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samedi 6 juin 2015

100 ANS APRES LES GUIGNOLS SYKES ET PICOT




100 ans après Sykes-Picot: Un Califat jaillit des décombres de l’Irak et de la Syrie




Sykes_picot


«Une vie ne vaut rien mais rien ne vaut une vie.»
André Malraux

Inexorablement la carte du Moyen-Orient est en train d’être redessinée par l’Empire malgré les résistances désespérées des anciens Etats Irak et Syrie. Pour l’Histoire, avant même que la Première Guerre mondiale ne se termine, la perfide Albion (Sykes) et son âme damnée la France (Picot) avaient commencé à dépecer l’Empire ottoman avant la fin de la guerre. Rappelons l’histoire. Nous sommes en 1916, le conflit a deux ans, l’Empire ottoman «l’homme malade de l’Europe» est du côté allemand. C’est l’occasion pour les deux acolytes anglais et français de donner le coup de grâce à l’Empire vermoulu et qui n’a jamais connu de repos depuis plus d’un siècle, constamment attaqué par ces deux puissances qui, au nom de la protection des minorités, harcelaient sans répit l’Empire.
Les accords Sykes-Picot sont des accords secrets signés le 16 mai 1916, entre la France et la Grande-Bretagne prévoyant le partage du Moyen-Orient à la fin de la guerre (espace compris entre la mer Noire, la mer Méditerranée, la mer Rouge, l’océan Indien et la mer Caspienne) en zones d’influence entre ces puissances, dans le but de contrer des revendications ottomanes. Aux États-Unis, le président Woodrow Wilson, – scandalisé par l’accord -, tenta de mettre en avant l’argument de l’autodétermination des peuples, en vain. Les Français et les Britanniques se mettent d’accord sur les frontières à la conférence de San-Remo, en avril 1920.
La chute de Palmyre: un scénario à la Hollywood
Dans cet ordre, la Syrie (Bilad Echam) est en train de souffrir le martyre depuis quatre ans. Dans l’impossibilité de faire partir Al Assad, on crée une entité géographique dont le territoire se dilate au gré des victoires. Un scoop repris en boucle. Palmyre est tombée! En Occident on se dit intéressé par le côté civilisationnel «après la destruction des pièces du musée de Ninive, c’est au tour dit-on, dans les médias occidentaux des pièces archéologiques de Palmyre et du sort des chrétiens». Parmi ces bonnes âmes, nous citons Jean Bonnevey qui écrit: «On aurait pu stopper les mahométans fanatiques de l’EI à Palmyre. On ne l’a pas fait pour une seule raison. Il était politiquement incorrect de venir en aide à Assad. Certains se réjouissent déjà d’un signe de l’effondrement du régime de Damas. (…) Nous sommes, Européens, actuellement aux côtés de ceux qui, de Washington à Riyad, ont créé Daesh (…). Les djihadistes sont entrés le même jour dans le musée, ont brisé des répliques en plâtre représentant des personnes vivant il y a 100.000 ans (…) Et que vont dire les démocrates, défenseurs des civilisations contre toutes les barbaries. Ils préfèrent au tyran qui tolère les églises, les islamistes qui brûlent les chrétiens. Mauvais choix et forfaiture morale!» (1)
La faute morale, parlons-en! Est-ce que la vie de centaines, voire de milliers d’Irakiens et de syriens est moins importante que des cailloux, quand bien même on se gargarise des mots crus comme civilisation, humanité et naissance des civilisations à Ur, à Ninive à Sumer? Souvenons-nous des fossoyeurs des civilisations que Victor Hugo avaient traités de voleurs, en l’occurrence le sac du palais impérial chinois au milieu du XIXe siècle et bien plus tard, le sac du musée de Bagdad qui a laissé indifférent les GI’S qui ont préféré aller sécuriser le ministère du Pétrole et les puits de pétrole.
La réalité du terrain vue du côté du président Assad
Une interview qui est passée inaperçue, voire blacklistée, est celle que le président syrien a accordée à un journaliste de France 2. A une question sur le fait que le président el Assad est responsable du chaos qui règne en Syrie, celui-ci répond:
«Dès les premières semaines du conflit, déclare el Assad, les terroristes se sont infiltrés dans la situation en Syrie avec l’appui d’États occidentaux et régionaux. Ils ont commencé à attaquer les civils et à détruire des propriétés publiques et privées. (…) Toute personne a assurément le droit de réclamer la liberté, mais la liberté signifie-t-elle qu’on tue les civils et les policiers? Qu’on détruise les écoles et les hôpitaux, l’électricité… (…) l’EI a été créé en Irak en 2006 sous la supervision des États-uniens. Je ne suis pas en Irak. Je n’y ai jamais été. Je ne contrôlais pas l’Irak. Ce sont les États-uniens qui contrôlaient l’Irak. L’EI est venu d’Irak en Syrie, car le chaos est contagieux. Ainsi, lorsqu’il y a eu le chaos en Syrie, l’EI est venu en Syrie. Avant l’EI, il y avait le front Al-Nosra, qui fait partie d’Al Qaîda.» (2)
«Ceux qui à l’heure actuelle reçoivent le soutien et possèdent des armes occidentales appartiennent à l’EI. Ils ont été armés et équipés par votre État et par d’autres pays occidentaux. Nous n’avons jamais entendu parler au sein de notre armée d’armes aveugles. Par ailleurs, lorsque vous parlez de tueries aveugles qui ne font aucune discrimination entre civils et combattants, la preuve, ce sont les drones utilisés par les États-uniens au Pakistan et en Afghanistan. qui tuent des civils beaucoup plus que des terroristes. Qu’en est-il des armes chimiques? Non, c’est un autre faux récit donné par des gouvernements occidentaux.» (2)
A une question de David Pujadas: «Aujourd’hui il y a une coalition internationale avec à sa tête les Etats-Unis, qui mène des bombardements aériens contre l’OEI. Est-ce que pour vous c’est un problème, ou est-ce que c’est une aide? Bachar el Assad répond: «Ni l’un ni l’autre. Il n’y a bien entendu aucun problème à attaquer les terroristes. Mais si la coalition n’est pas sérieuse, cela ne nous aide pas. Si vous comparez le nombre de frappes aériennes effectuées par les forces de la coalition composée de 60 États à celles que nous avons effectuées, nous petit État, vous constaterez que nous bombardons parfois 10 fois plus que la coalition en l’espace d’une journée. Est-ce sérieux? (…) Une autre preuve, c’est que l’EI s’est élargie en Syrie, en Irak, en Libye et dans la région en général. Comment pouvez donc dire que la coalition a été efficace? Ils ne sont pas sérieux, c’est la raison pour laquelle ils n’aident personne dans cette région. (…) On ne peut pas former une coalition contre le terrorisme et soutenir en même temps les terroristes. Ça nous est donc égal qu’ils frappent en Syrie, en Irak ou dans les deux à la fois, tant qu’ils continuent à soutenir ces mêmes terroristes en même temps.» (2)
La création ex nihilo de l’Etat islamique et coalition arabo-occidentale
Enfin, interrogé sur le fait que le Premier ministre français a dit, que Le président syrien était «un boucher», Bachar el Assad eut cette réplique qui se passe de commentaire: «Tout d’abord, je vais être franc avec vous. Personne ne prend plus aux sérieux les déclarations des responsables français. Pour une simple raison: c’est que la France est devenue une sorte de satellite de la politique états-unienne Elle n’est pas indépendante et n’a aucun poids.» (2)
Ce que dit el Assad est vrai! Un document ahurissant explique comment l’Etat Islamique a été créé pour remplacer la Syrie et l’Irak. Cela fait longtemps que nous savons que l’Etat islamique est cornaqué par la coalition arabo-occidentale, bénéficiant de camps d’entraînement et de formation. (.) un document officiel du Pentagone l’atteste avec un cynisme ahurissant. (…) Judicial Watch, a publié le 18 mai dernier une sélection de documents déclassifiés (…) L’un de ces documents déclassifiés, rédigé en 2012, émis par la Défense Intelligence Agency manifeste clairement le souhait d’un «État islamique» dans l’est de la Syrie pour que l’Occident, les pays du Golfe et la Turquie, unis dans un même complot, puissent arriver à leurs fins dans la région contre le gouvernement légitime syrien:
«L’Occident, les pays du Golfe et la Turquie soutiennent l’opposition» et «la possibilité d’établir un émirat salafiste officiel ou pas, dans l’est de la Syrie et c’est exactement ce que veulent les forces qui soutiennent l’opposition, afin d’isoler le régime syrien». «Les sept pages du document de la DIA indiquent qu’Al Oaîda en Irak (AQI) a été le précurseur de l’«Etat islamique en Irak (ISI)», qui est devenu l’«État islamique en Irak et au Levant qui soutenait l’opposition syrienne dès le commencement, à la fois idéologiquement et à travers les médias». Dans une section intitulée «Les hypothèses futures de la crise», le rapport de la DIA prédit que si le régime d’Assad venait à survivre en conservant le contrôle du territoire syrien, la crise continuerait à monter «en guerre par procuration». (3)
«Pour résumer: l’ex-document secret du Pentagone fournit la confirmation que la coalition arabo-occidentale menée par les USA et qui prétend se battre (fort mollement, il est vrai) contre l’État Islamique, avait il y a trois ans salué l’émergence d’un «Califat salafiste» en Irak. suggérant qu’il pourrait s’étendre à la Syrie comme un moyen de faire chuter le pouvoir légitime d’Assad, et de bloquer l’expansion stratégique de l’Iran. (…) Les autorités occidentales et leurs alliés sunnites de Turquie, d’Arabie saoudite et des autres Emirats du Golfe, ont voulu la création d’un califat et en ont suggéré l’extension, pour s’en servir comme de leur outil propre, pour faire sauter les autorités légales de la Syrie.» (3)
La nouvelle carte géopolitique au Levant
 «La situation s’est considérablement aggravée au Levant avec la coupure par l’Émirat islamique de l’antique «route de la soie», c’est-à-dire du passage de l’Iran à la Méditerranée. Il n’existe que deux options possibles: soit par Deir ez-Zor et Alep, soit par Palmyre et Damas. (…) On peut s’étonner de l’importance donnée à la chute de Palmyre par la presse occidentale. D’autant que la plus importante progression de Daesh cette semaine n’était pas en Syrie, ni en Irak, mais en Libye avec la chute de Syrte, une ville cinq ou six fois plus peuplée que la syrienne Palmyre. Pour dramatiser un peu plus, les journalistes occidentaux affirment à l’unisson que désormais «Daesh contrôle la moitié du territoire syrien». (4)
«Contrairement aux inepties de certains journalistes qui accusent le «régime de Bachar» (sic) d’avoir fabriqué cette organisation pour diviser son opposition et la faire glisser dans le radicalisme, la DIA atteste que l’Émirat islamique est fonctionnel à la stratégie états-unienne. Ce rapport, daté du 12 août 2012 annonçait clairement les plans de Washington. Ainsi que nous l’avons toujours dit, l’Émirat islamique a été développé par une décision du Congrès des États-Unis, réuni en séance secrète en janvier 2014, afin de réaliser le plan Wright. Il s’agissait de créer un «Kurdistan» et un «Sunnistan» à cheval sur la Syrie et l’Irak ayant pour finalité de couper la «route de la soie» après l’achat de Deir ez-Zor (la ville a été achetée à des fonctionnaires corrompus, sans combat). (…) Palmyre, la «cité du désert», n’est donc pas simplement un vestige d’un passé merveilleux, c’est une pièce stratégique dans l’équilibre régional. C’est pourquoi il est grotesque de prétendre que l’Armée arabe syrienne n’a pas cherché à la défendre». (4)
Il est connu que les coalisés n’ont pas réellement combattu Daesh. Même le sénateur Cain en a convenu. Pour Thierry Meyssan, «la Coalition internationale anti-Daesh, créée par les États-Unis en août 2014, n’a jamais combattu les djihadistes. Il est au contraire attesté – non pas une seule «par erreur», mais une quarantaine de fois – que les avions occidentaux ont largué des armes et des munitions à l’Émirat islamique. Au demeurant, ladite Coalition de 22 États prétend disposer d’un nombre supérieur d’hommes, qui sont mieux formés et disposent de meilleurs matériels que Daesh. Pourtant, elle n’a pas fait reculer l’Émirat islamique. mais celui-ci ne cesse de conquérir de nouvelles routes. Quoi qu’il en soit, Washington a changé de stratégie. Les États-Unis reviennent à une conception impériale classique, fondée sur des États stables. Et pour signer leur accord avec l’Iran, ils doivent maintenant évacuer l’Émirat islamique du Levant avant le 30 juin. Ce sera le sens de la réunion des 22 membres de la Coalition (et de 2 organisations internationales) à Paris, le 2 juin. D’ici là, le Pentagone devra décider s’il détruit l’Emirat islamique ou s’il le déplace et l’utilise ailleurs à d’autres tâches». Le tout est de savoir si le monstre ne va pas échapper à son concepteur’ et que le Califat islamique arrive à perdurer sans ses parrains.» (5)
Les tractations russo-américaines
«Dans le même ordre, suite au voyage du secrétaire d’État John Kerry auprès de son homologue russe, Sergueï Lavrov, à Sotchi le 12 mai 2015, au voyage de l’envoyé spécial états-unien pour la Syrie, le 18 mai à Moscou, et à la conférence téléphonique du 21 mai, les États-Unis et la Russie se sont mis d’accord sur un processus de pacification en Syrie Cet accord intervient sur proposition de Washington (…). Il a été admis que Washington et Moscou poursuivraient leur coopération pour l’éradication des armes chimiques en Syrie. Il semble avoir été convenu que le président Bachar el Assad terminerait son septennat, mais que les négociations porteraient sur la composition de son gouvernement. (…) a été convenu que deux nouvelles instances seraient créées pour rassembler l’ensemble de l’opposition: l’«Opposition syrienne nationale» (indépendante) sera créée les 8 et 9 juin au Caire (Égypte) par des partis politiques de Syrie et des personnalités exilées. Une autre coordination sera formée sous les auspices de l’Arabie saoudite, en juin ou juillet à Riyadh. Les trois groupes et le gouvernement syrien seront invités à une conférence de paix cet été au Kazakhstan (un État musulman allié de la Russie).» (6)
On dit que le régime syrien, affaibli par quatre ans de guerre, est en train de se résoudre à une partition de facto du pays en limitant ses ambitions à la «Syrie utile», «II est tout à fait compréhensible que l’armée syrienne se replie pour protéger les grandes agglomérations où se trouve une grande partie de la population, dont une partie a fui les jihadistes de l’EI et du Front Al-Nosra», la branche syrienne d’Al Qaeda, explique à l’AFP Waddah Abed Rabbo, directeur d’El Watan, quotidien proche du pouvoir. Pour lui, «ce n’est plus à l’armée syrienne de lutter seule contre le terrorisme. Il faut que le monde réfléchisse si l’établissement d’un ou deux États terroristes est en sa faveur ou pas», ajoute-t-il, en faisant allusion à la proclamation par l’EI d’un «Califat» à cheval sur la Syrie et l’Irak et au désir du Front Al-Nosra de créer un «Emirat islamique» dans le nord de la Syrie. (7)
Nous assistons certainement à une réorganisation du monde. Les deux grands vont s’entendre et vont trouver de nouvelles frontières qui garantissent leurs intérêts. Les Français et les Anglais sont cantonnés dans le rôle de supplétifs. Les Allemands, qui ont toujours deux fers au feu, vont basculer du côté russe (continuation de la politique de Schröder). Les éternels perdants seront une fois de plus les Arabes, en l’occurrence deux civilisations qui ont vu les premiers balbutiements de la civilisation humaine. Un califat sera érigé sur les décombres de Bilad Rafidin et Bilad Eccham. Un seul vainqueur Israël et une cause devenue de plus en plus
On peut se poser la  Question : Pourquoi cette anomie mondiale qui fait son miel de la détresse des faibles. Est-ce  un choc de civilisation comme l’avait appelé de ses vœux Samuel Huntington ? Sont- ce de nouvelles guerres de religion notamment monothéiste qui prônent  pourtant l’amour du prochain ? Est  ce enfin ce que l’on appelle le néo-libéralisme prédateur qui ne peut s’épanouir que sur les décombres des faibles, surtout s’ils possèdent le pétrole  cet excrément du diable comme le nommait justement Hugo Chavez ? C’est un peu tout cela. Les Nations Unies sont plus que jamais désunies et on s’aperçoit avec amertume que toutes les envolées lyriques sur les droits de l’Homme, la liberté la démocratie ne sont que du vent. C’est de fait le combat des puissants partout dans le monde.
Le tour des faibles même dans les pays développés est arrivé Nous le voyons avec la détresse des Grecs, des Portugais, des Italiens Espagnols. Le vrai combat de mon point de vue, est celui des Damnés de la Terre quelque soient leurs latitudes  contre une mondialisation –laminoir qui fait fi des espérances et des destins des faibles. Plus que jamais, nous devons prôner l’altérité et montrer que le migrant en détresse, le smicart qui n’arrive pas à joindre ses fins de moi. Le paysan esclave des directives de Bruxelles, les citoyens des pays du Sud gouvernés d’une main de fer par des tyrans  adoubés par justement les dirigeants de l’oligarchie occidentale, mènent le même combat celui de la dignité et d’un retour à l’humanité  en perdition de sens actuellement.
Professeur  Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger
2. Réseau Voltaire 21 avril 2015, http://www.voltairenet.org/article187385.html

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