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jeudi 6 juillet 2017

DE RIEN ET SANS DENTS

SOURCE

Macron méprise les gens qui ne sont rien.

Macron devient-il notre roi délire ? Après avoir, pour les cérémonies du 18 juin, interdit l'entrée au public "ordinaire", il se prépare à intégrer le "droit" d'exception dans le droit commun. Sans parler du Code du travail mis à la poubelle, des retraites rognées et la Sécu au rabais. Nous roulons vers l'abîme ? Alors chantons, comme sur le pont du Titanic à l'instant du naufrage. Que diriez vous du Chant des Partisans ?
Sur le Mont-Valérien, Macron ne vaut pas grand-chose... Le 18 juin, lors de la commémoration rituelle de l’appel à la résistance lancé par De Gaulle, le tout neuf président de la France a refusé l’accès de la cérémonie aux Français ordinaires, aux dépourvus d’invitation, de Bristol à lettres d’or. Craignait-il que, saisi d’un syndrome mélenchonien, l’ombre du Général ressuscitée en hologramme ne vienne effacer la sienne ? Ce n’est pas le nouveau Jupiter, accouché de la pyramide du Louvre, qui nous dira le contraire : l’homme vit aussi de symboles et de rites. Là, devant les portes du fort qui coiffe le Mont-Valérien, c’est la première fois depuis le 1er novembre 1944 que les manants ont été interdits de ce recueillement collectif.
Hollande conchiait les « sans-dents », Macron, lui, les sans-grade, les sans-diplôme, les sans-Sciences-Po, les sans-famille qui ne sont pas issus des « deux-cents ». Et aussi les « illettrées ». C’est ainsi que le 17 septembre 2014 à Josselin il a qualifié les ouvrières bretonnes de l’usine Gad. Quand il aime la foule, le président de la France la veut comme les fans de Johnny à Bercy. Mais il déteste le peuple et lui interdit même d’entonner le Chant des Partisans. Un hymne lent et mortel, pas du tout écrit en marche, et que l’on n’a pas coutume d’écouter en posant la main droite sur le cœur, façon Hollywood. En gros, la société qui a fait la queue devant le fort où discourait le président n’était pas assez civile. Et les tricards ont compris le message : « Ben quoi ? C’est ça la nouvelle démocratie ! », a entendu le reporter du quotidien Le Parisien. Ou encore : « Une cérémonie de l’entre-soi... C’est quoi, ça ? » Enfin, la phrase d’une femme âgée expliquant sa raison d’être et d’être ici : « Parce que c’est l’appel du général de Gaulle et pour que la France reste la France. »
Puisque nous parlons de Résistance, la discrète protestation des exclus du Mont-Valérien me fait penser à l’Indignez-vous lancé par Stéphane Hessel en 2010. Qu’est devenu le grand espoir né de ces quelques pages, l’impression en petit livre d’un discours prononcé par ce héros de la France libre lors d’une cérémonie sur les cendres du maquis des Glières ? Aurait-il muté en macronmanie ? Pourtant, 4 millions d’exemplaires d’un fascicule incandescent traduit en 34 langues, ça devrait laisser des traces. Où sont les indignés désormais invisibles ?
Soyons optimistes, les futurs révoltés finissent d’avaler leur dégoût avant de monter aux barricades. C’est dans un moment d’histoire noire, où se croisaient bien des douleurs, que le texte d’Hessel est né. L’excellent Stéphane était alors ému par le sort des sans-papiers, par la « réforme » des retraites, le sabotage de la planète et l’écart de plus en plus abyssal entre riches et pauvres. « Réveil public d’un peuple qui était jusqu’à présent très passif », a alors écrit Edgar Morin. Réveillé. Et aussi sec rendormi. Et de nouveau les yeux ouverts après l’atterrissage d’un néo-Jupiter à la tête de la France ? Puisqu’il est certain, vu les poignards que Macron s’apprête à lancer contre les ultimes lambeaux de notre pacte national issu de la Résistance, que le réveil va sonner, dur comme une sirène.
Résistance, Conseil national de la Résistance, Mont-Valérien, Glières... autant de gros mots. Si peu modernes, si peu start-up, si peu Davos pour notre génie de la pastille, celle amère qu’il veut nous faire avaler de force. Certes, s’ils tiennent le coup et ne se disloquent pas, les 500 000 Insoumis de Mélenchon sont une cohorte prometteuse, prête à se coucher en travers de la route du bulldozer éradicateur lancé depuis Wall Sreet, avec Emmanuel au volant.
Observons que dans sa courte invite à l’indignation, parvis de la révolte, Hessel n’a pas oublié de citer – dans le lot des injustices majeures commises dans le monde – celui de la Palestine. Ce rappel, qui n’était que l’accomplissement d’un devoir, a pourtant déclenché une tempête. Un certain Marc Knobel, « chercheur au Crif », a alors accusé l’espiègle et rigoureux Stéphane de « tenter de légitimer le terrorisme ». Alors que Boris Cyrulnik, un savant de kiosques de gare, critique le principe même d’indignation et que Pierre Assouline, en pompier de service, détruit le texte qui « dégouline de bons sentiments ». Rescapé des fusilleurs de l’occupation, Hessel est symboliquement flingué en retard.
Si je fais ce rappel à la Palestine, qui sombre doucement dans un silence digne, c’est pour en revenir à Macron. J’ai déjà décrit ici comment chaque militant d’En marche, candidat à la députation, avait été passé au scanner afin d’être certain que l’impétrant n’avait pas prononcé de toute sa vie une syllabe contre la politique d’Israël. C’est clair, Macron et son équipage sont bien des sionistes compulsifs, avec pour arbitre des élégances une dénommée Laurence Haïm. Une star de la police de la pensée qui cumule les fonctions d’attachée de presse de Jupiter, de propagandiste de Netanyahu et aussi d’un marchand de costumes du 2e arrondissement de Paris.
Si, dans la politique de Hollande, le sort de la Palestine a été mis au congélateur, dès l’arrivée de Macron il est déplacé vers la poubelle. Alors, que dire du sort de Georges Ibrahim Abdallah, militant révolutionnaire qui, luttant pour la libération de la Palestine à l’époque de massacre du Sabra et Chatila, meurt dans une prison française depuis 34 ans ! En passe de battre le titre de « plus vieux prisonnier politique du monde ». Puisque son groupe, les Fractions armées révolutionnaires libanaises, est accusé d’avoir, en 1982 à Paris, abattu un officier américain, chaque année le département d’État américain n’oublie pas de renouveler l’ordre donné à la France, celui de conserver Abdallah en prison. Dans une missive exprès, Hillary Clinton n’a pas manqué à la coutume. Aujourd’hui, Abdallah n’est plus un prisonnier, mais un otage de la France. En 2003, le tribunal correctionnel de Pau a accordé la mise en liberté de ce combattant en lutte pour une Palestine libre et indépendante. Voilà donc treize années qu’une première mesure d’élargissement a été prise, puis réitérée en 2012, en vain, pour un homme qui « n’a pas de sang sur les mains ». Les amateurs de comparaisons noteront que Jean-Marc Rouillant, le chef d’Action directe condamné pour des crimes (dont l’assassinat du PDG de Renault), se promène librement dans nos rues...
Interdictions de manifester, promulgation attendue d’une loi d’exception réduisant les libertés publiques : la conjonction d’une idéologie policière et d’un désir d’ordre – si utile pour le business –, et la France s’enfonce dans le classement qui mesure les indices de la liberté. Il suffit pour le constater de cliquer sur le site d’Amnesty International, une structure qui, pourtant, ne veut que le meilleur pour les pays de l’Otan.
Le new deal français est aujourd’hui le suivant : « Nous vous protégeons, vous citoyens, du terrorisme, mais laissez-nous, nous autres, terroriser le Code du travail. » Convaincu par le matraquage médiatique qu’un djihadiste peut aisément se cacher sous son lit, le Français n’a plus qu’un choix, pousser un « hosannah ! » destiné au Jupiter qui le sauve. Pourtant, le très savant Michel Serres qui n’est pas un énergumène a calculé que le risque d’être victime d’un attentat était comparable à celui d’être touché par une météorite. « La stratégie de la tension » éprouvée en Italie il y a quarante ans semble être un outil politique qui ne vieillit pas. C’est sans doute pour en faire une bonne lecture que, dans le magazine Elle, Emmanuel Macron, sans même sourire, a conseillé aux jeunes Français de « lire Karl Marx ». Tout va bien.
Jacques-Marie BOURGET
Article publié dans le mensuel Afrique Asie de juillet 2017

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