑1794), Paris, Tallandier, 2009, 575 p.  Compte rendu

Le Père Peinard - 1889 à 1902 

Impliqué très jeune dans les mouvements anarchistes et syndicalistes, Emile Pouget  est arrêté en 1883  lors d’une manifestation  et condamné à trois ans de prison. A sa sortie, il fonde un journal hebdomadaire anarchiste, le Père Peinard, qui s'inscrit dans la tradition d'Hébert et du Père Duchesne et utilise un langage simple, parfois argotique. Le journal, sans cesse menacé de poursuitesparaîtra plus ou moins régulièrement de 1889 à 1902. Emile Pouget séjournera à plusieurs reprises à la prison de Sainte-Pélagie et devra même  se réfugier un temps à Londres.  Puis, délaissant l’activité des petits groupes libertaires, il s'engagera en 1901 au sein de la CGT, deviendra le secrétaire du syndicat  aux fédérations professionnelles et  le responsable de son hebdomadaire  La Voix du Peuple.

  "  Pour ce qui est de nous, bon populo, en fait de poissons nous continuerons à avaler des couleuvres - et de trimer pire que des galériens afin que les morues de la haute  se baladent dans de riches flabalas.
    Si seulement nous suivions l'exemple que nous donnent les paysans !
   A ce moment , ils finiront l'échenillage des arbres, enlèveront les mousses, les lichens et autres salopises qui sucent les troncs et les branches.
   Jusqu'au gui des pommmiers, qui malgré sa gueule verte, ne trouvera pas grâce : ils lui couperont la chique carrément. "

Père Peinard - Emile Pouget 1894

Germinal, rien que le nom vous ragaillardit, nom d'une pipe ! Il semble qu'on entend les nouvelles pousses crever leur coque et sortir leur nez vert hors de terre. 
Ce chouette mois nous amènera le printemps, — et l'espoir des beaux jours. Rien que l'espoir, hélas !... Faudra pas trop se presser de faire la nique à l'hiver. En Germinal, y a le premier avril, et gare au poisson, foutre ! Les bons amis chercheront à nous monter le job, et le frio pourra bien s'aviser de nous geler le pif et de semer du grésil où il y a que faire.
Des croquants, assez finauds pour se mordre les oreilles, chausseront des lunettes bleues pour foutre en déroute la lune rousse : malgré cette riche précaution, qu'ils ne s'épatent pas trop, si leurs bourgeons sont fricassés. 
Pour se rattrapper, ceux-là sèmeront des citrouilles. Comme s'il n'y en avait déjà pas assez d'espèces, depuis les actionnaires du Panama, jusqu'aux abouleurs des emprunts Russes. 
Les vaches s'en iront aux prés, et quoique bouffant de la verdure, elle continueront à fienter noir. 
Des vaches qui, pour n'avoir que deux pattes, mériteront rudement qu'on les envoie paître, ce sont les proprios. En Germinal, de même qu'à chaque renouvellement de saison, leur fête tombera sur la gueule des parigots. 
Qué tristesse, cette maudite fête ! 
Certes, les déménageurs à la cloche de bois ne chômeront pas, et les bouifles auront un turbin du diable pour rapetasser les bouts des grolons, usés à botter le cul des vautours. 
Ça ne ronflera pourtant pas suffisamment. A preuve, que beaucoup de désespérés ne trouveront pas d'autre moyen de se dépêtrer de leur vampire qu'en allumant un réchaud de charbon. 
Et Germinal mentira à son nom : au lieu de faire pousser la vie, il aura fait germer la mort !

La Justice dans les caricatures du « Père Peinard » Solange Vernois ,  Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » Hors-série | 2001.  URL : http://rhei.revues.org/index442.html

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