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jeudi 30 mars 2017

MELENCHON PRESIDENT ?

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Avant propos
Il est rare que l’on sente un frémissement aussi favorable pour un candidat dans une élection présidentielle à quelques semaines de l’échéance. Mais, c’est un fait. Il est en train de se passer quelque chose autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Le « matraquage » médiatique repoussoir d’Emmanuel Macron, l’exécution en règle de François Fillon, la poussée quasi extatique de Marine Le Pen, et la mise à l’encan de Benoit Hamon par ses propres amis, laissent penser que celui qui tirera son épingle du jeu sera le candidat de France Insoumise.
Voici ce qu’écrivait « Challenges »  le 27 mars « On constate donc une réelle dynamique en faveur de Jean-Luc Mélenchon, une montée positive qui se fait au détriment de Benoît Hamon et d’Emmanuel Macron. Pour le premier, l’effondrement de sa visibilité et son affrontement direct sont des explications claires. Pour Emmanuel Macron c’est plus surprenant car la logique s’inverse. Le leader d' » En Marche!  » doit y prendre garde. Les ralliements, le programme, les actes de communication sont autant de prétextes à comparaison avec jean-Luc Mélenchon, avec des réponses parfois décalées et souvent positives pour le candidat de la  » la France insoumise  » qui apparaît comme le plus anti-système. Un argument pour des citoyens qui recherchent un candidat pour qui voter! »
 Les sondeurs commencent –ils à sentir le vent tourner?
Ne nous voilons pas la face, même si cela peu paraître impossible pour d’aucuns et nonobstant l’analyse des media, tous inféodés et donc peu crédibles, il faut bien se rendre à l’évidence : Mélenchon a une chance certaine d’être au second tour des élections présidentielles françaises en 2017. Une vague de fond est en train de monter à 3 semaines de l’échéance…personne ne peut imaginer quelle force, ni quel effet elle aura, mais elle risque de surprendre!

ÉTAT DES LIEUX


Marine Le Pen, en tête de tous les sondages…un peu gonflés, non ?

Marine Le Pen a une base électorale, c’est maintenant incontestable. Elle se situe aux alentours des 20 à 22%. Sûre de son accession au second tour, elle n’en « fait pas des tonnes » et gère sa campagne de façon assez soft. Dans ses meetings, pas de participation pléthorique, pas de débordement, tout est contrôlé et aseptisé, surtout ne pas commettre d’impairs ! A contrario de François Fillon, ses affaires financières l’ont simplement effleuré, sans jamais l’affecter. Sa prestation au débat télévisé des « grands candidats » du premier tour n’a pas été vraiment appréciée bien qu’elle fût assez convaincante pour un public loin d’être négligeable.
Tout se passe comme si Marine Le Pen se laissait porter par les événements. Et elle a raison. L’ensemble des média et des sondeurs lui fiche une paix royale. Elle est créditée de 24 à 27% d’intention de vote dans les sondages. Ils sont surfaits, c’est sûr, mais c’est évidemment utile qu’ils le soient.
Elle se révèle être la concurrente « indispensable » à affronter au second tour. L’espoir, bien entendu, étant de la battre, le réflexe républicain devant nécessairement jouer… Selon certains ce serait une formalité. Méfions nous de ce genre d’assertion…

L’exécution de François Fillon.

Fillon est sorti de la primaire comme le diable sort de sa boite. Ce fut une surprise pour tout le monde. Vînt alors son programme pour le moins conservateur et assez sévère (trop ?) dit-on, quand d’autres l’estiment pire que celui de Sarkozy, c’est dire !
Mais ce n’est pas le programme de Fillon qui a fait basculer son électorat potentiel dans l’horreur, ce sont les affaires. Et sans se prononcer sur le fond, il faut bien dire que la forme fut autant (bizarrement) opportune que violente.
Qui peut bien en vouloir à Fillon à ce point ? Qui a intérêt de l’écarter de la compétition ?
Les media et les sondeurs ne l’ont pas raté, non plus (et pour cause…) Résultat : chute dans les sondages…et une partie de son électorat qui doute. Fillon est donc en danger.

Emmanuel Macron, l’idiot utile du PS !

Plus personne n’est dupe aujourd’hui : Macron a été mis en selle par Hollande et son entourage.
Hollande et Valls ont été virés comme des malpropres des sommets sondagiers, les reléguant au rôle de soutier. Ils n’allaient pas se présenter pour prendre une veste, fût elle une Louis Vuitton et faire perdre les intérêts européistes et atlantistes qu’ils ont défendus durant tout le long du quinquennat…. Ceux là ont réussi le tour de force de convaincre le ban et l’arrière ban des grands patrons et des banquiers – les mêmes qui détiennent média et instituts de sondage – que le seul candidat à soutenir était leur poulain. Et pour être sûr de l’emporter, ils ont décidé de rassembler sur son nom le centre droit et les libéraux du PS. Belle manœuvre!
Résultat. Macron est second dans tous les sondages, juste derrière Marine Le Pen. Dans ce camp, on se frotte déjà les mains.
Mais temporisons cet enthousiasme un peu puéril et disons la vérité :
D’une part, la campagne de ralliement des élus libéraux de gauche à Macron est un échec. Elle est dévorée par la discorde dans le camp socialiste qui est largement visibilisée. De plus, Macron n’a pas de base électorale et ce n’est pas les quelques élus et ministres qui le soutiennent qui le lui fourniront.
D’autre part, et c’est là l’essentiel de l’aveuglement des promoteurs,  Macron personnifie tout ce qu’exècre aujourd’hui le français de la rue : «  les riches, les banquiers, les énarques, les économistes, l’Europe, l’OTAN, la bourgeoisie, la télé, les journaux, les sondages, le PS, Hollande et Valls, Sarkozy et El Khomry, la disparition des médecins, de la poste, des écoles, des transports dans les zones rurales, les paradis fiscaux, les « Cahuzac » et les affaires financières des élus, etc. »…la liste est longue…
Hormis le « petit peuple » qui regarde Macron comme on regarde le serpent Kaa du livre de la Jungle, ceux qui le soutiennent ne vivent qu’entre eux et s’imaginent que ce qu’ils vivent, c’est la vraie vie. Ils sont convaincus que les français soutiendront Macron massivement.
Et comme ils pensent – sincèrement – que l’électeur est un crétin, ils lui injectent chaque jour une dose de macronite en espérant que la maladie sera contagieuse et surtout qu’elle libérera des parts de cerveaux disponibles pour leur nouveau messie.
Seulement voilà, ces gens là ne retiennent jamais les leçons de l’Histoire tant ils sont aveuglés par leurs intérêts et par leur intelligence dont ils sont persuadés qu’elle n’est pas celle du commun des mortels. Toutes les études faites jusqu’à ce jour nous mettent en garde contre les lectures simplistes selon lesquelles la quantité d’information soumise est le critère décisif pour apprécier l’impact des médias sur un événement. Elles soulignent aussi, par voie de conséquence, que l’effet de la communication politique est toujours aléatoire.
La preuve qu’elle n’est pas aussi efficace qu’on le prétend, c’est la campagne référendaire de 2005 sur le TCE (traité pour une constitution européenne) où l’incroyable et indécent battage médiatique pour le « Oui » avait provoqué l’effet inverse dans la population. Ce n’est pas les mêmes enjeux diront certains grincheux. Si, justement !
Dernière nouvelle : le mardi 28 mars au soir, Valls apporte son soutien à Macron. Bien qu’il ne le rallie pas, c’est, quand même, une mauvaise nouvelle pour lui. Il semble bien que, cette fois, c’est le coup de grâce, tant la politique de Valls a été honnie.
Macron partira-t-il alors en voyage sur l’ile de Guyane à l’issue du premier tour?

Benoît Hamon, trahi par les siens ou victime consentante ?

Voilà un responsable politique qui participe, confiant, à une primaire du Parti Socialiste au terme de laquelle il fût élu pour représenter la « gauche » à l’élection présidentielle. Un mois après,  la moitié des membres de son parti, n’avalise pas le résultat de cette compétition. Et, l’un après l’autre, ils partent soutenir  le candidat d’à côté. Étonnant, non?  C’est l’histoire d’un chef qui part au combat et qui, dans le doute, se retourne et s’aperçoit que la moitié de ses troupes ne sont plus derrière lui pour la bataille. Cela en dit long sur l’honnêteté intellectuelle de ces gens là. Qui pourra leur faire confiance demain? Cela dit, on a bien compris le scénario. C’était joué d’avance. Triste fin pour un parti dont le fondement même était le fait démocratique.
Mais est il si dupe que cela le candidat Hamon ? N’est il pas là pour faire des misères à Jean-Luc Mélenchon ? Si c’est le cas, cela risque de lui coûter cher, car à la vue de sa chute dans les sondages, ses électeurs vont être tentés par un vote utile pour le porte parole de France Insoumise.

Jean-Luc Mélenchon, l’outsider devenu leader…

Ce responsable politique fait l’objet d’un engouement exceptionnel. Si ce n’est pour sa verve, ça l’est aussi pour ses convictions et son érudition. C’est un puits de culture qui laisse sur place n’importe lequel de ses challengers. Il est, pour beaucoup, au-dessus de la mêlée. Ce qui  le rend redoutable.
Chaque fois qu’il apparaît quelque part, les compteurs de vues sautent. Que ce soit à l’occasion d’émissions de télévision, de meetings, ou sur les réseaux sociaux, c’est hallucinant. Le monde médiatique cherche, évidemment, à minimiser les choses, eux qui n’ont d’yeux que pour Macron, mais on constate qu’il fait un « carton » quandil s’exprime quelque part.
Jeunes, vieux, femmes, militaires, enseignants, artisans, chefs d’entreprise, étudiants, chômeurs, religieux ou libre penseurs, policiers ou chercheurs et scientifiques etc., il rassemble sur son nom l’exact contraire sociologique des aficionados de Macron..
Dans l’imaginaire collectif de ses soutiens, Mélenchon n’est pas d’extrême gauche, ni même de gauche d’ailleurs. Pour eux, il est situé au-dessus des partis. Il n’est pas rare, dans ses discours, qu’il prenne un ton gaullien surtout quand il s’agit d’évoquer l’indépendance de la France. Et il conclut systématiquement par une Marseillaise – impossible dans un meeting d’extrême gauche – hymne auquel il a rendu ses « lettres de noblesse », celles de 1789, et cela plait. Beaucoup. Dans ces rassemblements, on agite des drapeaux tricolores comme si les gens voulaient se réapproprier les symboles de la République. D’ailleurs Mélenchon est républicain. Il n’y a aucun doute là dessus. Et, évidemment, c’est l’Internationale qu’on chante parfois…pas celle de la révolution soviétique, hein! celle de la Commune de Paris ! Est il nationaliste ? Non ! Patriote ! répond-il avec conviction. Et force est de constater que « France Insoumise » dépasse le clivage politique traditionnel. On y trouve de tout, des gaullistes historiques aux communistes post staliniens. En observant la sociologie du mouvement, on peut dire qu’il est à l’image de la France d’aujourd’hui, celle d’en bas et du milieu, celle des « sans dents » et des gens ordinaires.
« Dans une enquête parue le 25 mars, l’institut l’institut BVA (voir en infra) accordait à Mélenchon un « potentiel haut », c’est-à-dire d’un électorat capable de voter pour lui en second choix, à 20%. Soit le niveau du « potentiel bas » de Marine Le Pen… Le député européen peut donc être rapidement confronté à un plafond, même si sa capacité à mobiliser des électeurs aujourd’hui tentés par l’abstention sera aussi déterminante. Pour l’heure, le niveau de participation mesuré par les instituts dans cette campagne reste particulièrement stable ».
Pour ceux qui en doute, il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux ou d’aller voir dans ses meetings pour se rendre compte de l’extraordinaire popularité de cet homme et surtout de celle du programme de « France Insoumise », son mouvement. Il est vrai qu’il promet l’avènement d’une 6ème République, ce qui séduit de plus en plus, tant les gens n’en peuvent plus de ce climat délétère.
Mélenchon, dont l’ « issue ownership » reste celui de remettre l’être humain (et non pas l’argent) au centre de l’Humanité, apparaît comme une fenêtre ouverte sur un printemps… un printemps français, celui là ! Cela se traduira-t-il dans les urnes ? Oui ! Sans aucun douteDe là à ce qu’il soit présent au second tour face à Le Pen, il n’y a qu’un pas !

mercredi 29 mars 2017

L'AVENIR DESHUMAINS CONNECTES

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A quoi cela sert-il d’y aller par quatre chemins ? Annonçons-le, nous prenons celui d’être dépossédés de nos données, de perdre le droit à toute vie privée dont nous avons déjà un avant-goût ! Au sein du monde des objets connectés qui nous est annoncé, notre destin est d’être scrutés sous toutes les coutures.
Nos activités, nos gestes, nos choix et nos goûts, ainsi même que nos idées et convictions, rien ne va échapper à la détection plus ou moins bien intentionnée de ceux qui recueilleront nos données via la multitude d’objets connectés que nous allons utiliser, dont la liste s’allonge de jour en jour sous les prétextes les plus divers. Pour vivre heureux, nous n’allons plus pouvoir vivre cachés ! Avec le même effet que si nous étions tous munis d’un bracelet électronique !
Concepteur du Web, Tim Berners-Lee a observé que « le Web s’est à tel point rapproché du monde réel que les deux sont désormais liés ». Les moyens d’opérer via son intermédiaire une récolte massive de données nous concernant sont progressivement mis en place. Les objets vont être qualifiés d’intelligents au nom de leurs nouvelles performances et des services qu’ils vont rendre, avec en contrepartie l’abandon de tout anonymat. Dans un monde où la propriété est reine, celle de nos données nous est refusée.
Même s’il ne faut pas croire les discours des spécialistes marketing éblouis par ces nouveaux marchés – les données sont pour eux l’or noir de l’Internet – leurs estimations donnent le tournis : des milliards d’objets devraient être connectés dans les années à venir. Il nous sera promis une multitude de services allégeant notre asservissement aux choses, mais cela le renforcera dans la pratique. De nouveaux marchés de masse ne visant plus le simple renouvellement des parcs qu’équipements existants vont être ouverts, et c’est tout ce qui leur importe. Avec comme effet de faire de nous des humains connectés de plein exercice ! A moins que nous soyons court-circuités grâce aux « contrats intelligents » de blockchains, les objets connectés régulant d’eux-mêmes leurs échanges, entre eux ou avec le monde extérieur, en utilisant des protocoles de communication qui sont en cours de développement. Les spécialistes soulignent que plus ils seront connectés entre eux, plus les risques de piratage seront grands.
Qu’importe si l’on ne sait pas encore parfaitement utiliser les masses de données récupérées : les futurs outils logiciels permettant de les traiter sont à l’étude, utilisant la sémantique pour analyser les messages, ou des modèles stochastiques pour décrypter les comportements, en vue de les anticiper. Notre sort va être confié à des algorithmes, omniprésents et opaques, au verdict sans appel.
Les experts en marketing prétendent que les consommateurs seront satisfaits de céder leur données personnelles en échange d’offres personnalisées, tout comme les citoyens acceptent déjà de renoncer à leur vie privée pour garantir leur sécurité, pourrait-on ajouter. Mais ces discours sont fallacieux car ils sous-entendent un arbitrage librement consenti et mutuellement avantageux.
Est-il encore possible d’empêcher cette mutation ? Régulièrement, des enquêtes et sondages témoignent certes de substantielles réticences, auxquels répondent immédiatement des argumentaires faisant valoir les bienfaits de la collecte des données personnelles, la santé étant un domaine de prédilection.
Pourtant, la résignation ne finira-t-elle pas par l’emporter ? N’avons-nous pas déjà perdu le contrôle sur nos données ? Leur protection est loin de progresser à la vitesse avec laquelle se répand leur collecte, tout les prétextes étant bons, et parfois même en le dissimulant. Les portes du paradis des hackers vont s’ouvrir devant eux, accentuant notre vulnérabilité aux comportements délictueux. Au Japon, un hacker a mis en évidence que des données étaient recueillies par des poupées connectées munies de microphones…
Le monde qui se présente n’est pas porteur de ces seules menaces. Le déploiement d’un formidable outil de contrôle social est annoncé qui détectera les comportements hors normes porteurs de révolte. C’est en Chine que l’on en trouve un projet très élaboré. Et, d’une manière générale, la fragilité de nos sociétés va aller en grandissant, comme en témoigne la montée en puissance de la guerre électronique, dont le champ de bataille ignore les frontières et qui n’a pas besoin d’être déclarée pour être menée.
Le monde des objets connectés fait partie de ces catastrophes annoncées vers lesquelles nous nous précipitons.

samedi 4 mars 2017

FACE AU FN, A LA HAINE ET AU MAL ......... LA PENSEE D'HANNAH ARENDT

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« Plus on l’écoutait, plus on se rendait à l’évidence que son incapacité à parler était étroitement liée à son incapacité à penser – à penser notamment du point de vue de quelqu’un d’autre. » Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem, éd. Folio.
« Il est donc urgent de se souvenir du cri d’alerte lancé, dès 1931, par Aldous Huxley : « A une époque de technologie avancée, le plus grand danger pour les idées, la culture et l’esprit, risque davantage de venir d’un ennemi au visage souriant que d’un adversaire inspirant la terreur et la haine. » Ignacio Ramonet, Le Monde Diplomatique, Manière de voir n°53, bimestriel septembre octobre 2000, chapitre ’’Contrôler les esprits’’.
L’un des débats récurrent qui a le plus suscité d’analyses et de critiques sur les dérives idéologiques totalitaires en faisant écho à la pensée d’Hannah Arendt, notamment l’islamisme salafiste djihadiste radical ce que d’aucuns qualifient « d’islamo-fascisme », fait écran à une tendance de fond bien plus générale, pour ne pas dire l’arbre qui cache la forêt, et qui touche aussi nos sociétés dites modernes et démocratiques, à savoir la tentation xénophobe et la banalité du mal, débouchant sur des sociétés de l’indifférence et de plus en plus sécuritaires (Michela Marzano, La mort spectacle, enquête sur « l’horreur-réalité », éd. Gallimard).
Depuis les attentats du 11 septembre, le bombardement de l’Afghanistan et la guerre en Irak en 2003, suivi des images des prisonniers de Guantanamo et les rumeurs de tortures dans des bases secrètes de la CIA, la pendaison le jour de l’Aïd de Saddam Hussein, de civils bombardés au nom de la liberté et de la démocratie (Bush) et les images macabres d’enfants mutilés sous les décombres (Gaza), la décapitation d’une femme sur la place publique en Arabie Saoudite, ou encore les cadavres calcinés de soldats traînés par des 4X4 de membres de Daesh ou des otages occidentaux égorgés, ou enfin les tueries de citoyens noirs américains par la Police (USA), donnent toute la banalité de l’horreur que les adeptes de voyeurisme recherchent à travers les snuff movies : vidéo de scènes sexuelles hyper hard humiliantes (sites pornos), de viols partagés sur les réseaux sociaux (horreur réalité), de massacres ou d’exécutions (Daesh), et des jeux vidéos de guerre (Call of Duty) ou de zombies (Dying Light) ou de violence gratuite (Grand Theft Auto, San Andreas) qui suivent cette tendance sanglante où l’Autre n’est plus perçu comme la représentation d’un Soi semblable mais plutôt comme quelque chose de fantomatique, voire barbare qu’il faut éliminer même de façon ludique.
Voilà pourquoi il est urgent d’y prendre garde, car cette barbarie et cette violence n’est que le produit de notre modernité et les failles de la nouvelle éducation qui banalisent la violence. (Zigmunt Bauman, Modernité et Holocauste, éd. Complexe) Comme le soulignait Olivier Roy dans son fameux livre La sainte ignorance, nous sommes à l’ère de la religion (traditionnelle ou sécularisée) sans culture.
Et voilà pourquoi il ne faut pas perdre de vue les garde-fous que jalonne la pensée d’Hannah Arendt afin de ne pas sombrer dans l’indifférence et la banalité du mal.
En effet, l’affaire de Théo L. du 02 février 2017 est révélatrice de ce climat… notamment à l’image de l’exacerbation des passions tristes, Zemmour (dans l’émission Z&N) face à Maître Dupond-Moretti ou encore Yvan Rioufol face à Maître Jakubowicz et Rokhaya Diallo. Le premier soutenant les arguments de son détracteur de bidons et que si la Police agit ainsi il faut chercher des causes plus profondes (que lui seul connaît), et l’autre, Rioufol, qu’il n’y a pas eu viol à la matraque que ce n’était qu’un dérapage, et en face, les invités parlant de bavure policière et de discrimination systématique lors des contrôles d’identité (ou au faciès), et leur ras-le-bol d’être systématiquement cloués au pilori des associations antiracistes prises dans la culture de l’excuse ou de la victimisation. Tout cela est révélateur du parti pris, de la mauvaise foi, de la fracture sociale, pour reprendre Kepel, et du profond malaise qui existe en France.
Or, il serait temps de réfléchir sur le problème de fond, cette exigence de profondeur comme le titre de la nouvelle de Patrick Süskind, et non pas celui du parti pris Zemmourien.
Souvenons-nous que la justification par l’idéologie nazie de la rafle ou de la déportation, s’appuyait sur le fait que les juifs ou les tziganes étaient considérés comme des « dégénérés », « moralement suspects », « inassimilables », « inférieurs culturellement », et qu’on n’avait plus le temps pour prendre  en charge leur « rééducation ». Et que la marche de l’Histoire, de l’Homme nouveau (nazi), ne pouvait s’encombrer de telles minorités.
En effet, déjà depuis l’assassinat en 1881 du tsar réformateur Alexandre II jusqu’aux djihadistes d’aujourd’hui, et toutes les pensées d’une apologie criminelle et rédemptrice à l’instar des appels à la Révolution ou l’Anarchie des Démons de Dostoïveski, le nihilisme sous toutes ses formes s’inscrivait comme l’une des pathologies de la modernité, face à ce sentiment de perdre un monde ancien traditionnel corrompu pour le remplacer par un monde idéal nouveau. (François Guery, Archéologie du nihilisme, de Dostoïevski aux djihadistes, éd. Grasset).
Ces hommes nouveaux s’inscriv(ai)ent dans ce qu’Hannah Arendt soulignait déjà : «(…) les hommes qui agissent (…) sont en mesure d’accepter finalement ce qui s’est passé de manière irrémédiable et de se réconcilier avec ce qui existe de façon incontournable ». (Philosophie de l’existence, éd. Payot)
En effet les attentats ayant eu pour effet en France et aux USA, un déliement des langues, et une banalisation de la haine  et du racisme sans complexe. C’est pour cela, à l’image de L. Poignant représentant du syndicat de la Police avait qualifié de convenable le terme de Bamboula devant une journaliste outrée, pour faire ensuite ses excuses, tout comme Yvan Rioufoul ne supportant plus les arguments soutenant que beaucoup d’agents de la Police seraient pro-Front National (donc racistes).
D’où la simplification et l’indignation à géométrie variable, qui au juste ne l’inquiète nullement lorsqu’il s’agit d’essentialiser les musulmans.
Ou encore David Rachline un cadre du FN qui avait twitté : « L’une (Marine Le Pen) est au chevet des boucliers de la Nation. L’autre (François Hollande) est au chevet des racailles ».
On comprend comment l’Autre devient alors l’ennemi, et n’est plus pensé en termes de catégories sociales, de catégories économiques, de catégories politiques faisant partie de la Nation, mais renvoyé à sa dimension communautaire et identitaire, exogène.
C’est pour cela qu’Hannah Arendt qui avait vécu l’exil, était sensible à la dimension d’apatride et de déraciné, de celui dont l’existence ne peut se rattacher à un territoire, étant superflu (pour les autres et lui-même) en tout lieu où il se trouve, et dont la vie n’est plus insérée dans une cité, dans le monde politique, commun avec les autres hommes.
Et la banalité du Mal vient de là, de l’excommunication de l’Autre, en marge de l’Humanité.
D’ailleurs, c’est pour cela qu’elle voyait l’idéologie sioniste d’un très mauvais œil. 60 ans que les palestiniens attendent la reconnaissance de leur droit à avoir une Nation comme tous les autres, et 60 ans que tous les damnés de la Terre et les enfants de L’humilocratie (El Manjra) revendiquent leurs droits parfois violemment au nom de la résistance et du non respect de leur dignité. Souvent suite à une fin de non recevoir, ou du mépris et de la violence des oppresseurs (résolutions de l’ONU ignorées par les dominants). Se renvoyant dos à dos les responsabilités : les uns dénonçant l’Apartheid, les autres le terrorisme. (Henry Laurens, Terrorisme, histoire et droit, éd. Biblis ; Alain Gresh, Israël, Palestine, vérités sur un conflit, éd. Hachette)

L’occultation de la dimension politique de l’Autre dans le débat social

Depuis la chute du mur de Berlin et la croyance en l’hégémonie de l’idéologie capitaliste ultralibérale, tous les systèmes de pensée marxiste ont été décrédibilisé, à l’instar du discours des sociologues et autres qualifiés d’islamo-gauchistes dès qu’il s’agit d’évoquer avec objectivité le réel.
Or ces systèmes de pensée avaient l’avantage d’appréhender les rapports sociaux en termes de lutte des classes, de tensions entre Capital et travail, de condition du prolétariat ou de l’Homme en général. Il y avait une dimension universelle de l’intelligibilité du monde et de la critique du fonctionnement de nos sociétés. Celles-ci aggloméraient tous les travailleurs, quelle que soit leur religion ou leur origine, autour de la notion de lutte des classes… d’ailleurs que reste-t-il de cette lutte et de ces classes ? Comme un sentiment de résignation, de non prise en considération des espoirs du peuple, à l’instar du mépris des référendums pour ou contre l’Europe des banques et des multinationales.
Comment s’étonner dès lors de cette tendance à l’aliénation au monde ? En effet, Hannah Arendt pour décrire ce concept écrivait, « ce n’est pas l’aliénation du moi, comme le croyait Marx, qui caractérise l’époque moderne, c’est l’aliénation par rapport au monde ». (in Condition de l’Homme moderne)
L’Homme moderne ayant le sentiment de ne plus avoir prise sur son histoire ou son avenir. Et comme la nature a horreur du vide, déjà de par le passé la désaffection des partis de gauche et communistes avait vu son électorat se tourner vers l’extrême droite ou Front National : l’idéologie identitaire ayant investi le champ politique, jusqu’à banaliser ses poncifs sur la judaïsation de la France dans les années 30, et l’immigration et l’islam de nos jours.
Et Hannah Arendt avait mis en garde contre ce dépérissement de l’Etat-Nation. Elle écrivait, « Au nom de la volonté du peuple, l’Etat fut contraint de ne reconnaître pour citoyens que les « nationaux », de ne garantir la pleine jouissance des droits civiques et politiques qu’à ceux qui appartiennent à la communauté nationale par droit d’origine et fait de naissance ».
Ce qui provoque la banalité du mal et de la haine, c’est ce statut de citoyen de seconde zone (ex, tibétains, palestiniens, chrétiens d’Orient, Rohingyas, etc), que ressentent certaines populations minoritaires sans cesse stigmatisées par ceux qui se représentent comme majoritaires et légitimes.
Tout le monde sait que dans la démocratie athénienne, seuls les aristocrates mâles avaient le statut de citoyen ; et que dans la république romaine, bien que certains aient pu accéder à ce rang là, beaucoup étaient vus comme « barbares romanisés » : on parlait déjà de déclin. Mais si le système éducatif et scolaire en France a chuté dans le classement mondial, la faute à qui ? L’augmentation du chômage, des divorces, la faute à qui ? Aux immigrés ou à une mauvaise gestion de la part de nos classes politiques qui n’ont pas préparé notre pays aux défis de la mondialisation ?
Tout cela pose le problème de la crise de l’autorité, lorsque cette classe politique sans vergogne parle d’exemplarité, entraînant une décrédibilisation de son discours politique suite à l’indécence de pratiques bling bling et de mensonges. (Dirigeants déconnectés des réalités du peuple : Sarkozy volant en jet privé ou en Yacht privé de Bolloré, Cahuzac et ses détournements d’argent, Fillon et Le Pen et leurs emplois fictifs, Montebourg en une de magazines qui est parti à Miami avec sa femme pour décompresser de sa défaite aux primaires de la gauche)

La crise de l’autorité ou la dérive autoritariste, voire sécuritaire ?

La crise de l’autorité est perceptible et générale, des parents démissionnaires ou dépassés par leurs enfants, en passant par les enseignants et les policiers en dépression, cette situation est révélatrice du cataclysme que nous vivons. Au nom de la liberté de consommer, dans la tête des nouvelles générations les droits ont supplanté les devoirs, faisant du futur citoyen l’enfant roi, obsédé par le jeunisme et poussé au culte du corps, de la concurrence, de la réussite, participant à un régime qui laisse sans état d’âme sur le banc de l’échec scolaire les ratés du système qui auront plus de chance de finir exploités au Smic (ou chômeurs) ou de remplir les prisons de France. Aucune éducation du partage, du travail d’équipe, de la valorisation de la singularité de chacun et de la complémentarité pour hausser le groupe (voire pédagogie Montessori) : tout n’est qu’une question de rendement, de profits, de concurrence féroce.
A cela on peut ajouter suite à une politique d’austérité, la réduction si ce n’est la suppression des budgets pour les formations, la désaffection des structures sociales (Mission Locale, AFPA), et cette obsession du contrôle des chiffres du chômage et de la rentabilité kafkaïenne (Pôle Emploi).
Le problème fondamental qui touche notre société, voire toutes les sociétés modernes, est cette perte de légitimité concernant ceux qui représentent l’autorité ou l’Etat, quant à leur équité et le souci de justice d’égalité qu’ils portent à chacun de leurs concitoyens. Or, comme un enfant, le mal-aimé sait et sent lorsqu’il est mis en touche par sa mère (Patrie). D’où des jeunes schizophrènes perdus dans les méandres de l’exclusion, jusqu’au basculement extrémiste djihadiste et à la construction d’un mythe de renouveau salafiste sur des contrées imaginaires et une socialisation en marge.
Certes, c’est à chacun de faire sa place dans la société, mais quand les discours de chroniqueurs (Zemmour, Rioufol) et de journalistes viennent à essentialiser et à faire ce qu’Hannah Arendt qualifiait de « suivisme bête », « de propagation de clichés », pour aboutir « à la banalité du mal »… Sur ce constat, on est enclin de s’inquiéter sur l’évolution de notre société, surtout lorsque l’on voit ce qui se passe aux Etats-Unis d’Amérique avec Donald Trump.
Tout comme Yvan Rioufol qui s’insurge dans son Blog (lefigaro.fr) contre le président qui s’est rendu au chevet de la victime, et « qu’il n’avait pas eu ce geste pour les deux policiers brûlés vifs dans leur voiture à Vitry Châtillon, le 8 octobre, par des sauvageons (Cazeneuve). »
Certes. Et pendant ce temps, ce qu’il ne dit pas, lorsque le président François Hollande était au chevet de Théo, la majorité parlementaire votait des dispositions législatives qui ont pour objectif de permettre aux policiers de faire plus facilement usage de leurs armes ; autrement dit d’élargir le concept juridique de légitime défense, voire le risque de la réitération d’une bavure de ce genre, et le permis de tuer sans sommation.
Pourtant, Rioufol justifiant ce dérapage à la matraque par une énumération de clichés sur les banlieues, à savoir l’antisémitisme, le racisme anti-blanc, la violence systémique de groupes criminels, l’insulte et la violence contre les policiers… comme si tous les banlieusards s’inscrivaient dans ces dérives ; le tout alimenté par des concepts dangereux voire relevant de pratiques néocoloniales de zones de non droit ou non pacifiées comme les « Territoires perdus de la République » ou de « la France soumise », à tel point que Fox News aux Etats-Unis d’Amérique parlent de No-go-zones !
Maître Jakubowicz et Rokhaya Diallo auront beau lui dire qu’ils sont tout aussi indignés face à de tels actes ignobles intentés contre des représentants de l’ordre, mais qu’on ne peut pas mettre sur le même plan un policier qui de par son uniforme représente la LOI et l’ETAT et des citoyens que l’on assimile à des terroristes sans foi ni loi, sinon quelle différence entre ces actes barbares régis par le fanatisme de fous isolés et ceux de policiers réagissant selon l’arbitraire d’un contrôle d’identité et ne répondant plus de leurs actes et de la LOI qu’ils sont censés représenter ?
N’oublions pas qu’à Sievens la mort de Rémi Fraisse, militant d’extrême gauche zaadiste et fils d’un élu, ainsi que toutes les enquêtes bâclées de victimes de la Police et couvertes par la justice, révèlent cette tendance de fond du gouvernement : à savoir réprimer toutes tentatives de manifester contre des projets (aéroports ou autres) qui touchent les intérêts de multinationales, au détriment de valeurs écologiques. D’ailleurs, lors de la Cop 21 la situation d’urgence venait à point nommé ; il aurait été en effet de mauvais goût que des gauchistes manifestent contre le gouvernement Hollande ou contre Obama et les grandes puissances qui étaient encore non respectueuses des ratifications des sommets précédents.
Comme l’écrivait si bien Hannah Arendt, « l’avenir n’est représenté par aucun groupement, il n’est pas une force qu’on puisse jeter dans la balance. Ce qui n’existe pas n’a pas de lobby et ceux qui ne sont pas encore nés sont sans pouvoir » (in Le principe de responsabilité, éd. Cerf, 1990, Paris).
Hannah Arendt voulait mettre fin à l’idéologie de toute puissance des sujets rattachés à une idéologie de masse, afin d’introduire en politique le souci réel du monde et de l’autre ; qui pour reprendre Levinas n’est que nous même.
Le monde doit être perçu comme un dépôt, un prêt, dont les ressources naturelles sont limitées et qu’il faut laisser le temps de se régénérer, et non plus comme quelque chose de jetable avec cette idéologie égoïste : après moi le déluge, et toujours plus. L’Homme doit se voir comme un colocataire et penser laisser sa place aux futures générations. D’ailleurs le Coran le rappelle bien, « S’Il (Dieu) veut, Il vous fait partir pour vous remplacer par des créatures nouvelles (de nouveaux peuples) »

Le pluralisme, le métissage, l’ouverture : voilà la solution ?

Récemment, on avait crié la mort du multiculturalisme. On avait dénoncé le « Londonistan » (Londres) comme un exemple d’échec et comme preuve de l’impossibilité d’assimilation de populations non européennes de souche, et en scandant le mythe de notre culture judéo-chrétienne.
Pourtant, Hannah Arendt avait toujours vécu en minorité et apatride du fait de sa judaïté, et son exil à New-York lui avait permis d’entrevoir la possibilité d’un monde libre, où toutes les origines et toutes les religions peuvent vivre ensemble. Ce sentiment Stefan Zweig aussi l’avait ressenti au Brésil. Et d’ailleurs, c’est ce qui a toujours attiré les exilés politiques.
Elle mettait en garde contre cette propension humaine à vouloir uniformiser, comme le souhaitent les théocraties iraniennes et saoudiennes, les salafistes djihadistes ou les nationalistes d’extrême droite ou les sionistes intégristes, ou enfin les régimes militaires type soviets. Cela relève de la même logique de la Terreur et de la coercition par la force, pour aboutir à  « la destruction de la pluralité des hommes » et à la réduction « à l’état d’organe d’un seul genre humain ».
Boualem Sansal met en garde contre cette dérive totalitaire dans son roman 2084. Mais la Oumma que croient dénoncer les détracteurs de l’islam, n’est pas de cet ordre là. Car, elle est de dimension spirituelle, liée à la croyance, et à la prévalence de faire le bien plutôt que le mal. Le Coran rappelle : « C’est Lui (Dieu) qui vous a crées et parmi vous, l’un n’est pas croyant, l’autre est croyant, mais Dieu voit vos actes ».
Cet aspect de la pluralité de l’Humanité ainsi que des croyances est une volonté divine, liée à la possibilité du libre arbitre octroyé à l’Homme. Et comme un leitmotiv qui traverse tout le Coran, « le meilleur des Hommes est celui qui agit le mieux ou dans le bien ». Ou encore « La piété n’est pas le fait de tourner vos face vers l’Orient ou l’Occident (en adorant un Dieu), mais est dans le bien agir ». Toute la philosophie islamique sous tend cette idée de la possibilité que la créature a de croire ou de ne pas croire aux messages révélés du monothéisme (voir le discours théologique dans le Coran sur le judaïsme, le christianisme, et autres croyances polythéistes), et de vivre en paix avec l’Humanité. « Nous avons fait de vous des peuples, des tribus, afin de vous connaître ».
Certes, la vision médiatique et la lecture politique qu’en font nos chroniqueurs nationaux, chantres du Grand remplacement, ne s’inscrit pas dans l’apaisement et le réel, et surtout pas dans la complexité et la durée historique sur le long terme. Mais dans l’urgence et le réductionnisme de la théorie du choc des civilisations si chère aux néoconservateurs évangélistes et sionistes, comme si tous les musulmans du monde et de France ne se réduisaient qu’à une seule idéologie salafiste-djihadiste, comme s’il n’existait pas de démocrates, de laïcs, de réformistes, etc. D’un coup de baguette magique, les commentateurs de l’Orient compliqué d’autrefois, se sont transformés en manichéens de l’analyse : les gentils versus les méchants. Ceci de paire avec la crise de la culture, et la généralisation de l’abrutissement des masses via la téléréalité.
Comme l’écrivait Hannah Arendt :
« Il ne peut y avoir d’hommes au sens propre que là où il y a un monde, et il ne peut y avoir de monde au sens propre que là où la pluralité du genre humain ne se réduit pas à la simple multiplication des exemplaires d’une espèce ». (Qu’est-ce que la politique ? éd. Seuil, 1995)
Et cela est historiquement vrai, puisque la chute de l’Empire musulman s’était accompagnée de la disparition d’Al-Andalous, de même que la chute des ottomans avait entraîné le génocide des minorités arméniennes et autres. Comme un dernier soubresaut d’un orgueil mal placé, en mauvais perdant. Image déplorable et actes ignobles à l’encontre des victimes et du message coranique. (Philippe Quesne, La philosophie du Coran, éd. Abouraq)
Rappelons-nous enfin du plus célèbre manifeste pacifiste contre la Grande guerre lancé comme dernier cri de la civilisation face à la haine et la barbarie nationaliste. Romain Rolland exhortait les belligérants français et allemands dans son article Au-dessus de la mêlée (éd. Payot), à prendre de la hauteur pour saisir l’ampleur du désastre d’années d’aveuglement patriotique et nationaliste, jusqu’à ne plus voir en l’autre un être humain comme soi, mais un ennemi informe que tout séparerait : même Goethe, même Hegel, même Nietzche, même Beethoven ne pouvaient venir à la rescousse de cet homme seul face au déchaînement et à la folie des hommes.
Il n’est pas si loin ce temps où des millions d’hommes ont péri dans les champs de batailles sous le clairon des propagandes et des idéologies fanatiques. Au rythme de nos litanies scandées par nos hérauts de la guerre, il est à craindre qu’un jour, tout discours de conciliation et de vivre ensemble passe pour antipatriotique voire trahison aux intérêts de la Nation. Et pourtant, aujourd’hui l’Allemagne compte parmi le moteur économique de l’Europe, et reste un partenaire précieux.
C’est pour cela qu’il est plus qu’urgent de relire la pensée d’Hannah Arendt et de se remettre en question, aussi bien les lâches sympathisants du côté des criminels ayant fait des attentats sur notre territoire, que de tous ces citoyens bercés par les sirènes de l’idéologie nationaliste extrémiste, et se réjouissent lorsque tombent des jeunes basanés sous le coups de bavures policières. (www.urgence-notre-police-assassine.fr).
C’est pour cela que la pensée d’Hannah Arendt nous met sans cesse en garde contre la tentation néo-impériale, et son corollaire le totalitarisme. Comme l’écrivait Aldous Huxley, le plus grand danger viendrait d’un ennemi au visage souriant, qui nous fait miroiter la liberté, mais qui en réalité n’aurait de cesse de nous contrôler (NSA et métadonnées enregistrées) et de nous faire croire que nos choix sont leurs choix (aux dirigeants). Un genre de totalitarisme qui ne dit pas son nom.

UN PRESIDENT ULTRA NORMAL ---- JOSE MUJICA ----

José Mujica Cordano, surnommé « Pepe Mujica », est un homme d’État uruguayen. « Ex-guérillero des Tupamaros dans les années 1960-1970, il a été détenu en tant qu’otage par la dictature (1973-1985). Amnistié au retour de la démocratie, en 1985, il abandonne la lutte armée pour s’engager dans la voie électorale, en cofondant le Mouvement de participation populaire (MPP). (…) Élu sénateur puis nommé ministre de l’Agriculture du gouvernement Vázquez, en 2005. Mujica démissionne en mai 2009 du MPP pour devenir le représentant de l’ensemble du Frente Amplio. Il l’emporta aux primaires de juin 2009, au sein de la coalition de gauche du Front large (Frente Amplio). Le 25 octobre 2009, il arrive en tête du premier tour de l’élection présidentielle avec 48% des voix. Mujica est élu avec 52,9% des voix lors du second tour, le 29 novembre 2009, contre 42,9% des voix pour Lacalle  ; il sera investi le 1er mars 2010 officiellement président de l’Uruguay. »
Mujica se distingue par son mode de vie, très éloigné du faste habituel de la fonction présidentielle. Il  reverse 87% des 250.000 pesos mensuels (9 400 euros) de son salaire de chef d’État à des associations caritatives. Délaissant le palais présidentiel, il habite la petite ferme de son épouse, « au bout d’un chemin de terre » en dehors de Montevideo. Il continue à y cultiver des fleurs avec son épouse, Lucía Topolansky, à des fins commerciales, et donne environ 90% de son salaire présidentiel à des organisations caritatives ou pour aider des « petits entrepreneurs », conservant pour lui-même l’équivalent du salaire moyen en Uruguay (environ 900 par mois). Le couple présidentiel bénéficie de la protection de deux policiers à la ferme. 
Le président de la République d’Uruguay, José Mujica Gordano, n’est pas un personnage comme les autres. Il se singularise par une indépendance vis-à-vis de l’addiction à l’argent, contrairement à l’immense majorité de tous les autres potentats, notamment arabes. Yann Arthus-Bertrand l’a rencontré. Il lui donne la parole : « Mon nom est José Mujica Gordano, je suis le descendant d’immigrants. Je suis un genre de paysan, qui adore la nature… et j’ai dédié une part importante de ma vie à essayer d’améliorer la condition sociale du monde dans lequel je suis né. En ce moment, je suis président, je fais quelques trucs, j’en supporte d’autres et je dis merci à la vie. J’ai eu quelques déconvenues, de nombreuses blessures, quelques années en prison… Enfin, la routine pour quelqu’un qui veut changer le monde. C’est un miracle que je sois encore vivant. Et par-dessus tout, j’aime la vie. J’aimerais arriver au dernier voyage comme quelqu’un qui arrive au comptoir et qui demanderait au tenancier une autre tournée. »
« J’ai passé, poursuit le président Mujica, plus de 10 ans de solitude dans un cachot, dont 7 ans sans lire un livre. J’ai eu le temps de penser et voilà ce que j’ai découvert : soit tu parviens à être heureux avec peu, sans bagages, parce que ce bonheur est en toi, soit tu n’accompliras rien. Ce n’est pas l’apologie de la pauvreté, mais celle de la sobriété. Mais comme nous avons inventé une société consumériste, l’économie doit croître. Nous avons inventé une montagne de besoins superficiels ; nous vivons en achetant et en jetant. Mais ce que l’on dépense vraiment, c’est notre temps de vie. Parce que lorsque j’achète quelque chose ou que toi tu achètes quelque chose, tu ne l’achètes pas avec de l’argent, tu l’achètes avec le temps de vie que tu as dépensé pour gagner cet argent. A cette différence que la seule chose qui ne peut pas être achetée, c’est la vie. La vie ne fait que s’écouler et quel malheur de l’employer à perdre notre liberté. Car quand est-ce que je suis libre ? Je suis libre quand j’ai du temps pour faire ce qui me plaît et je ne suis pas libre quand je dois dépenser de mon temps pour acquérir des choses matérielles censées me permettre de vivre. De fait, lutter pour la liberté, c’est lutter pour disposer de temps libre. »
« Je sais que j’appartiens à une civilisation dans laquelle beaucoup de gens diront : « Comme il a raison, ce monsieur » mais qui ne me suivront pas. Parce que nous sommes comme pris dans une toile d’araignée, prisonniers. Mais, au moins, il faut commencer à y réfléchir. J’ai appris, pendant mes années de prison, à regarder la vie où elle se voit à peine. Les fourmis… les fourmis crient, elles ont un langage… Les rats prennent des habitudes, ils s’habituent à un horaire… Les grenouilles remercient un verre d’eau dans lequel elles pourront se baigner. J’ai appris la valeur des choses vivantes. J’ai aussi appris à converser avec celui que j’ai en moi.(…) C’est un personnage que tu oublies souvent face à la frivolité de la vie. Et je recommande de regarder vers l’intérieur de soi-même. Et de moins regarder la télévision, vers l’extérieur, et de parler avec celui qui est en nous, avec ses interrogations, ses défis, ses reproches, ses blessures,… Je crois que les gens parlent très peu avec eux-mêmes. »
« Lutter, ajoute le philosophe président, rêver et aller contre le sol en se confrontant à la réalité, c’est tout ça qui donne sens à l’existence, à la vie. Notre nature est telle que nous apprenons beaucoup plus de la douleur que de l’abondance. Cela ne veut pas dire que je recommande le chemin de la douleur ou quelque chose de ce genre. Cela veut dire que je veux transmettre aux gens qu’il est possible de tomber et de se relever. Et ça vaut toujours le coup de se relever. Une fois ou mille fois – tant que tu es vivant. C’est le message le plus grand de la vie. » « Sont défaits ceux qui arrêtent de lutter, et arrêter de lutter, c’est arrêter de rêver. » Lutter, rêver et aller contre le sol en se confrontant à la réalité, c’est tout ça qui donne un sens à l’existence, à la vie. Pour les nouvelles générations, c’est une sorte de formule pour affronter l’existence. Des défaites, il y en a quand tu as une maladie et que tu as du mal à la vaincre ; des défaites il y en a quand tu perds ton travail et que tu as des problèmes économiques. Mais on peut toujours recommencer. Et c’est là, dans le fond, une expression psychologique d’amour à la vie. Il faut être reconnaissant parce que être vivant est un miracle ».
En réalité, conclut-il d’une façon réaliste : « Humblement, je suis un Don Quichotte, toujours défait. Nos succès sont très éloignés des rêves que nous avions… et des idées que nous faisions. Il y a 40 ans, c’était assez simple : on croyait qu’il était possible d’arriver au pouvoir et de construire une société meilleure en changeant le système de production, blablabla, etc. Cela nous a coûté beaucoup de défaites et puis nous avons compris qu’il était plus facile de changer une réalité économique qu’une culture. Et le problème est que si toi tu ne changes pas, rien ne change. La chose la plus transcendante pour nous tous sur Terre, c’est celle à laquelle nous pensons le moins ! Et c’est d’être vivant ! C’est un miracle ! Il y a des millions de probabilités contre ce fait miraculeux qu’être vivant pour un humain. Comment ne pas aimer ça ? Comment ne pas y faire attention ? Comment ne pas lutter pour donner du sens à ce miracle ?(…) En ce moment, je suis dans une étape de président et demain, comme n’importe qui, je serai un tas de vers qui s’en va ».

HOMMAGE AU GENERAL DE LA BOLARDIERE et VERITE SUR LA "" COLONISATION ""

SOURCE





L’intolérable révisionnisme sur le colonialisme


Il aura suffi qu’un présidentiable amateur de paillettes réalise qu’il y a des voix à prendre dans les banlieues et énonce une évidence : « la colonisation a été un crime contre l’humanité » pour que le ban et l’arrière-ban des nostalgiques du « temps des colonies » lui tombe dessus. Macron était tellement peu convaincu par ses propres propos qu’il s’est cru obligé de singer De Gaulle avec un vibrant « je vous ai compris » adressé aux anciens de l’Algérie Française.

Qu’as-tu appris à l’école ?

Cette belle chanson de Tom Paxton (1963) traduite par Graeme Allwright parle de l’école américaine. Et la nôtre ?
J’ai appris que la France allait de Dunkerque à Tamanrasset. Qu’il y avait 15 départements avec préfectures et sous-préfectures en Algérie et deux territoires sahariens. Que certaines villes avaient de jolis noms sentant bon la province : Philippeville, Orléansville, Bougie, La Calle.
J’ai appris que le dey d’Alger avait vraiment été méchant en 1827 en frappant du « manche de son chasse-mouche » le consul de France et que c’est un peu à l’insu de notre plein gré qu’il avait fallu réparer l’outrage.
J’ai dû me fader les noms de grands généraux :
Le père Bugeaud (comme dit la chanson) a été le « pacificateur » de l’Algérie. Heureusement, Wikipédia nous en dit aujourd’hui un peu plus : Les troupes furent divisées en colonnes mobiles ; elles pourchassèrent les résistants algériens par une incessante offensive et, pour les affamer, firent le vide devant eux, incendiant les villages, raflant les troupeaux. C’est la politique de la terre brûlée. Il disait « Le but n’est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile ; il est d’empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer, […] de jouir de leurs champs […] Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes […], ou bien exterminez-les jusqu’au dernier. » Critiqué pour ses « enfumades », il eut une réponse qui pourrait être aujourd’hui celle de Trump quand il fait l’apologie de la torture : « Et moi, je considère que le respect des règles humanitaires fera que la guerre en Afrique risque de se prolonger indéfiniment ». Si vous avez des interrogations sur le joli terme d’enfumade, Wikipédia a la réponse : Des milliers d’Algériens (y compris des femmes et des enfants) sont enfumés ou emmurés dans les grottes d’Algérie. En effet, les populations civiles se réfugiaient souvent dans des grottes pour échapper aux combats.
Si Bugeaud sent un peu le moisi dans certains milieux, le Maréchal Lyautey est toujours célébré comme étant le « pacificateur du Maroc » et on peut acheter sur Internet des médailles à l’effigie de ce grand philanthrope. Ce gradé fera ses premières armes en « rassurant et en remettant au travail les paysans du nord du Madagascar » (sans rire). On a appris sur Lyautey des phrases énigmatiques : « il parvient à pacifier la zone frontière, il réprime un soulèvement … La révolte continue et on a bien du mal à la contenir ».
Lyautey avait fait ses premières armes auprès d’un autre grand général dont on nous a célébré les exploits : Joseph Galliéni. Devenu gouverneur général de Madagascar, il travailla à la grandeur de la France : « À la méthode diplomatique de son prédécesseur, le général M. Laroche, il préfère la méthode forte pour endiguer la montée de la résistance anti-coloniale. Il instaure le travail forcé des indigènes … Au total, la répression qu’il mène contre la résistance malgache à la colonisation aurait fait de 100 000 à 700 000 morts pour une population de 3 millions. »
Il y a un hôtel Galliéni à Marseille et une station de métro à Bagnolet. Pas d’avenue Philippe Pétain : célébrer le fascisme est devenu politiquement incorrect mais célébrer les génocides coloniaux ne pose pas de problème.

De l’esclavage à la colonisation.

Dans l’histoire, les prédateurs ont souvent été des pillards.
La découverte et la conquête de l’Amérique marquent un tournant. Les peuples autochtones vont subir une violence extrême. 90% de ces « indigènes » disparaîtront, victimes de massacres, de maladies venues d’Europe et du travail forcé. La « controverse de Valladolid » (1550-1551) reste d’une incroyable actualité. Le théologien Juan Gines de Sepulveda justifie la colonisation et l’évangélisation forcée par la « cruauté des civilisations précolombiennes ». On croirait entendre Sarkozy sur les « Africains qui ne sont pas entrés dans l’histoire » (Dakar, 2007).
Entre 7 et 8 millions d’Amérindiens mourront au travail pendant les 4 siècles d’exploitation de la mine de Potosi à près de 5 000 m d’altitude. Les conquistadors s’acharneront aussi à effacer toute trace de la culture autochtone en construisant leurs églises et cathédrales sur les temples originels. Un « sociocide » s’ajoutera au génocide : les sociétés autochtones seront éradiquées au nom de la vraie foi et de la « modernité ».
Si certains Espagnols « avancés » comme Bartolomé de las Casas pensaient que les Indiens avaient une âme, il y avait unanimité pour considérer que les Noirs n’en avaient pas.
L’esclavage a non seulement été une horreur pour celles et ceux qui l’ont subi mais il a durablement déstructuré les sociétés africaines. On évalue à 14 millions le nombre d’esclaves enlevés et déportés en Amérique. La traite est à l’origine de la prospérité des pays européens maritimes et des grands ports atlantiques. L’accumulation des richesses issues de la traite est à l’origine du développement du capitalisme
Le « grand ministre » Colbert tant vanté dans nos manuels scolaires est l’auteur du « Code Noir » qui promulgue la loi sur les relations entre les esclaves et leurs maîtres. Abrogé par la Révolution Française, l’esclavage sera rétabli par Napoléon. Il ne sera aboli qu’en 1848 en France et en 1888 à Cuba ou au Brésil.
Aux États-Unis, même s’il a existé un important mouvement abolitionniste (voir l’étonnante histoire de John Brown) avant la guerre de Sécession, ce n’est absolument pas « par humanisme » que le Nord a fait la guerre au Sud. Cette guerre a levé tout frein à l’expansion du capitalisme « yankee » naissant. Celui-ci a rapidement montré sa férocité là où il a conquis des nouveaux territoires (Ouest des États-Unis, Cuba, Philippines).
Après la fin théorique de l’esclavage (1865), les Noirs, privés de terre et de moyens d’existence, vont vivre un siècle de discriminations et de lynchages. Les lynchages étaient annoncés dans la presse à l’avance et aucune autorité ne voulait ou ne pouvait s’y opposer.
Le colonialisme ne marque en rien une rupture par rapport à l’esclavage. C’est sa continuation par d’autres moyens. En s’emparant de l’essentiel des richesses et en déstructurant totalement l’économie locale, les colonisateurs n’ont plus besoin du travail forcé, les indigènes cherchent du travail pour survivre. Au Congo, pour construire la ligne de chemin de fer entre Pointe-Noire et Brazzaville (1921-1934), 127 000 ouvriers furent recrutés et 17 000 y laissèrent la vie.
Le colonialisme, c’est génial pour le capitalisme : on connaît l’histoire du coton cultivé dès le XVIIIe siècle en Inde, transformé dans les usines de Manchester et réexporté en Inde.
Les colonies constituent aussi un immense réservoir pour les armées des États colonisateurs : zouaves, tirailleurs, spahis, goumiers … ces jolis noms masquent mal l’enrôlement plus ou moins forcé des indigènes dans l’armée de la république.
À Marseille, on célèbre le général de Montsabert qui libère la ville en août 1944. On masque soigneusement le fait que seule la hiérarchie de cette armée était blanche. Ces tirailleurs ont été bien mal récompensés. 300 d’entre eux qui réclamaient leur solde ont été exécutés à Thiaroye (Sénégal) en 1944.
La conquête coloniale a été meurtrière partout : Algérie, Madagascar, Maroc… La guerre du Rif a fait des milliers de morts. Le 14 juillet 1926, la France du Cartel des Gauches a rassemblé sous l’Arc de Triomphe les principaux acteurs de cette victoire de la « civilisation » : Aristide Briand, Édouard Herriot, Philippe Pétain, Primo de Rivera (qui fondera les Phalanges espagnoles).
Quand la « décolonisation » commence, immédiatement après la défaite du nazisme, les crimes contre l’humanité vont s’accumuler : le bombardement d’Haiphong décidé par l’amiral d’Argenlieu (6 000 morts en 1946) déclenche la première guerre du Viêt-Nam.
Dans l’île de Madagascar, quand des paysans se révoltent en 1947, la « pacification » se met en marche sous les ordres du gouvernement « socialiste » de Paul Ramadier : il y aura officiellement 89 000 morts. Bien avant les militaires fascistes argentins, l’armée française jettera des suspects d’avions pour « terroriser » la population.
La France n’est pas la seule dans le massacre de masse des colonisés : les troupes britanniques ont massacré 12 000 Palestiniens pendant la révolte de 1936-39 et un nombre équivalent de Kikuyus au Kenya pendant l’insurrection Mau-Mau (1952-56). L’Allemagne a été privée de colonies après 1918. Mais c’est l’Allemagne impériale qui a perpétré le premier génocide du XXe siècle : l’extermination des Héréros et des Namas dans le Sud-Ouest Africain (Namibie, 1904-7).

La gauche et le colonialisme

Les « Lumières » ont-elles été contre l’esclavage et pour l’égalité de tou-te-s indépendamment de leur origine et de la couleur de leur peau ?
Oui et non. Il y a eu un mouvement d’idée qui a mené à l’abrogation de l’esclavage. Celui-ci est vivement condamné par Diderot et d’Alembert dans « l’Encyclopédie », par Voltaire dans « Candide » et dès 1788, est créée une « société des amis des Noirs ». Mais le siècle des Lumières est aussi celui de la classification « scientifique » des races. Et même Diderot ou Voltaire (homme d’affaire peu regardant sur l’origine de son argent) ne sont pas exempts de préjugés racistes.
Les partis bourgeois dits « de gauche » seront bien sûr colonialistes. Ils ne verront aucune contradiction entre leur anticléricalisme et l’utilisation de l’Église pour aller évangéliser les colonisés et en faire des auxiliaires à l’entreprise coloniale.
Le socialisme est né comme expression des classes ouvrières européennes. Il a tardé à comprendre la question coloniale quand il ne l’a pas totalement ignorée. Louise Michel est une fantastique exception : pendant les 7 ans de sa déportation en Nouvelle Calédonie (Kanaky), elle a un rapport d’échange mutuel avec les Kanaks et elle prend leur défense au moment de l’insurrection de 1878 (la tête de Ataï qui dirigea l’insurrection fut achetée et conservée dans le formol. C’est beau, la civilisation). C’est elle qui témoignera de la sauvagerie de la répression alors que les autres déportés pactisent avec l’armée.
La « gauche », toutes tendances confondues, a largement propagé l’idée que les peuples européens apportaient civilisation et modernité à des peuples arriérés, en tout cas pas mûrs pour le socialisme.
Dès qu’apparaît l’aile réformiste du socialisme, celle qui s’est ralliée à l’Union Sacrée en 1914, on va retrouver des « socialistes » à l’avant-garde du colonialisme.
C’est le Front Populaire qui dissout en janvier 1937 l’Étoile Nord Africaine, le parti de Messali Hadj, en application du « décret Régnier » qui réprimait les manifestations contre la souveraineté française en Algérie.
Après 1945, on retrouvera la SFIO puis le PS actifs dans toutes les entreprises coloniales ou néo-coloniales. Il y a l’Algérie bien sûr. Guy Mollet avait en interne un langage de « marxiste orthodoxe ». Il gagne les élections de 1956 sur la promesse de la paix en Algérie. Très rapidement, il obtient les pleins pouvoirs et lance les paras dans une guerre totale. La torture, les disparitions, les viols, les « corvées de bois », les camps seront organisés et gérés par des « socialistes » : Max Lejeune, Robert Lacoste. Malgré cet acharnement barbare, l’Algérie obtiendra l’indépendance.
Les socialistes aideront aussi une entreprise néocoloniale : la conquête de la Palestine par les sionistes. Leur aide a été déterminante dans l’acquisition par Israël de la force nucléaire.
Quand Mitterrand arrive au pouvoir en 1981, les magouilles meurtrières de Foccart qui envoie systématiquement l’armée française au secours des pires dictateurs africains semblent discréditées. Jean-Pierre Cot devient ministre délégué chargé de la Coopération et du Développement avec l’idée d’impulser de nouvelles pratiques. En désaccord avec le système de la Françafrique qui se poursuit, il démissionne. Son successeur, Christian Nucci sera compromis dans le premier grand scandale de la Mitterrandie : l’affaire du Carrefour du développement.
Le soutien aux multinationales et aux dictateurs africains sera désormais plein et entier sous la droite comme sous la « gauche ». Pour le crime le plus effroyable, le soutien militaire jusqu’au bout aux génocidaires du Rwanda, les responsabilités sont partagées entre Mitterrand, Balladur et Juppé.
Il serait diffamatoire de mettre sur le même plan l’attitude des communistes face au colonialisme. Ils se sont battus contre la guerre du Rif et contre la guerre d’Indochine. Beaucoup de dirigeants anticolonialistes (comme Ho-Chi-Minh) ont été formés par ce parti. Sur l’Algérie, il y a un couac terrible. Le 8 mai 1945, quand l’armée française commence un massacre qui fera des milliers de morts à Sétif et Guelma, l’Humanité appelle à « châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l’émeute ». Mais beaucoup d’anticolonialistes ou plus tard de porteurs de valise sont issus des rangs communistes. On célèbre la mémoire de Fernand Iveton, communiste français d’Algérie rallié au FLN et guillotiné en février 1957 (le garde des sceaux était alors Mitterrand). Des militants comme Henri Alleg ou William Sportisse qui ont connu la prison ou la torture n’ont jamais « chargé » le parti communiste. Pour eux et pour beaucoup, le PCF est le parti des mort-e-s du métro Charonne. Pourtant, en tant que parti, le PCF a voté les pleins pouvoirs à l’armée en 1956 et en est resté au seul mot d’ordre « paix en Algérie ». Il aura été bien timide sur la question de l’indépendance.

Algérie : la parole n’a jamais été dite

On attend en vain une reconnaissance par les plus hautes autorités françaises de ce que le colonialisme a fait en Algérie sur le mode d’un Willy Brandt s’agenouillant à Auschwitz.
Rétablissons les faits : non, la France n’a pas apporté la « modernité » en Algérie. Sauf si on considère que les colons en liesse le 13 mai 1958 à Alger (jour du coup d’État) arrachant les voiles des femmes musulmanes, c’est un acte de modernité.
La France a pris les meilleures terres, elle a fait « suer le burnous ». Elle a divisé officiellement la population en fonction des origines et de la religion. Les juifs sont devenus français (décret Crémieux, 1870) mais pas les musulmans, le colonialisme a toujours divisé et fragmenté les sociétés dominées. Les musulmans (que la loi nommait « indigènes ») n’avaient qu’un seul droit, travailler pour leurs maîtres. Leur droit à la citoyenneté n’a jamais existé.
Au début de l’insurrection en 1954, 90% des musulman-e-s étaient analphabètes. Après 130 ans de présence française !!
La défaite du nazisme avec lequel beaucoup de colons avaient collaboré n’a signifié en rien un changement des rapports coloniaux. Le massacre qui a commencé le jour de la capitulation du IIIe Reich à Sétif a fait entre 3 000 et 30 000 mort-e-s.
La guerre (1954-1962) a connu le sobriquet « d’événements ». Elle a fait périr 7 à 8% de la population de l’époque.
Faut-il détailler ce qu’a fait notre chère armée ? La construction d’un mur miné et électrifié de 320 km sur la frontière, les massacres de villages comme à Beni Oudjehane (mai 1956), le détournement d’un avion pour enlever la direction du FLN. En 1959, Michel Rocard écrit un livre sur les camps de regroupement (il faudrait parler de camps de concentration) où l’armée française faisait mourir à petit feu la population civile démunie de tout.
Tout a été utilisé dans cette guerre : la torture, les exécutions sommaires, le viol (que subiront des résistantes comme Louisette Ighilariz), la censure, la répression contre les Français solidaires. Cette guerre a engendré un fascisme bien français (celui de l’OAS) qui a été à deux doigts de prendre le pouvoir.
Il aura fallu le courage et la fierté du peuple algérien, la détermination d’une petite poignée de Français (le général de la Bollardière qui démissionne de l’armée, les 121 intellectuels, le réseau Jeanson, les journalistes qui osent enquêter et parler) pour en finir avec ce crime. Il aura fallu que, malgré le silence étatique, des militants comme Jean-Luc Einaudi s’acharnent à enquêter pour faire la lumière sur les dizaines d’Algérien-ne-s de Paris jetés dans la Seine par la police de Papon le 17 octobre 1961.
Il aura surtout fallu d’énormes pertes dans un contingent qui a fini par refuser de mourir pour les colons. Cela explique l’émergence d’un puissant mouvement populaire (500 000 personnes aux obsèques des victimes de Charonne) qui a pu imposer la fin de la boucherie.
La vérité a été enfouie avec l’amnistie et ce non-dit a permis l’essor du Front National qui regroupait à ses débuts pleins d’anciens de l’OAS. Les Salan, Jouhaud, Massu, Aussaresses sont morts dans leur lit. On ne sait pas comment est mort sous la torture Maurice Audin et ce qu’on a fait de son corps. Il aura fallu des films comme « Avoir 20 ans dans les Aurès » (1972) ou « La bataille d’Alger » (tourné en 1966, interdit en France jusqu’à 1971) pour que la vérité crue commence à sortir.

La colonisation n’a jamais cessé

En 1978, François Béranger chante dans « Mamadou m’a dit » : « les colons sont partis. Ils ont mis à leur place une nouvelle élite de noirs bien blanchis … Que l’Afrique se démerde. Que les paysans crèvent. Les colons sont partis avec, dans leurs bagages quelques bateaux d’esclaves pour pas perdre la main …
La décolonisation est un leurre. Presque partout, le colonisateur a installé ses hommes pour garantir les profits et le pillage. Entre 1955 et 1962, la France a mené une guerre totale contre les indépendantistes de l’UPC. Les estimations vont de 20 000 à 120 000 mort-e-s. La France a installé son homme (Ahidjo) au pouvoir et Jacques Foccart a obtenu en 1971 l’exécution du dirigeant de l’insurrection Ernest Ouandié.
L’Afrique a été livrée aux multinationales. L’armée française est intervenue pour maintenir au pouvoir les pires dictateurs, ceux qui garantissent les profits miniers ou l’exportation à bas prix des matières premières. Elle a utilisé des mercenaires comme Bob Denard aux Comores. Elle n’est pas étrangère à l’assassinat de Thomas Sankara. Multinationales et armée française ont une responsabilité directe dans des massacres de masse comme ceux perpétrés au Congo-Brazzaville par Sassou Nguesso …
Dans les DOM-TOM, tout a été fait pour maintenir une dépendance totale vis-à-vis de la métropole. En Martinique, les Békés ont survécu à la Révolution (contrairement à la Guadeloupe où ils ont été guillotinés). Deux siècles plus tard, leurs descendants possèdent toujours l’essentiel de la production et de la distribution.
Quand la France a testé sa bombe atomique, ça s’est fait chez les colonisés (Sahara, Polynésie).
La colonisation est théoriquement devenue politiquement incorrecte. Mais il ne fait pas de doute que le soutien inconditionnel apporté par l’Occident à Israël vient du fait que, là-bas, la reconquête coloniale est en marche.
En Europe vit aujourd’hui une importante population post-coloniale. Environ 10% de la population française. Une population prolétarisée que nos capitalistes sont allés chercher pendant les Trente Glorieuses. Pour eux, la colonisation ne s’est jamais arrêtée, même si la plupart ont acquis la nationalité française. La discrimination est la règle, au travail ou au logement avec la constitution d’énormes ghettos urbains. La stigmatisation contre eux continue comme au bon vieux temps des colonies. Toujours la même accusation d’être arriérés, de ne pas avoir accepté les « valeurs » de notre société. Contre eux, les contrôles au faciès et les violences policières sont la règle.
Allez, courage, Macron ! Après une intuition comme celle que tu as eue, tu as encore du chemin à faire pour aller au fond d’une dénonciation plus que jamais nécessaire.