La voix absente
Quoi donc ? La paix nous fuira-t-elle toujours ?
Jean Jaurès
Jean Jaurès
En cette période extrêmement confuse où les idées généreuses perdent du terrain, où la République dans ses principes les plus élémentaires est ridiculisée, où les citoyens sont régulièrement changés en consommateurs inertes, où l’organisation même de la société est mise en cause, où la laïcité n’est plus qu’un vain mot vidé de sa substance, il est bon de rappeler à soi les souvenirs d’un temps différent et porteur de tous les rêves d’un futur prometteur.
Certes, il n’y a pas et il n’y a jamais eu d’époque idéale. Et nous sommes, pour la plupart d’entre nous, sans aucun doute mieux lotis que les poilus de naguère ou que les miséreux des siècles passés. Cependant, il est actuellement nécessaire de reposer en termes limpides la question sociale et de redire haut et fort ce qui paraît essentiel aux yeux des quelques justes encore lucides et encore debout.
Il existe assurément une voie aujourd’hui manquante. Il existe un chemin perdu. C’est pourquoi je pense à toi, Jean Jaurès, et à ta voix claire depuis cent ans absente.
Par-delà tous tes « alliés substantiels », tes parents naturels, les vivants et les morts, les peintres, les écrivains, les musiciens, les poètes et les philosophes, par-delà les grandes figures de notre République, il y a les autres, tous les autres, les gens de peu, les gens de rien, ceux qui ne sont même pas nommés, ou ceux dont il faut bien, quelquefois, fortement se méfier.
Par-delà les grandes affinités intemporelles — Jean-Jacques Rousseau, Arthur Rimbaud, Albert Camus, parmi les plus éclairés et les plus vaillants — dont nous avons déjà parlé, dont nous reparlerons plus tard, il y a les rendez-vous manqués et les rencontres qui n’auront pas lieu.
Je pense très souvent à toi, Jean Jaurès, frappé en plein élan parce que tu étais simplement du côté de la vie.
Je pense à toi et aux amis disparus…
À toutes ces voix chères qui se sont tues. Celles notamment de Karl Marx, de Louise Michel, de Rosa Luxemburg et d’Antonio Gramsci. Et celle, plus près de nous, de Nelson Mandela.
Je pense à toi, presque de jour comme de nuit, et je pense à cet abîme maintenant repeuplé. Je pense à ta voix forte et à celle, plus douce, de mon père ouvrier, de mon père tant aimé, de mon père qui un beau soir me murmura ton nom à l’oreille. Je pense à toi et à Albert, mon père décédé.
Je pense à toi et aux amis disparus…
À toutes ces voix chères qui se sont tues. Celles notamment de Karl Marx, de Louise Michel, de Rosa Luxemburg et d’Antonio Gramsci. Et celle, plus près de nous, de Nelson Mandela.
Je pense à toi, presque de jour comme de nuit, et je pense à cet abîme maintenant repeuplé. Je pense à ta voix forte et à celle, plus douce, de mon père ouvrier, de mon père tant aimé, de mon père qui un beau soir me murmura ton nom à l’oreille. Je pense à toi et à Albert, mon père décédé.
Je t’ai imaginé, Jean Jaurès, sur le long et rude chemin des luttes. Je t’ai vu parler aux plus démunis sans jamais rien renier. Et je t’ai même entendu prononcer ces mots aujourd’hui encore inépuisés : « Prolétaires de tous pays, unissez-vous contre la guerre ». J’ai eu foi dans tes paroles et dans tes actes, Jaurès. Et j’ai cru, moi aussi, le miracle possible.
Tu as été assassiné le 31 juillet 1914, il y a tout juste cent ans, au Café du Croissant à Paris, par le crétin Raoul Villain.
En 1919, camarade, ton meurtrier contre toute attente fut acquitté. Mais, en 1924, tes cendres furent transférées d’Albi au Panthéon. La République affectionne les contradictions.
En 1919, camarade, ton meurtrier contre toute attente fut acquitté. Mais, en 1924, tes cendres furent transférées d’Albi au Panthéon. La République affectionne les contradictions.
Je pense à toi, Jaurès, je pense aux mineurs de Carmaux et aux mégissiers de Graulhet.
Je pense à toi, le tribun socialiste, l’incomparable orateur, le journaliste et fondateur du journal L’Humanité. Et je pense aussi à tous ceux qui demeurent incompris.
Je pense à toi dont j’ai appris le nom par cœur. Je pense à toi, et je me rappelle la chanson de Jacques Brel, tirée de son dernier album…
Ils étaient usés à quinze ans
Ils finissaient en débutant
Les douze mois s´appelaient décembre
Quelle vie ont eu nos grands-parents
Entre l´absinthe et les grands-messes
Ils étaient vieux avant que d´être
Quinze heures par jour le corps en laisse
Laissent au visage un teint de cendres
Oui notre Monsieur, oui notre bon Maître
Je pense à toi, le tribun socialiste, l’incomparable orateur, le journaliste et fondateur du journal L’Humanité. Et je pense aussi à tous ceux qui demeurent incompris.
Je pense à toi dont j’ai appris le nom par cœur. Je pense à toi, et je me rappelle la chanson de Jacques Brel, tirée de son dernier album…
Ils étaient usés à quinze ans
Ils finissaient en débutant
Les douze mois s´appelaient décembre
Quelle vie ont eu nos grands-parents
Entre l´absinthe et les grands-messes
Ils étaient vieux avant que d´être
Quinze heures par jour le corps en laisse
Laissent au visage un teint de cendres
Oui notre Monsieur, oui notre bon Maître
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Ton souffle nous manque, Jean Jaurès, et par-dessus tout ton esprit averti. C’est toujours exact, je pense à toi… Je pense à toi pour ne pas t’oublier. Je pense à toi, et j’ai des larmes au coin des yeux.
LES AIGLES FOUDROYES
PARTIE 1
LES AIGLES FOUDROYES
PARTIE 2
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire