Envoyé Spécial du Secrétaire Général de l'ONU pour la Syrie
Nous autres Syriens, de l'intérieur et de l'extérieur, avec nos partenaires de par le monde, voudrions vous soumettre cette initiative politique à portée internationale. Elle préluderait à une sortie de la crise syrienne vieille de quatre ans et demi qui, à n'en pas douter, pèse sur votre conscience et sur celle du monde civilisé.
Notre initiative, simple et réalisable, se résume à l'équation : "Sarin contre barils" !
Monsieur l'Envoyé Spécial, nous vous demandons d'inciter le Conseil de Sécurité de l'ONU à adopter une résolution retournant les armes chimiques de destruction massive à M. Bachar el-Assad pour qu'il en fasse usage contre ses adversaires, rebelles à son pouvoir. En échange de quoi la résolution lui interdirait l'utilisation de barils d'explosifs.
Vous savez pertinemment bien, Monsieur l'Envoyé Spécial, qu'en septembre 2013, des dirigeants américains et russes ont mis au point un accord : M. Bachar el-Assad livre son arsenal chimique en échange de l'impunité pour l'avoir employé, contournant allègrement la fameuse "ligne rouge" de M. Obama.
Vous savez pertinemment bien, Monsieur l'Envoyé Spécial, que M. Bachar el-Assad a utilisé une partie de son arsenal chimique à l'aube du 21 août 2013 dans la Ghouta de Damas, causant la mort de 1500 de ses sujets.
Depuis cet accord russo-américain, M. Bachar el-Assad s'est vu obligé d'intensifier l'usage des barils d'explosifs et de l'aviation militaire tuant tous les jours des victimes par centaines et provoquant des dégâts effroyables dans les villes et villages syriens. Cette expérience de deux ans a signé l'erreur monumentale de la communauté internationale : le retrait de l'arsenal chimique des mains de M. Bachar el-Assad fut une calamité, le lui rendre serait une bénédiction pour le peuple syrien.
Monsieur de Mistura, nous vous assurons qu'une résolution du Conseil de Sécurité issue de cette initiative opérera un virage significatif dans la crise syrienne.
Premièrement : les armes chimiques ne détruisent pas habitations, bâtiments officiels, quartiers et villages. Ils ne ramènent pas des villes entières à l'âge de bronze, où la vitre n'existait pas. C'est donc une arme économique et futuriste réduisant substantiellement les coûts de la reconstruction, soulageant les générations futures d'une partie de cette dette. Nous ne doutons pas que le souci profond que vous vous faites pour eux vous empêche de dormir et angoisse vos responsables des Nations Unies. De plus, la préservation des maisons freinera la propension des survivants à chercher refuge en Europe ou dans les pays voisins.
Deuxièmement, l'arme chimique tue ses victimes dans des souffrances mesurées. Elle protège l'intégrité de leur corps, leur gardant une forme humaine. Elle évite les images effroyables de têtes décapitées, de membres amputés, de corps éventrés, disloqués, souillés de terre et de sang ; un sang rouge sombre qui recouvre ces corps anéantis, tâche les murs, ternit les sols évoquant l'apocalypse de Guernica immortalisé par Picasso. Elle met le holà à cette déferlante d'images terribles qui déboule du pays des Syriens et épuise les âmes sensibles de l'opinion internationale jusqu'à les rendre insomniaques.
Troisièmement, si l'on donne à M. Bachar el-Assad une procuration à durée déterminée l'autorisant à utiliser l'arme chimique, disons jusqu'au 21 août 2016, peut-être que ses forces, faisant une percée significative, viendront à bout des rebelles et la crise syrienne sera alors derrière nous. La stabilité, si chère à cette région stratégique du monde, reviendra. Il est vrai que cela occasionnera la mort de centaine de milliers de Syriens, mais quelle importance ? Et quelle différence ? De toute façon, pour eux, c'est la mort annoncée au moyen des barils, de l'étouffement dans des camions hermétiques ou de la noyade en Méditerranée. Et puis la stabilité mérite bien le sacrifice de quelques victimes, comme l'a déclarée si joliment Madeleine Albright, il y a 17 ans, en défendant l'embargo "imposé au régime de Saddam". Pour elle, la mort d'un demi-million d'enfants irakiens était un juste prix.
Cette initiative prend appui sur ce célèbre précédent; lui-même adossé à la résolution du Conseil de Sécurité "Pétrole contre Nourriture", adopté le 14 Avril 1995.
Quatrièmement, par magnanimité, vous-même et le Conseil de Sécurité admettrez que les Syriens, frappés par le gaz sarin, vont essayer de sauver un maximum de victimes. Mais tranquillisez-vous, le coût de ce sauvetage est modeste et la formation de secouristes, les soins aux victimes restent accessibles. Il est possible de monter, avec de petits moyens, un atelier de fabrication artisanale de masques protecteurs.
S'il vous plaît, ajoutez au projet de résolution un alinéa autorisant le convoyage d'Atropine, d'Adrénaline et de certains produits nécessaires à la fabrication des masques vers les régions bombardées à l'arme chimique.
Nous insistons pour que la résolution inclue cet alinéa dont le nom souligne l'importance: "Atropine contre Sarin"!
Peut-être le Conseil de Sécurité sera-t-il encouragé à adopter cette résolution si vous lui soufflez que les barils et les bombes à vide nécessitent beaucoup de soins et des médicaments, quantité d'instruments chirurgicaux onéreux, des chirurgiens formés, du courant électrique. Chaque opération dure des heures et ses résultats sont aléatoires. Les blessés sont sur des longues listes d'attente et pour beaucoup, le tour ne viendra jamais.
Sincèrement Monsieur l'Envoyé Spécial, les barils sont des armes de destruction autrement plus massive que le sarin, et nous demandons leur substitution par le sarin pour limiter les destructions dans notre pays. C'est le véritable motif de cette initiative.
Monsieur de Mistura,
Pour n'oublier personne et rendre justice à tous, nous vous proposons d'ajouter à la résolution du Conseil de Sécurité un alinéa sollicitant l'envoi d'experts des entreprises allemandes spécialisées pour développer l'efficacité du sarin utilisé. Et un autre priant les Américains de mettre à profit leurs bonnes relations avec les Iraniens pour améliorer les rampes de lancement et les fusées en usage. Les résultats seront meilleurs et leur efficacité redoublée. Les deux pays pourraient s'entendre pour consacrer à cette fin une partie des fonds iraniens retenus. Ce sera un pas de plus vers l'intégration de l'Iran dans le grand concert des nations responsables.
Nous recommandons que les Etats-Unis, la Russie, l'Iran et Israël se tiennent garants de cette initiative. Le premier est l'ami du peuple syrien le plus proéminent et le plus fort, et il est notoire que la Russie et l'Iran sont des intermédiaires impartiaux dans toute négociation liée à la crise syrienne. Israël apportera sa caution pour garantir la réussite de cette initiative dans le cadre de la légitimité internationale. Personne n'ignore en Syrie et de par le monde le rôle positif joué par ces quatre pays pour la paix et la stabilité mondiales.
Nous demandons que la résolution agisse en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies en cas de non-application par M. Bachar el-Assad de la résolution "Sarin contre barils". Alors le Conseil de Sécurité se verra dans l'obligation de penser à prendre des mesures fermes contre toute tentative de M. Bachar el-Assad d'amender l'actuelle constitution pour se faire réélire en 2028.
Nous souhaitons que le Conseil de Sécurité montre une forte détermination à bannir les barils d'explosifs à l'avenir, et peut-être même qu'il initiera une agence spéciale portant le nom de "L'Agence Internationale des Barils" dont le siège serait Téhéran.
Monsieur de Mistura,
Nous sommes convaincus que vous avez saisi le sens profond de cette initiative, celle de Syriens qui, s'appuyant sur le droit des peuples à l'autodétermination proclamé par les Nations Unies et adopté par les pays civilisés, voudraient décider, à leur convenance, de leur propre mort.
Veuillez agréer, Monsieur l'Envoyé Spécial, l'expression de nos sentiments les plus distingués.
Au nom des Syriens d'ici et de là-bas.
"Syriens et leurs amis pour la paix"
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