La Chine est morte (mais elle bouge encore)
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Je l’ai dit et ne fais que me répéter : la Chine est un nœud. Le nœud central et même gordien de nos contradictions. Un nœud coulant qui ne cesse de se resserrer autour de nos cous à tous, sans qu’on y songe réellement. Il manque à notre connaissance un livre direct, qui raconterait ce que le soi-disant « développement » de ce monstre est en train de provoquer. Il devient aisé de voir ce que donne une croissance maintenue de 7, 8 ou 10 % chaque année dans un pays doté de tant de moyens, et de besoins.
Sur place, c’est déjà l’Apocalypse. Vous avez le droit de penser que j’exagère, mais enfin, les faits sont les faits. Des dizaines de milliers de rivières ont d’ores et déjà disparu, victimes d’une surexploitation de leurs eaux (ici). Le désert avance et s’approche dangereusement de mégapoles comme Pékin. L’air des villes est un toxique mortel, et les normes légales de pollution sont pulvérisées. Des milliers d’usines atrocement dangereuses empoisonnent leur entourage, au point qu’une carte du cancer a été dressée, qui compte des centaines et des centaines de points incandescents. Le charbon, sur quoi repose encore la plupart de ces drames, aggrave dans des proportions qu’on ignore en détail - mais qu’on sait lourdes en tout cas - le dérèglement climatique.
Que penser de cette puissance de feu ? Vous le savez aussi bien que moi. Mais je me dois de mettre mon grain de sel. Quand l’Europe s’empara des Amériques, et d’une bonne part de l’Asie, et du plus grand de l’Afrique, les équilibres écologiques fondateurs étaient toujours là. La destruction avait déjà commencé, mais d’une manière qui demeurait invisible. Il y avait pour sûr un vastehinterland - un arrière-pays - disponible pour l’expansion. Songez avec moi, et ce n’est qu’un exemple, aux prairies sans rivage du continent nord-américain. On « pouvait » dévaster, surtout au pays des Indiens, dont le nombre avait été opportunément réduit par une série d’épidémies, dont la variole.
En cette époque si vaporeuse qu’elle semble n’avoir jamais existé, il y avait de la place. Du poisson. Des bêtes. Si vous voulez avoir une idée du paradis que nous avons piétiné, je vous conseille le récit de la première traversée de l’Amérique du Nord, sous la conduite des capitaines Clarke et Lewis (deux tomes chez Phébus, en poche). Des imbéciles qui nous ressemblent tant ont tout ruiné en quelques maigres générations. Et voilà que la Chine est en train d’imposer au monde sa propre accumulation du capital, aux dimensions inconnues.
Mais le monde a bel et bien changé de base et la Chine est obligée de s’en prendre à une planète épuisée, en outre plus peuplée qu’elle n’a jamais été. Je vous demande de penser quelques minutes à ce que je vais vous raconter en quelques phrases : la Chine n’est rien d’autre qu’un incendie aux dimensions bibliques. Les forêts du Cambodge, du Laos, du Vietnam, de Sibérie, du Guyana, du bassin du Congo, crament à des rythmes variés dans la folle chaudière.
Le pétrole d’Afrique - ô Soudan ! - et de dizaines d’autres pays est préempté à coup de bakchichs pour couvrir les démentiels besoins du pays. Les barrages poussent au Tibet, pour tenter de calmer une crise de l’eau sans issue, mais au risque de la guerre avec l’Inde. Des millions d’hectares de terres agricoles ont déjà été volées dans les pays du Sud pour assurer l’alimentation - y compris carnée - de près d’1,5 milliard d’habitants. La Chine est partout, construit des routes, des villes, vend des voitures dans les pays les plus pauvres, corruption massive en bandoulière. Ses chalutiers ruinent, à jamais peut-être, les si merveilleuses pêcheries d’Afrique de l’Ouest. Des systèmes aussi choquants que notre sinistre Françafrique sont d’ores et dépassés, et de loin.
La fabuleuse gueule avale et recrache par millions de tonnes des produits qui inondent les marchés, dont les nôtres. Attention ! il ne s’agit plus depuis longtemps que de cotonnades et joujoux. La Chine exporte des objets hautement manufacturés - télés, bagnoles, ordinateurs, électroménager - et nous les achetons avidement parce qu’ils sont moins chers. Et que nous sommes désespérément cons. Toute l’économie, ici en France, tourne autour de l’existence de marchés porteurs en expansion, et donc la Chine en tête. Si nous étions un poil plus responsables, nous lancerions de vastes campagnes visant à briser ce cercle vicieux. Ce cercle où l’on trouve notre soif inextinguible de colifichets, l’insupportable croissance chinoise et la destruction de plus en plus accélérée du monde. Inutile de me le dire, nous en sommes tristement loin.
Le saviez-vous ? Vers Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, on trouve aujourd’hui des centaines d’entrepôts où ne travaillent que des Chinois. Écrivant cela, je ne cède évidemment pas à une quelconque récrimination xénophobe contre eux. Le problème est NOTRE problème, à eux comme à nous. Lisez ou relisez si l’occasion se présente les cinquante premières pages du livre de Roberto Saviano, Gomorra (Folio, 2009). Vous y verrez où nous en sommes déjà. Et peut-être penserez-vous autrement à Aubervilliers, Le Havre (le port), Toulouse (l’aéroport).
Je vous laisse ci-après quelques liens d’articles sur la Chine, publiés ici. Mais avant cela, ce formidable documentaire chinois (sous-titres français), Sous le dôme. Avant que les bureaucrates de Pékin ne comprennent le danger et n’agissent en empêchant son téléchargement, ce film a été vu par près de 160 millions de Chinois ! Le voici : https://www.youtube.com/watch?v=ZS9qSjflwck
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