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dimanche 29 mars 2015

QEIMADA





Gillo Pontecorvo, cinéaste subversif s’il en est, connu pour son brûlot « La bataille d’Alger », a réalisé en 1969 un film sur les Antilles qui est une véritable mise en abyme de toute l’histoire humaine depuis l’aube du capitalisme mondialisé, du pillage colonial à la structuration des multinationales, en passant par la montée en puissance des bourgeoisies et de l’impérialisme, sous ses formes les plus subtiles.
Ne cherchez pas Queimada sur une carte : cette ile antillaise est imaginaire, tous comme les personnages « historiques » que Pontecorvo met en scène dans son film. Cette totale fiction constitue pourtant le meilleur cinéma d’histoire que l’on puisse conter. Queimada brosse le portrait, à travers l’apparent tumulte des révolutions, de l’exploitation dans ce qu’elle a de plus stable et de plus pérenne. Queimada est un film qui s’ancre tout d’abord dans la géopolitique : la première instrumentalisation mise en scène est celle, éternelle, des révoltes financées par des puissances étrangères à des fins stratégiques. Ici, Queimada est poussé à l’insurrection par l’Angleterre, soucieuse d’affaiblir l’empire colonial portugais. Loin de tout romantisme, l’abolition de l’esclavage est présentée sous un jour purement économique : leur libération est le fruit d’un cynique calcul d’intérêt : à l’épouse on préfère la prostituée, à l’esclave, on préfère l’ouvrier.
Pontecorvo, en grand maitre de la contre-histoire, loin des fières épopées des romans nationaux, nous donne à voir la prise de conscience d’un leader noir longtemps manipulé par des forces qui le dépassent, jusqu’à comprendre son rôle d’idiot utile et de chair à canon. Ainsi, plus le film s’avance et plus il nous donne à voir les rouages des opérations politico-militaires. Nous passons des plus clairs soutiens en sous-main aux plus obscurs et indéchiffrables tentatives de modeler la légende et l’opinion. Ancré dans un décor du 19e, siècle des nationalismes et des révolutions, Queimada n’en demeure pas moins un film des plus modernes, qui décrit des passages de relai toujours effectifs dans nos sociétés actuelles. Au colonialisme et à l’esclavagisme d’antan, on a substitué une égalité de façade asservissant d’autant plus durement les ex-colonisés, livrés à la prédation internationale. Si, au début du film, toutes les opérations sont menées au nom de la couronne, celles-ci sont de plus en plus financées par de grandes firmes dont le commerce s’appuie sur les prérogatives nationales, avant de finir par les absorber.
Dans le contexte de sa sortie, ce film a été vu comme une gigantesque allusion aux agissements des impérialistes états-uniens en Amérique latine et en Asie (on était alors en pleine la guerre du Vietnam), mais au-delà de toute contingence, Queimada peut se lire comme un véritable traité intemporel de l’extorsion et de la manipulation à grande échelle.

http://www.senscritique.com/film/Queimada/379549


En 1845, sir William Walker, un dandy aventurier, débarque sur l'île de Queimada, dans les Caraïbes, colonisée par Lisbonne. Le gouvernement anglais lui a donné mission de susciter une révolte contre l'Empire portugais faiblissant, afin de permettre aux compagnies britanniques de s'emparer des plantations de canne à sucre. Walker s'assure les services d'un bourgeois ambitieux, Teddy Sanchez, et fixe son choix sur un docker noir, Jose Dolores, pour fomenter la rébellion. Dolores attaque la banque centrale de l'île sur les conseils de Walker, qui le dénonce aussitôt aux autorités. Le jeune homme prend le maquis avec une poignée de compagnons. En sous-main, Walker leur fournit armes et conseils. Le soulèvement est fixé au jour du carnaval…
Arte magazine n° 29 du 16|07|05 au 22|07|05

Le souffle de l'histoire
Tourné par Gillo Pontecorvo alors que la guerre du Vietnam fait rage, Queimada est une flamboyante charge contre le colonialisme, embrasée deux fois en deux heures par la guerre et la révolution. Car le régime aux ordres des Anglais mis sur pied par William Walker, allusion transparente aux gouvernements fantoches qui se succèdent à Saïgon, est renversé à son tour. Et Walker, qui fut l'allié des révolutionnaires, revient sur l'île pour mater cette nouvelle rébellion. "Queimada" signifie d'ailleurs "brûlé !" en portugais. Anticolonialiste ardent, le réalisateur de La bataille d'Alger (1965) insuffle le sens de l'histoire à ses fresques cinématographiques, et il sait éviter le manichéisme:
 "Loin de faire de sir William un mauvais clown, il campe brillamment un personnage envoûtant (…) Et son regard sait merveilleusement restituer toute la laideur de la violence. Ses batailles, assassinats, coups d'État et incendies successifs ne sont jamais empreints de gloriole, mais (…) tragiques et écoeurants", écrivait le Washington Post l'an dernier, à l'occasion de la sortie d'une version restaurée du film aux États-Unis. La subtile composition de Marlon Brando est quelque peu altérée par le doublage italien d'époque. Mais le comédien amateur Evaristo Marquez, recruté au pied levé, tient honorablement tête à la star dans son rôle d'adversaire indomptable de l'impérialisme.

Film de Gillo Pontecorvo (France/Italie, 1969, 1h23 mn, VOSTF)
Scénario : Gillo Pontecorvo, Franco Solinas et Giorgio Arlorio
Avec : Marlon Brando (sir William Walker), Evaristo Márquez (Jose Dolores), Norman Hill (Shelton), Renato Salvatori (Teddy Sanchez), Dana (Ghia Francesca), Valeria Ferran Wanani (Guarina), Giampiero Albertini (Henry), Carlo Palmucci (Jack), Thomas Lyons (le général Prada)
Image : Marcello Gatti, Giuseppe Ruzzolini et Ennio Morricone
Montage : Mario Morra
Musique : Ennio Morricone
Production : Europe Associate SAS
ARD

MEILLEUR RÉALISATEUR,
PRIX DAVID-DI-DONATELLO 1970



http://www.africultures.com/php/index.php?nav=film&no=1326

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