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lundi 1 janvier 2018

UNE BREVE HISTOIRE DE LA POURRITURE ETATZUNIENNE

SOURCE

DE L’IMPÉRIALISME AMÉRICAIN (FAUT-IL AVOIR PEUR DES USA, PARTIE 3/4)

Nous devons beaucoup aux États-Unis d’Amérique et leurs jeunes hommes et femmes, venus mourir sur nos plages pour nous libérer de l’Allemagne Nazie. Consécutivement, nous avons tendance à considérer l’état américain comme un allié naturel, et par extension une nation à ranger du côté des « bons », des  « gentils ». La puissante influence culturelle américaine contribue à alimenter cette vision manichéenne de la géopolitique.
Pourtant, une mise en perspective historique fournit un regard radicalement différent. Comme toutes les grandes puissances avant elle, l’Amérique défend ses propres intérêts. Elle se démarque des anciens empires par l’étendue inégalée de son pouvoir (militaire et économique) et l’usage particulièrement maladroit qu’elle en fait.
Cet article s’inscrit dans notre suite thématique « Faut-il avoir peur des USA ». Après avoir mis en doute la nature démocratique de la République fédérale américaine et souligné le manque de liberté de son peuple, en particulier du point de vue des minorités, nous nous proposons d’analyser la politique étrangère des États-Unis. Nous commencerons par un résumé historique avant d’aborder les questions d’actualité.
Accrochez-vous !

Partie 1 : perspectives historiques

La naissance d’une nation

La nation américaine s’est construite sur un mythe fondateur, une révolution humaniste contre la Couronne britannique, entachée d’un double crime : la traite des noirs et le génocide de vingt à soixante millions d’Amérindiens (1). À travers ces faits historiques, on retrouve tout le paradoxe des États-Unis d’Amérique. D’un côté, ses valeurs républicaines, démocratiques et libértaires. De l’autre, une certaine incapacité à reconnaitre ses erreurs et ses crimes, à laquelle se substitue une conception d’exceptionnalité, de « destinée manifeste » qui est profondément ressentie par la classe dirigeante américaine. (2)
Dès 1812, le nouvel État issu de la déclaration d’indépendance va rapidement adopter une politique extérieure belliqueuse.  Subissant les dégâts collatéraux des guerres napoléoniennes, il déclare la guerre à l’Empire Britannique (1812-1815). Ce conflit, considéré par certains historiens comme une tentative de conquête du Canada, débouche sur un statu quo et marque l’entrée en vigueur de la « doctrine Monroe ».  Elle repose sur un principe de neutralité (ou non-ingérence) réciproque entre les USA et les puissances coloniales européennes, tout en déclarant par ailleurs le contient américain comme  le « pré carré » des USA.
Les États-Unis vont ainsi poursuivre leur expansion en annexant la Floride (1818), puis en chassant les populations amérindiennes du Midwest (« Indien removal act » de 1830), avant de déclarer la guerre au Mexique (1846-1848) afin de conquérir le Texas, l’Arizona et la Californie.
La sécession des États du Sud et la guerre civile (1861-1865) vont permettre l’abolition de l’esclavage et marquer une pause dans les guerres indiennes, qui reprendront entre 1870 et 1890. En 1898, utilisant le prétexte d’un accident naval, les États-Unis déclarent la guerre à l’Espagne et remportent une victoire éclair qui leur permet de se saisir de Cuba, Puerto Rico et des Philippines.
L’entrée en guerre aux côtés de la France et de l’Angleterre suite au torpillage d’un cargo américain par la marine allemande (1917) signe la fin de la doctrine Monroe et la transition d’un statut de puissance régionale à celui de puissance globale.

La seconde guerre mondiale sous un autre angle

Nous avons tous été abreuvés de la version américaine de la Seconde Guerre mondiale, et sans chercher à minimiser la contribution des États-Unis à la victoire contre les forces de l’axe fasciste, il est important de nuancer la rhétorique communément admise.
Se pose en premier la question de l’origine de l’engagement américain, qui découle d’abord de l’attaque du Japon, puis d’une réponse à la déclaration de guerre de l’Allemagne prise par solidarité avec son allié nippon. En 1941, le futur président Truman répondait à Roosevelt au sujet de l’Europe: « Si nous voyons que l’Allemagne gagne, nous devons aider la Russie ; mais si c’est la Russie qui gagne, nous devons aider l’Allemagne, afin qu’ils s’entre-tuent au maximum. »  
La victoire sur l’Allemagne Nazie est très largement due à l’URSS, de loin la nation ayant infligé le plus de pertes aux forces allemandes, et ayant payé le plus lourd tribut à la guerre (16 % de la population russe, soit vingt-cinq millions d’individus décédés). C’est l’armée rouge qui capture Berlin et pousse Hitler au suicide, après avoir détruit les quatre cinquièmes des forces allemandes. Le front de l’Est constitue le point central de la Seconde Guerre mondiale, n’en déplaise à l’occident. Par le nombre de soldats et de matériels mobilisés (80% des ressources allemandes à partir de 1941), le nombre de pertes (quarante des soixante  millions de la Seconde Guerre mondiale) et le territoire couvert par les conflits. (3)
De même, la capitulation du Japon serait due à l’entrée en guerre de l’Union soviétique et la libération de la Mandchourie, et non aux bombardements massifs des villes japonaises par l’US air force. En particulier, le largage des bombes nucléaires n’aurait eu aucun impact sur la décision japonaise, selon les documents américains déclassifiés en 1988. (4)
Hiroshima, après l’explosion nucléaire
Enfin, il est utile de rappeler l’ampleur des « crimes » commis par les forces américaines. Les bombardements systématiques des villes françaises, allemandes et japonaises auront tué plus de 3 millions de civils. Reprenant les tactiques éprouvées par l’Allemagne Nazie, le ciblage délibéré des populations pour désorganiser les troupes ennemies fut largement utilisé. L’usage de bombes incendiaires (napalm) sur les villes allemandes et japonaises est particulièrement bien documenté, tout comme de nombreux actes de massacre de prisonniers et de torture. Au rang des crimes de guerre, l’historien Robert Lilly ajoute le viol de 14 000 femmes allemandes et françaises par les GI’s américains. (5)
De même, le choix stratégique de ne pas bombarder les voies ferroviaires alimentant le camp d’extermination d’Auschwitz (dont l’existence était connue dès 1942) est considéré par certains intellectuels comme un acte de complicité. (6)
Le théâtre du Pacifique connaitra également son lot d’atrocité, qui culminera par le largage de deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki (250 000 pertes civiles). L’emploi de ces armes nucléaires est particulièrement contesté. Si elles devaient permettre d’écourter la guerre et d’éviter une invasion couteuse du territoire Japonais, elles ont surtout servi à affirmer la puissance américaine tout en empêchant l’invasion russe du Japon. Le choix des villes fut essentiellement basé sur la météo et la topographie afin de maximiser la destruction et l’impact visuel de cette dernière. La visite du musée d’Hiroshima témoigne ainsi, documents historiques à l’appui, de l’effroyable méticulosité de l’armée américaine. Chaque largage fut escorté par des avions embarquant caméras, appareils photo et de mesure. Les deux bombes firent office de « test » pour mesurer l’impact de deux types de technologie (bombe A et bombe H) et l’emploi d’une troisième bombe ne fut évité que grâce à son délai de fabrication. (7)
Bien entendu, les crimes de guerre commis par l’armée américaine doivent être replacés dans le contexte, et font pâle figure face aux vingt millions de civils chinois massacrés par les Japonais, les six millions de victimes de la Shoah et les vingt-cinq millions de pertes russes infligés par la Wehrmacht.
L’histoire est écrite par les vainqueurs, et ce dicton s’applique particulièrement bien aux États-Unis, du fait de leur rayonnement culturel. À notre imaginaire imprégné des récits héroïques, nous devons donc substituer méthodiquement les faits.

Guerre froide et impérialisme américain

La fin de la Seconde Guerre mondiale marque l’entrée dans la guerre froide, et le début du véritable « impérialisme américain ». Or, si les exactions de l’Union soviétique et des dictatures communistes ne doivent en aucun cas être minimisées, les États-Unis ont eux aussi commis leurs lots d’actions pour les moins discutables.
Pour endiguer la montée du communisme et promouvoir le système capitaliste, de nombreux choix géostratégiques ont été effectués aux dépens de la démocratie. Ainsi, une étude récente de l’université de Carnegie Mellon a estimé, en se basant sur les données gouvernementales officielles, que les USA avaient interféré dans 81 élections étrangères entre 1946 et 2000 (contre 36 pour l’URSS). Ces chiffres ne prennent pas en compte les renversement de régime.
Or la CIA a officiellement reconnu sa responsabilité dans trois coups d’État majeurs.  En 1953, Mohammed  Mossadegh, Premier ministre de la toute nouvelle République démocratique d’Iran, est destitué au profit du Shah d’Iran. Les trente ans de dictature particulièrement violente et sanguinaire (8) seront finalement interrompus en 1979 par la révolution islamique, et déboucheront sur un nouveau régime autoritaire. En 1954, la CIA renverse le président démocratiquement élu du Guatemala et met en place une dictature reposant sur une junte militaire. L’histoire se répètera au Chili ou le socialiste Allende sera renversé par la junte militaire de Pinochet, avec l’appui reconnu des services secrets américains.
On pourrait citer de nombreux autres exemples, comme l’invasion ratée de Cuba pour renverser Fidel Castro (baie des cochons, 1961) ou l’exécution sommaire de Che Guevara par la CIA (1967), mais c’est encore par les guerres que les USA s’illustrent le mieux.
Celle de Corée (1950-1953) marque le premier épisode de la guerre froide. En réponse à l’agression communiste, l’armée américaine déversera plus de bombes et de napalm sur le pays que la totalité des munitions utilisées dans le Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale, tuant plus de 2.2 millions de civils et rasant la totalité des villes de Corée du Nord. Devant l’ampleur de la destruction, le commandement américain a reconnu manquer de cibles encore debout à la fin de la guerre. Après les objectifs militaires, l’US Air Force a méthodiquement bombardé les systèmes d’irrigation et les infrastructures civiles, provoquant des années de famine. (9)
Bombardement américain en Corée du Nord
Le général en chef américain, Mr Douglas Mac Arthur, proposa un plan d’action qui incluait le largage de trente à cinquante bombes nucléaires sur la Chine et la Corée du Nord « qui laisseraient derrière nous une ceinture de cobalt radioactif ». Sa persistance à recourir à l’arme nucléaire lui valut d’être limogé par le président Truman en 1952. Pour autant, la menace de recours au feu atomique fut officiellement brandie par la Maison blanche tout au long du conflit, forçant les délégations britanniques à venir en catastrophe à Washington plaider contre l’usage de la bombe , par peur d’un embrasement en Europe. (10)
Si la catastrophe fut évitée, vingt pour cent de la population nord-coréenne périt dans le conflit. Pratiquement tous les habitants ont perdu un ou plusieurs membres de leur premier cercle familial (parent ou enfant), et c’est en partie grâce à la mémoire et l’exploitation des images de ces atrocités que la dictature coréenne a pu se construire et se maintenir au pouvoir.

La guerre du Viêt Nam, ou la culmination de l’absurdité

La guerre du Viêt Nam est officiellement présentée par les Américains comme un conflit « débuté de bonne foi, par des gens respectables, emportés dans un engrenage par de mauvais calculs stratégiques et un excès de confiance » (11). En réalité, elle débute par la tentative de reconquête de l’Indochine par l’armée française, avec l’appui financier et logistique du gouvernement américain, soucieux de conserver son allié en Europe face à la montée du communisme. Après le retrait français, le Viêt Nam est divisé entre le nord communiste et sud capitaliste dont le gouvernement minoritaire est militairement soutenu par les USA. Le référendum prévu par les traités pour parvenir à la réunification du pays sera bloqué par les Américains, comme le reconnait le président Eisenhower dans ses mémoires : « un référendum aurait débouché sur un vote à 80% en faveur des communistes ». (12)
Le refus de la tenue d’élection démocratique va conduire à une montée progressive des tensions sous fond de guérilla, et un accroissement progressif de la présence militaire américaine. La guerre proprement dite débutera sur un faux prétexte. Le lendemain d’un incident naval impliquant deux frégates américaines, la Maison blanche fera adopter par le Congrès une résolution préparée de longue date prévoyant une mobilisation massive de forces militaires et les premières campagnes de bombardement aérien intensif. Or, la maison blanche savait pertinemment que l’incident naval n’avait aucun lien avec les forces vietnamiennes, comme il fut établi par le New York Times suite au « pentagon papers » fuité par Daniel Elsberg en 1971.
L’entrée en guerre ne résulte pas d’un mauvais calcul fait par des dirigeants de bonne foi, mais d’une manipulation de l’opinion américaine au service d’un projet impérialiste.
Le bilan humain de cette « erreur de calcul » parle pour lui-même. Côté américain, soixante milles tués, trois cent mille blessés, des dizaines de milliers de soldats victimes de syndrome post-traumatique ou de maladies induites par l’exposition aux armes chimiques déployées par l’armée américaine. Le Viêt Nam subira pour sa part plus de trois millions de pertes civiles et militaires, essentiellement victimes du plus grand tapis de bombe jamais déversé sur un pays. L’US Air Force largua plus de munitions sur le Viêt Nam que la totalité des bombes utilisées lors de la Seconde Guerre mondiale, toutes nations confondues. Aux armes conventionnelles s’ajoutera l’emploi massif de bombes à sous-munition, de napalm, d’armes chimiques et de désherbants (dont cinquante millions de litres d’agent orange et 75 millions de litres d’herbicide concentrés). Des millions d’hectares de forêt tropicale furent rasés, et 13% de la superficie du pays sera contaminé. Les pays voisins (Cambodge et Laos) où se repliaient les troupes vietnamiennes furent également pris pour cible.  Le Laos reçu près d’une tonne de bombes par habitant, et perdit cinquante mille civils, le Cambodge trois cent mille. (13)
On estime à quatre-vingts millions le nombre de bombes à sous-munition non explosée encore présente au Laos. Leurs découvertes tuent chaque année plus de trois cents civils, essentiellement des enfants prenant les sous-munitions pour des jouets. Au Viêt Nam, sans parler de la pollution qui a généré des malformations et maladies dégénératives à répétition suite aux contaminations chimiques, on estime à quarante mille civils le nombre de tués par les bombes américaines depuis la fin du conflit. (14)
Du point de vue politique, la guerre a débouché  sur la victoire de la frange la plus radicale du parti communiste, qui instaura des purges drastiques dans sa population et emprisonna et torturera près de cent mille « opposants politiques » une fois arrivée au pouvoir.

La politique américaine au Moyen-Orient pendant la guerre froide

Le traumatisme du Viêt Nam explique probablement l’hésitation américaine à s’impliquer directement dans la guerre civile d’Afghanistan et contre l’invasion russe qui s’en suivit. Le soutien sera surtout financier et logistique. La CIA armera les factions talibanes et appuiera la révolution islamiste,  dont certains cadres créeront ensuite l’organisation terroriste Al-Qaïda.
L’Iran ne bénéficia pas d’un tel soutien. Quelques mois après la destitution du Shah, l’Irak de Saddam Hussein envahit la jeune République islamique d’Iran avec la bénédiction des Occidentaux. Au lieu d’une victoire rapide de l’agresseur, le conflit va s’enliser pendant huit ans. Une fois de plus, les armes chimiques, bombes à sous-munitions et gaz sarins seront déployés contre la population. Un million de civils iraniens et trois cent mille militaires iraquiens perdent la vie dans ce conflit majeur débouchant sur un match nul. Outre le bilan humain, cette invasion aura permis à la République islamique d’Iran de durcir son régime et d’assoir son fragile pouvoir.
La guerre froide, elle, se terminera par l’effondrement économique de l’URSS, précipité par une nouvelle course aux armements démarrée par Ronald Reagan et qui manqua de peu de déboucher, suite à un malentendu, sur un conflit nucléaire planétaire. (15)

La gestion catastrophique de l’après-guerre froide.

L’effondrement du bloc communiste va par deux fois fournir l’opportunité aux États-Unis d’assoir considérablement leur leadership mondial tout en diminuant le risque de conflit majeur. Les Américains vont malheureusement faire preuve d’une maladresse et d’une arrogance remarquables.
Premièrement, les USA vont gérer l’effondrement de l’URSS de la pire façon possible. L’application sauvage des politiques économiques préconisées par le FMI et les tenant du néolibéralisme va précipiter une gigantesque récession en Russie, le PIB perdant un quart de sa valeur. En 1996, les USA vont dépenser 16 milliards de dollars pour maintenir Boris Eltsine au pouvoir. (16) Sur le plan diplomatique, l’OTAN n’avait plus de raison d’être (après la disparition du pacte de Varsovie), mais au lieu de dissolution, il va rapidement être étendu aux anciens pays membres du pacte de Varsovie, qui seront par ailleurs progressivement inclus dans l’Union européenne.
L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine va présenter une deuxième opportunité de démilitarisation. Ce dernier tend la main à l’Occident, exprimant le souhait de faire entrer son pays dans l’OTAN et l’UE. (17) La porte lui sera claquée au nez. En guise de politique d’inclusion, les USA vont étendre les frontières de l’OTAN aux frontières russes, avant de déployer des troupes américaines en Pologne, en Estonie et  en Lituanie. Des batteries antimissiles compromettant l’équilibre de dissuasion nucléaire seront ensuite acheminées, sous un faux prétexte de défendre l’Europe contre l’Iran (pour ajouter l’injure à l’affront). Cette politique agressive va se poursuivre avec la déstabilisation de la Géorgie, et surtout l’appui d’un coup d’État en Ukraine. Ce dernier point reste souvent démenti par de nombreux commentateurs européens, cependant France 2 a clairement démontré l’implication de la CIA et du gouvernement américain. (17) L’annexion de la Crimée par la Russie et le soutien militaire aux dissidents du Dombass n’en sont pas moins condamnables, mais elles constituent une réponse « logique » aux actions des Occidentaux en Ukraine.

Le Moyen-Orient et la guerre au Terrorisme

Si on devait retenir une zone du monde où les USA ont exercé leur penchant impérialiste avec le plus grand manque de clairvoyance, le Moyen-Orient ferait figure de candidat idéal.
Le point de basculement a lieu lors des attentats du 11 septembre 2001. Les USA répliquent à cette agression par l’envahissement de l’Afghanistan, ouvrant un conflit qui dure depuis maintenant seize ans sans montrer le moindre signe d’apaisement (Trump ayant avalisé le doublement des moyens militaires mis en œuvre sur place). Une fois l’Afghanistan « conquis », l’administration américaine envahit l’Irak sur un double mensonge : la présence d’armes de destruction massive qui ne seront jamais retrouvées, et le lien présumé de Saddam Hussein avec Al Qaida. Ici nous devons noter qu’il ne s’agit pas uniquement d’une manipulation de l’administration Bush, mais bien d’un acte commis avec la complicité de l’opposition démocrate, des médias dits « de gauche » (en particulier le New York Times, principal relais des fausses informations sur les armes de destruction massive) et de l’opinion publique favorable à l’entrée en guerre.
Malgré le véto de l’ONU, les USA mirent l’Irak à feu et à sang, convaincus qu’ils pourraient y exporter la démocratie et récupérer les considérables réserves de pétrole.
On connait la suite, mais rappelons tout de même l’étendue du fiasco. 1100 milliards de dollars dépensés, cinq mille soldats américains tués, dix fois plus de blessés et traumatisés, la généralisation de l’emploi de la torture par l’armée américaine et 1 million d’Irakiens victimes de la guerre.
Tout cela avant l’apparition de l’État islamique, dont les exactions ont déplacé des millions de civils. La reconquête du territoire de l’EI aura généré un coût humain sans commune mesure avec les bombardements russes en Syrie. Le seul siège de Mosul aura déplacé un million de civils et couté la vie à cinquante mille habitants, morts sous les bombes de la coalition américaine.
La guerre contre le terrorisme de Georges Bush aura ainsi eu pour effet de généraliser un microphénomène au monde entier, dont le bilan s’élève à plus de 2 millions de morts, dont 1.3 en Irak et en Afghanistan. (18)
À cela, il faut ajouter le soutien permanent à la colonisation israélienne des territoires palestiniens, le génocide organisé à Gaza (et les 38 milliards de matériel militaire offert, pas vendu, à l’armée israélienne) et le soutien politique et logistique à la guerre de l’Arabie Saoudite au Yémen. Un conflit qui plonge 20 millions de personnes en situation de crise humanitaire, dont 1 million touché par une épidémie de Choléra.
Si l’on souhaitait enfoncer le clou une dernière fois, on pourrait évoquer le cas libyen. Car ce n’était pas alors un  ex-général en chef comme Eisenhower, un ancien acteur de série B comme Ronald Reagan ou un ex-alcoolique anonyme et « born again christian » comme George Bush junior, mais bien le lauréat du prix Nobel de la paix Barack Obama qui eut la sagesse d’esprit de céder à l’interventionnisme européen pour appuyer la destruction de l’ensemble des systèmes de défenses antiaériennes de Mouammar Kadhafi afin de permettre sa destitution, avec le succès que l’on sait.
La Libye est désormais divisée en deux zones gouvernées par des factions rivales, qui pratiquent le viol et l’esclavage des migrants qu’ils reçoivent depuis les pays victimes de « la guerre contre le terrorisme », lorsqu’ils ne font pas payer à prix d’or leurs services de passeurs pour traverser la méditerranée sur des embarcations de fortune. Les armes dispensées par la CIA et l’armée françaises aux rebelles libyens ont atterri dans les mains des jihadistes qui exportent le terrorisme au Mali, au Tchad et au Niger.
La même logique de soutien aux rebelles islamistes a pourtant été déployée en Syrie. Et c’est au milieu de ce chaos créé de main de maitre par une succession d’administrations américaines convaincues de la « destination manifeste des USA », qu’arriva Donald Trump.

Seconde partie : la politique étrangère américaine sous Donald Trump

À travers ce long résumé de l’histoire géopolitique américaine, dont le lecteur pardonnera les simplifications, on apprécie la facilité avec laquelle les États-Unis ont eu recours à la force pour défendre leurs intérêts, bien souvent pour des résultats contre-productifs de leur propre point de vue.
Loin de tirer les conclusions de ses échecs répétés, l’Amérique semble déterminée à reproduire ses erreurs. Alors qu’elle fait face à des risques de conflits sur trois fronts (Asie, Moyen-Orient et Europe) et qu’elle est toujours militairement engagée en Afghanistan, en Syrie et en Irak, Donald Trump adopte la même approche stratégique que ses prédécesseurs, reléguant la diplomatie à un jeu de poker menteur.
Dessin New York Time

La lutte contre le terrorisme et le symptôme afghan

Aucun pays ne cristallise aussi clairement l’absurdité de l’approche américaine que l’Afghanistan. Après seize ans de guerre et trois augmentations d’effectifs successifs, le bilan est catastrophique. Al Qaeda et les mouvements  terroristes sont plus forts que jamais, les talibans reprennent du terrain sur place, la culture d’opium est devenue la principale source de revenus du pays et le gouvernement central mis en place par les USA figure en tête du classement international de la corruption. (19)
Et pourtant, séduit par les promesses de ressources minières et poussé par l’inertie de l’administration militaire américaine, Donald Trump a décrété une quatrième augmentation des troupes. Au plus fort du conflit, les 130 000 soldats suréquipés de la coalition américaine furent incapables de contrôler le pays, mis en échec par des tactiques de guérilla et l’emploi généralisé de mines artisanales. Les USA ont perdu plus de 2200 hommes et subi 15 000 blessés, auxquels il faut ajouter les pertes de l’armée afghane entrainée par les Occidentaux (39 000 morts).
L’effort occidental pour pacifier l’Afghanistan se heurte à trois réalités fondamentales qui expliquent l’échec de la « guerre au terrorisme ». Premièrement, les populations ressentent la présence occidentale comme une invasion,  ce qui rend virtuellement impossible le contrôle des immenses zones géographiques concernées. Deuxièmement, les tactiques de guérillas rendent illusoire toute victoire militaire définitive sur le terrain, comme l’a démontré la guerre du Viêt Nam en son temps. Mais surtout, et c’est le troisième point, la lutte contre le terrorisme par la force ne marche pas, du fait d’une équation simple : chaque frappe de drone ou bombardement qui tue un terroriste cause des dégâts collatéraux à la population, et génère des vocations multiples pour rejoindre la rébellion ou les mouvements terroristes.
Soldat américain en Irak
Et pourtant, Obama a généralisé l’emploi des drones. Donald Trump s’est empressé de déléguer ces frappes (nécessitant jadis l’autorisation présidentielle) au seul jugement des militaires, tout en abaissant les critères de minimisation des pertes civiles collatérales. On dénote ainsi plus de 2200 civils tués par les frappes chirurgicales américaines après six mois de présidence Trump, tandis que le nombre de frappes de drones a quadruplé comparé à l’ère Obama. (20) Donald Trump s’est également enthousiasmé de l’utilisation de la « mother of all bomb », la plus puissante bombe conventionnelle déployée en Afghanistan (le rayon de déflagration équivaut à celui de la bombe largué sur Hiroshima).
Une approche aussi brutale et absurde ne peut qu’augmenter la diffusion du terrorisme de par le monde.
Ce qui conduit nécessairement à s’interroger sur la véritable volonté américaine (on pourrait ici inclure ses alliés, en particulier la France) de lutter contre le terrorisme. La décision révélée par la BBC de laisser s’échapper les cinq cents cadres de l’état islamique présents à Raqqa, avec leurs armes, leurs familles  et leurs équipements lors de la prise de la ville soulève quelques interrogations. Tout comme la politique de soutien à l’Arabie Saoudite et au Qatar, les deux principales sources de soutien financier et idéologique au terrorisme jihadiste.

Le nœud du problème au Moyen-Orient : l’Iran

Avec la défaite imminente de l’EI en Irak et la victoire de Bachar Al-Assad en Syrie, Donald Trump s’est retourné contre la bête noire historique des USA dans la région : l’Iran.
Son premier voyage international débuta par un passage remarqué en Arabie Saoudite, où, devant une quarantaine de chefs d’État de la région, il a déclaré l’Iran principale source du terrorisme mondial. Compte tenu du rôle capital des milices iraniennes dans la victoire contre L’EI, et des attentats perpétrés par ce dernier à Téhéran, on est forcé de reconnaitre qu’il s’agit d’un pathétique prétexte.
Pourtant, l’exécutif américain a officiellement reconnu que les USA cherchaient à renverser le pouvoir iranien au plus vite, tandis que Donald Trump a multiplié les menaces et exigé officiellement de ses conseillers qu’ils lui trouvent un prétexte pour sortir de l’accord sur le nucléaire iranien. (21) Faute de mieux, Trump a finalement décertifié l’accord sans aucune raison tangible et contre l’avis de son administration. On retrouve ainsi la volonté du président américain de défaire coute que coute tout ce que son prédécesseur avait réalisé. Mais au-delà de la personnalité du résident de la Maison blanche, ce qui se joue est bien plus simple : une lutte entre puissances régionales.
Frappes Saoudienne visant une cérémonie funéraire, Yemen – MOHAMMED HUWAIS/AFP
L’Arabie Saoudite et Israël ont très mal vécu la signature de l’accord sur le nucléaire iranien, et usent de leur considérable influence (financière et idéologique) à Washington pour provoquer une escalade. Le poids du complexe militaro-industriel américain et l’aversion profonde de la classe dirigeante américaine pour l’Iran, symbole de la résistance à l’hégémonie américaine, expliquent également ce bellicisme.
Pour autant, un conflit armé avec l’Iran aurait des conséquences désastreuses. Il parait bien illusoire de parvenir à une victoire militaire totale sur un pays au territoire immense et particulièrement montagneux, dont une frange importante de la population reste fanatisée et serait prête à mener une guérilla sur tous les théâtres d’opérations du Moyen-Orient. Le soutien du Hezbollah victorieux en Syrie et de l’Irak libéré par les milices iraniennes risquerait d’embrasser la région de façon catastrophique, tandis qu’une campagne massive de bombardements pourrait pousser la Russie et la Chine à intervenir en faveur de leurs alliés, conformément au pacte de défense mutuelle que ces trois pays ont signé.
L’Iran apparait ainsi comme le nœud principal de par lequel pourrait démarrer un conflit mondial. Or Washington semble déterminé à pousser les Iraniens à la faute.  En rendant caduc l’accord sur le nucléaire, ils encouragent l’Iran à parachever son développement de l’arme atomique et surtout, mettent en échec le président Rouhani, élu sur une ligne politique progressiste et d’ouverture. La frange conservatrice iranienne a repris de l’influence, consolidée par les victoires des gardiens de la révolution en Irak et en Syrie, et par la quasi-déclaration de guerre de l’administration américaine et du prince saoudien. Quant au Pentagone, le New York Times démontre qu’il adopte la même méthode déployée du temps de l’Irak pour vendre le conflit iranien à l’opinion publique américaine.  
Mossoul sous les tirs – Libération de la ville, 2017 – Ahmad al-Rubaye / AFP
Si l’embrasement généralisé reste peu probable compte tenu de la capacité de dissuasion de l’Iran et du risque d’escalade avec la Russie et la Chine, le passé récent et la volonté clairement affichée de l’administration américaine (jusqu’au Congrès) de pousser l’Iran à la faute présente une véritable menace pour la paix dans le monde.

L’Asie et la Corée du Nord

Après avoir dénoncé les accords de 1995 qui avaient permis de geler le programme nucléaire nord-coréen, Georges Bush Junior plaça ce pays sur sa liste noire « d’axe du mal ». L’invasion de l’Irak, la destruction de la Libye, et le sort réservé à ses leaders (pendaison publique pour Saddam Hussein, lynchage dans la rue pour Kadhafi) achevèrent de convaincre Pyongyang de l’absolue nécessité de développer des armes nucléaires, seule option permettant de garantir la survie du régime. (22) Avec le retrait de l’accord sur le nucléaire iranien, Donald Trump vient de jeter un discrédit permanent sur la parole américaine, et rendu virtuellement impossible la signature de nouveaux accords avec Pyongyang.
Si la Corée du Nord semble avoir réussi à écarter définitivement une tentative d’agression planifiée des USA, le risque d’engrenage involontaire reste entier. On se souvient de la crise des missibles de Cuba, ou plus récemment de l’exercice militaire américain Abel Archer (1983), qui fut interprété par l’URSS comme la planification d’une attaque imminente de son territoire. Cela avait conduit Moscou à déclencher ses procédures de frappes nucléaires préventives visant à engager la totalité de son arsenal dans une tentative désespérée de survivre à ce qui était assimilé à une attaque imminente de l’OTAN. Seule la décision à l’instinct de l’officier de renseignement Leonard Perroots, qui, à la vue de la préparation soviétique décida de ne pas déclencher l’alarme prévue par les procédures officielles, permit d’éviter l’éradication du genre humain. (23)
La situation qui conduisit à cette réaction paranoïaque des Russes (discours extrêmement belliqueux du président Reagan, multiplication des déploiements militaires, exercices et manœuvres simulant une attaque de grande ampleur) est transférable à l’identique à ce qui se passe de nos jours à la frontière coréenne. Les USA comme la Corée du Nord ont pour doctrine militaire de recourir aux armes nucléaires dès les premiers signes d’agression, ce qui rend le risque d’escalade involontaire bien réel.
La Corée du Nord ne revêt qu’un faible intérêt stratégique, mise à part son attitude inacceptablement menaçante. Pourtant, n’importe quel diplomate ou spécialiste vous expliquera que Pyongyang est rationnel,  a comme premier objectif sa propre survie, et de ce fait ne se lancerait jamais de lui-même dans un conflit armé qui signifierait assurément sa perte. (24) On pourrait donc imaginer une procédure de négociation qui viserait à démilitariser au maximum la région tout en reconnaissant le droit aux Nord-Coréens de conserver une force de dissuasion, mais ce serait prêter aux Américains une sagesse qu’ils ont systématiquement été incapables de démontrer. Donald Trump a par ailleurs rejeté la proposition de négociation de Kim Jong Un. 
Derrière cette crise se situe une lutte plus subtile vis-à-vis de la montée en puissance de la Chine. La surenchère de menaces échangées avec la Corée du Nord a permis à Donald Trump de radicaliser les positions du Japon et de la Corée du Sud, qui se lancent désormais dans une course à l’armement en achetant du matériel américain.

La Russie et le risque nucléaire

Donald Trump avait fait du rapprochement avec la Russie un axe fort de sa campagne. Il fut rapidement contraint par le parti médiatique, l’administration américaine et le parti démocrate à changer de ligne politique, allant jusqu’à se faire imposer la signature de nouvelles sanctions économiques destinées à punir la Russie pour son implication supposée dans l’élection américaine. (25) Il a embrassé le plan d’Obama de réarmement nucléaire et de déploiement systématique de boucliers anti missiles destinés à neutraliser les capacités de réplique russes et chinoises. Le fait qu’il parle ouvertement de l’usage de l’arme atomique (« à quoi bon fabriquer des bombes si on s’interdit de les utiliser ») et ses menaces concrètes envers la Corée du Nord n’ont rien de rassurant.

Risque nucléaire

Pour comprendre le danger objectif posé par la Russie à la sécurité européenne et mondiale, il faut intégrer deux réalités essentielles des conflits nucléaires.
Premièrement, un conflit mineur entre deux puissances régionales aurait des conséquences climatiques dramatiques du fait de la quantité de poussières et cendres soulevées dans la stratosphère. Ce phénomène est connu sous le terme « d’hiver nucléaire ». Sept études indépendantes, dont une principale pilotée par la NASA, ont cherché à analyser l’effet d’un conflit atomique mineur impliquant la détonation de l’équivalent en puissance de 100 bombes Hiroshima (soit entre 50 et 5 bombes nucléaires modernes). Conclusion : cela conduirait à une détérioration du climat qui provoquerait l’éradication de plusieurs milliards d’êtres humains. On parle ici d’un conflit mineur, par exemple résultant d’un affrontement direct entre l’Inde et le Pakistan. (26)
Le recours aux armes atomiques où que ce soit dans le monde concerne donc la sécurité del’ensemble de la planète, et il n’est pas évident que les militaires responsables du planning de telles offensives soient pleinement conscients des retombées, que ce soit par excès de confiance en leur capacité à neutraliser l’arsenal adverse ou par méconnaissance de l’impact de leur propre arsenal.
Le second point est plus critique, il s’agit du principe de dissuasion. Pour éviter qu’une puissance nucléaire fasse usage de son arsenal, il est impérativement nécessaire que deux conditions soient remplies :
  1. Que l’adversaire soit absolument convaincu qu’une agression résultera dans la destruction totale de l’agresseur (dissuasion défensive)
  2. Être persuadé que le recours à l’arme nucléaire offensive entrainera la destruction mutuelle des belligérants (dissuasion offensive)
En clair, chaque pays à la capacité d’infliger des pertes insupportables à l’agresseur potentiel, MAIS sans être capable lui-même de détruire l’ennemi par une attaque préventive.
Consécutivement, les risques de catastrophes nucléaires globales sont situés à deux niveaux :
  1. Une erreur de calcul ou d’interprétation qui pousserait deux nations dans un engrenage (six évènements de ce type ont été recensés pendant la guerre froide, à chaque fois la catastrophe fut évitée par l’intervention humaine en violation des procédures officielles).
  2. Un déséquilibre de la capacité de dissuasion qui pousserait un pays à déclencher une attaque surprise de la dernière chance, soit par excès de confiance dans ses propres capacités défensives, soit par excès de paranoïa suite au constat de sa perte objective de capacité de réponse en cas d’agression.
Or l’attitude américaine récente remet dramatiquement en question ces équilibres, à travers différentes actions. La première consiste à une modernisation sans précédent de ses capacités de frappe nucléaire, avec le développement de nouvelles armes capables de mener avec succès une « attaque surprise » décisive ; la seconde en déployant en Europe comme en Asie des boucliers de batteries antimissiles dans le but de geler les capacités offensives adverses (de la Chine et de la Russie).
Le risque se situe au niveau d’un excès de confiance qui pourrait pousser les Américains à recourir à des actions locales d’intimidation, persuadés de leur capacité de dissuasion, mais qui seraient interprétées par la Russie ou la Chine comme le signal d’une guerre totale ; ou inversement d’un excès de paranoïa d’un adversaire des États-Unis.

Hystérie antirusse

Le regain de tension avec la Russie, du jamais vu depuis la fin de la guerre froide, s’opère sous fond d’hystérie anti-russe. L’enquête du procureur Mueller sur les collusions présumées de l’équipe de campagne de Donald Trump avec Moscou entretient cette crise de confiance, tout en menaçant Donald Trump de destitution. Cela rend impossible toute négociation bilatérale officielle entre la Maison blanche et le Kremlin, malgré l’urgence d’une coopération entre les deux superpuissances sur de nombreux dossiers.
Le New York Time avait ainsi caractérisé l’échange entre Donald Trump et Vladimir Poutine au G20 de « haute trahison », tandis que le Washington Post n’hésite pas à parler de l’influence russe dans les élections de 2016 comme d’un « Pearl Harbor politique » et « une attaque russe ». Or ces soupcons ne reposent sur rien de tangible, comme le démontre fort bien Le Monde diplomatique en citant ses deux confrères précités. (27)
Dans un article publié par The Nation, le professeur émérite en relation américano-russe Stephen F. Cohen liste les cinq plus grandes menaces qui pèsent sur la sécurité américaine. Pour lui, l’hystérie du russiagate et la démonisation de Poutine arrivent en tête du classement, suivi du risque de voir un réseau de terrorisme international mettre la main sur des armements nucléaires, puis la prolifération nucléaire à l’échelle des états et le réchauffement climatique. Ces problèmes nécessitent une coopération internationale et des dirigeants prudents, tout ce dont l’Amérique fait défaut à l’ère de Trump et de l’hystérie anti-russe.

Conclusion

« Les États n’ont pas d’amis, seulement des intérêts » disaient Charles de Gaulle. Cette maxime s’applique très bien à la France, dont on pourrait ici même dresser la liste des crimes et exactions.  Depuis les guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie et l’usage systématique de la torture qui y a été fait, en passant par l’invasion de l’Égypte lors de la crise de Suez,  les horreurs de la « France Afrique », la complicité dans le génocide rwandais jusqu’au désastre Libyen et le coup d’État sanglant de 2011 contre Gbagbo (Cote d’Ivoire), la France est loin d’être exempte de critique.
Mais les États-Unis se distinguent malgré tout par l’ampleur de leur ingérence, proportionnelle à leur puissance économique et leur propension à faire usage de la force. Le recours injustifié à l’arme atomique, les millions de civils tués délibérément à coup de bombes incendiaires et l’utilisation récurrente de la violence s’expliquent en partie par leur histoire et leur sentiment d’être habité par cette « destinée manifeste ». Elle est plus certainement l’expression de l’abus de pouvoir d’une frange de la classe dirigeante corrompue, aveuglée par une certaine idéologie et poussée par des intérêts financiers bien compris.
Loin de rendre le monde plus sûr, l’impérialisme américain a instauré un climat de danger permanent. Si l’intensité des conflits et leur nombre sont en baisse constante, le risque d’un embrasement général est exacerbé.
Tout se passe comme si un empire sur le déclin avait porté à sa tête un président inexpérimenté et peu compétent, qui s’est entouré de cadres se reconnaissant dans ses valeurs bellicistes pour conduire une politique internationale fondée sur un rapport conflictuel.
L’histoire nous apprend que la survie de l’ordre mondial depuis l’avènement de l’ère nucléaire doit plus à la sagesse de quelques dirigeants sensibles aux voies diplomatiques qu’à un présupposé mécanisme autorégulateur reposant sur la rationalité absolue de l’être humain.
Or, il semble que l’époque ne soit pas favorable au dialogue et à la réflexion, mais plutôt à l’émotion et la réaction. À cela s’ajoute une volonté clairement affichée par la Maison blanche, et partagée par une fraction dominante de la classe dirigeante américaine, de poursuivre dans des voies belliqueuses. Comment expliquer la nouvelle course à l’armement nucléaire et les hausses spectaculaires du budget militaire américain, si ce n’est par l’influence grandissante du complexe militaro-industriel appuyé par une classe médiatique particulièrement hystérique ?
Depuis les États-Unis, l’exposition prolongée aux chaines de télévision américaine vous place dans un état d’esprit anxiogène et colérique ou vous en venez à vous surprendre à penser des choses curieuses, du type « mais qu’ils leur balancent une grosse bombe et qu’on ne m’en parle plus ». Lorsque Donald Trump fit précisément cela, en ordonnant le bombardement d’une base aérienne syrienne où étaient présentes des troupes russes, la presse américaine dans son ensemble applaudi à tout rompre, allant jusqu’à écrire « Donald Trump vient d’habiter la fonction présidentielle ».
Pour éviter qu’une telle nation entraine le reste du monde dans le chaos, il serait sage de prendre rapidement nos distances avec cet « allié » qui se vit encore comme le Sheriff de la planète. 
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Cet article constitue la troisième partie d’une série de quatre post sur le thème « Faut-il avoir peur des USA ». 

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