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jeudi 23 avril 2015

APOLOGIE DU TERRORISME // UN LIVRE A BRULER




On devient terroriste, parce que l’on n’est pas entendu, par Henri Laborit



Profitons-en, on devrait normalement prochainement brûler ce livre pour apologie du terrorisme…
La biographie d’Henri Laborit est ici - il aurait 100 ans…
Henri Laborit, Une Vie – Derniers entretiens avec Claude Grenié (1996, Ed. du Félin)
Pages 110 à 113 : Méconnaissance de l’inconscient
C. G. : Peut-il y avoir des pathologies de l’inconscient ?
H. L.: La pathologie de l’inconscient désigne, selon moi, une méconnaissance de l’inconscient. Freud a dit que l’inconscient était constitué par ce que l’on ne veut pas admettre dans la conscience et que l’on refoule. Toute la psychiatrie et la psychanalyse se sont embarquées dans la recherche du refoulé. Mais il me semble, quand je me vois vivre et quand je vois vivre mes contemporains, que ce que l’on appelle l’inconscient, c’est en fait le conscient. Ce qui signifie que nous sommes strictement inconscients de tous nos jugements de valeur, de la façon dont ils se sont établis au cours de notre enfance, de tout ce qui remplit notre cerveau de lieux communs, d’automatismes conceptuels et verbaux. La personnalité d’un homme est, selon moi, déterminée par son inconscient. Elle est ce dont il n’est pas conscient. S’il en était conscient, il pourrait peut être changer, varier, faire autre chose. Mais, en général, il détient une vérité qui est sa conscience et à laquelle il ne touche pas.
C. G. : S’il arrive à se rendre compte que ce qu’il appelle conscient désigne, en fait, tous ses jugements de valeur inconscients, s’il arrive à le comprendre, peut-il modifier sa situation ?
H. L. : Oui. On sera moins affirmatif. Lorsque je disais, hier, que je n’étais pas sûr de moi, je voulais dire que je sais bien que je ne détiens pas la vérité. Ce que je crois être la conscience que j’ai d’un événement vient de tous les automatismes culturels que j’ai emmagasinés dans ma mémoire, depuis ma naissance et en fonction de mon milieu. Cette distinction est fondamentale. Elle doit, selon moi, permettre de ne pas tuer le type de Bosnie-Herzégovine ou le non-juif quand on est juif. Grâce à elle, nous devrions avoir un autre comportement. Nous ne pouvons pas continuer à vivre comme nous l’avons fait dans l’obscurantisme. La science moderne est malheureusement passive, elle ne contribue en rien à cette nécessité de changement.
C. G. : Vous avez dit que si nous nous rendions compte de cette masse inconsciente, les comportements pourraient changer.
H. L. : Je le crois. Je vais apporter une petite modification. Dans la mesure où je sais que je ne suis pas libre, que je suis entièrement automatisé à être ce que je suis, si je rencontre quelqu’un d’intolérant qui, lui, pense qu’il détient la vérité et veut me l’imposer, il ne me restera qu’à fuir, ce que j’ai fait toute ma vie. Si l’on ne peut pas fuir, on se soumet. Mais il n’est pas agréable de se soumettre. On devient alors agressif, on place des bombes. On devient terroriste, parce que l’on n’est pas entendu. Je dirai presque qu’il n’y a rien de plus normal que le terrorisme. Comment ne pas être terroriste quand on est un Palestinien ? Tous nos rapports guerriers ont été des rapports de terroristes et de résistants. Les résistants étant du côté des plus forts, les terroristes du côté de ceux qu’on n’écoute pas. Les terroristes sont ceux qu’on n’entend pas, car ils sont considérés comme nuls et non avenus. Si les six milliards d’hommes de la planète savaient ce que je suis en train de dire, et qui, sans être la vérité, est au moins une opinion qu’ils pourraient discuter, les choses pourraient peut-être changer.
C. G. : Vous aviez convenu qu’il faudrait aborder l’inhibition de l’action à partir des différentes sources d’angoisse et des moyens éventuels d’y remédier.
H. L. : Le premier mécanisme de l’inhibition de l’action, le plus simple et l’un des plus fréquents d’ailleurs, est très psychanalytique en ce sens que l’individu a une pulsion à agir, à faire quelque chose, mais son apprentissage culturel lui interdit en même temps de le faire. Je pense à ce que Freud a décrit en parlant du ça pulsionnel et du surmoi qui est social, et que je qualifierai, moi, de limbique, parce que ce qui est social est appris et que l’apprentissage dépend du système limbique. On apprend aux gens ce qu’ils peuvent faire et ne pas faire sous peine d’être punis. Or, dans quantités de circonstances, ces gens voudraient agir, pour se faire plaisir, donc pour maintenir leur structure, etc., mais ils le ne peuvent pas, parce que le code social a établi des règles qui font qu’il leur est impossible de réaliser leur désir. Ils sont alors en inhibition de l’action. Bien souvent, ils n’ont pas réalisé le conflit, car il s’agit d’un conflit neuronal entre certains groupes de neurones qui les poussent à agir et un autre groupe qui leur apprend qu’ils ne peuvent pas le faire. On peut, bien sûr, en déduire qu’ils vont refouler tout ce qu’on voudra, toute la phraséologie psychiatrique, mais la chose est relativement simple. L’inhibition de l’action apparaît également en cas de déficit informationnel: un événement survient, que vous n’avez jamais expérimenté. Il n’a laissé aucune trace mémorisée dans votre système nerveux et vous ignorez si l’action que vous allez entreprendre par rapport à cet événement va être source de plaisir ou de déplaisir. Vous vous trouvez en inhibition de l’action, angoissé, parce qu’agir sans savoir est toujours dangereux. Aujourd’hui, dans notre société (je pense à l’ouvrage d’Alvin Toffler, Le Choc du futur, Denoël, 1974), nous sommes assaillis d’informations. Elles ne nous poussent pas à agir, car elles ne sont pas accompagnées d’un appareillage pour les classer. Si l’on apprenait aux gens ce qu’est un ensemble, ce qu’est un niveau d’organisation, un servomécanisme, dans l’afflux d’informations que la radio, la presse ou la télé leur déversent tous les jours, ils pourraient situer les événements à leur place, c’est-à-dire à leur niveau d’organisation, et voir quels sont les systèmes qui les englobent et ceux qu’ils englobent. Ils auraient la possibilité d’organiser d’une façon harmonieuse et cohérente ces fouillis d’informations qui leur parviennent non classées, alors que ceux qui les fournissent ne savent même pas ce qu’est un niveau d’organisation. Ils pourraient ainsi agir efficacement et ne pas partir en guerre pour les beaux yeux de la princesse.
Pour agir, il faut être informé, mais l’information en elle-même ne suffit pas si elle n’est pas liée à une organisation de cette information dans le temps et l’espace. En revanche, lorsque survient un événement expérimenté comme dangereux ou douloureux, ce n’est pas l’angoisse qui nous atteint à ce moment -là, c’est la peur. La peur va libérer des catécholamines, contracter certaines aires vasculaires et aboutir à la fuite ou à la lutte, alors que, dans l’angoisse, les conflits neuronaux intracérébraux aboutissent à l’inhibition de l’action, au fait que nous attendons en tension le moment d’agir, et qu’au bout d’un certain temps nous nous apercevons – par apprentissage encore – que l’action est inutile, qu’elle ne peut être qu’inefficace. À ce moment-là, on tombe dans la dépression. Les déprimés sont des gens en inhibition de l’action, car ils ont la sensation, vraie ou fausse, que leur action sera toujours inefficace. Il est un dernier cadre dans lequel s’inscrit l’inhibition de l’action. Ce cadre est spécifiquement humain. Grâce à son cerveau orbitofrontal, l’homme peut, à partir d’un apprentissage antérieur, créer de nouvelles structures. Il est donc capable d’inventer des scénarios catastrophiques qui ne se produiront jamais. Ce cadre imaginaire dans lequel intervient l’inhibition de l’action est propre à l’homme. Les animaux n’ont ni une imagination, ni un outil cérébral, ni une combinatoire suffisants pour projeter l’avenir dans le présent, et se trouver en inhibition de l’action alors que l’avenir n’est pas encore là. Voilà les trois grands cadres dans lesquels s’inscrit l’inhibition de l’action. Toute la psychiatrie et ses cas particuliers peuvent, selon moi, s’inscrire dans ces cadres. Mais peut-être est-ce prétentieux que de l’affirmer !
L’individu ne parvient pas à comprendre les facteurs de son angoisse et ce qui l’engendre. Que lui reste-t-il pour s’en débarrasser ? L’agressivité, le plus souvent. Elle soulage parce qu’il agit. Mais généralement, elle n’est pas efficace car elle se heurte aux institutions ou aux dominants. L’agressivité, aussi bien sur le plan des individus que sur le plan des groupes sociaux, est un moyen d’éviter l’inhibition de l’ action. Il existe une autre façon d’ y échapper : la névrose; le névrotique est un monsieur, comme le disait Pierre Janet, qui utilise le langage du corps. Le modèle le plus évolué dans sa force, mais de plus en plus rare dans sa forme, c’est…
C. G. : … l’hystérie?
H. L. : Oui, l’hystérie.

Autre textes connexes :
USA et productivisme (L’esprit du Grenier p.182 sur l’utilité de la drogue)
Ce que je viens de rédiger, ce sont des banalités. Sur le plan politique, on sait bien que les USA ont créé le concept d’un narcoterrorisme intimement lié avec le communisme qui l’aurait inventé pour déstabiliser des régions, en particulier en Amérique latine, d’obédience économique et politique américaine. Mais en poussant la caricature et la fiction un peu plus loin encore, on en arrive à se poser la question de savoir si le commerce des drogues, le blanchiment si simple de l’argent «sale », ne seraient pas entretenus par certains États eux-mêmes pour éliminer, par le moyen de la drogue, une population inutile, non productive, donc indésirable. La lutte contre la drogue constitue aussi pour ces États, par le renforcement des effectifs de police, un contrôle plus intime des individus dans leur vie privée, et ce contrôle apparaît beaucoup plus rigoureux sur la demande que sur l’offre. Mais là sans doute suis-je en train de commencer à écrire le canevas d’un roman de science-fiction policier. Nous avons rapproché dans ce paragraphe les drogues hallucinogènes, des drogues toxiques de façon plus générale, sans nous étendre sur cette dernière distinction importante.
Pourtant nous pouvons dire que, dans tous les cas, ce sont avant tout des moyens de fuite du déplaisir ayant abouti à l’inhibition de l’action. Cette fuite enlève au toxicomane l’envie de lutter et même de trouver une source de plaisir moins dangereuse mais aussi moins immédiatement efficace. Il devient inutile au maintien de la structure socioéconomique d’une société productiviste et doit donc être éliminé. C’est pourquoi les lois sont généralement coercitives à leur égard, sans que soit jamais envisagée la possibilité d’instauration d’un type nouveau de rapports sociaux, qui ne seraient pas uniquement établis sur la compétitivité économique.

Sur l’ONU, les USA et le Nouvel Ordre Mondial (in L’esprit du Grenier p.222-223)
Pour agir, il faut être informé de façon temporairement complète et contradictoire. Il faut savoir que nos prétendus choix sont conditionnés par tous nos automatismes inconscients, notre passé, nos envies refoulées, nos désirs incompris. Savoir pourquoi ils sont relatifs. Ils ne commencent à prendre un sens que si l’action est valable pour l’espèce tout entière (nous préférons le terme d’espèce à celui d’humanité, si galvaudé) et non pour un sous-ensemble de celle-ci, ou pour un gourou, un homme ou un groupe d’hommes providentiels, ou plus simplement pour notre satisfaction narcissique. L’éthique ne peut être que celle de l’espèce. S’il en était ainsi, jamais une action humaine ne pourrait déboucher sur l’intolérance. Malheureusement, si vous savez, l’autre ne sait pas et profitera de votre non-violence. Alors le droit le plus fondamental de l’homme ne serait-il pas d’être informé avant tout sur ce qui se passe en lui ?
Comme il est un point unique de convergence des autres, les vivants et les morts, cela lui permettrait peut-être de les comprendre comme il se comprendrait, et à ses processus imaginaires de progresser vers la création d’un monde humain où les droits de l’homme ne seraient autres que ceux de l’espèce humaine. Nous pouvons donner l’impression que nous tentons nous aussi de vouloir imposer notre point de vue. Nous ne souhaitons imposer quoi que ce soit, mais nous avons voulu fournir les raisons qui font que nous souhaitons qu’on ne nous impose rien.
Un dernier mot concernant la notion de «consensus» dont on nous rebat les oreilles depuis quelque temps. Ce n’est pas parce que des millions d’individus défendent une erreur qu’elle devient pour autant une vérité, et nous savons avec quelle suspicion il faut accueillir toute affirmation de vérité.
Le général de Gaulle en parlant de l’ONU l’appelait le « machin» parce qu’il n’avait pas de pouvoir coercitif décisionnel.
Ces derniers temps il existe, paraît-il, un « consensus» international autour de la dominance américaine qui aboutit à la guerre. Si, comme on voudrait nous le faire croire, il faut en passer par là pour réaliser un « nouvel ordre international », on peut se poser la question de savoir si le «machin» n’était pas préférable. Mais pendant ce temps-là, les comités d’éthique des pays occidentaux
vont discuter de l’emploi d’embryons humains dans la recherche, ou de la légitimité de l’euthanasie. Pourquoi pas d’ailleurs, car il s’agit encore d’une question de niveaux d’organisation: à certains niveaux, certains problèmes se posent, mais au niveau des États les guerres sont toujours des guerres justes, et les meurtres en masse d’hommes non plus «potentiels» mais arrivés à maturation
des actes de courage et d’abnégation. Après leur échec au Vietnam, il a fallu deux cent mille morts irakiens pour rendre aux Américains leur fierté et restaurer l’image idéale qu’ils se font d’eux-mêmes. C’est ce que les médias nous ont dit et montré, et il faudrait rester calme et admiratif en lisant et en voyant cela!

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