Au royaume de la droite bonapartiste, le culte du chef n’est décidément plus ce qu’il était. Au lendemain du bicentenaire de Waterloo, il ne s’est pas trouvé grand monde, à droite, pour voler au secours de Sarkozy, canardé de toute part pour avoir comparé l’afflux de réfugiés fuyant la Syrie et l’Erythrée à une fuite de canalisation que de minables plombiers bruxellois seraient incapables de réparer.

Même André Bercoff, plutôt bienveillant à l’égard de l’ex-chef de l’Etat, se désole dans le Figaro ! Le sketch de la fuite d’eau comme métaphore de l’immigration illustre selon lui «l’incontinence verbale des représentants du peuple» qui, à défaut d’exercer le pouvoir avec efficacité, se cherchent une place parmi les chansonniers, quelque part «entre Jamel et Gad».
Valls, lui, a sobrement invité Sarkozy à considérer que la gravité du sujet devait conduire à se dispenser de «phrases stigmatisantes». Humiliant recadrage dont la garde rapprochée de Sarkozy s’est empressée de faire une odieuse manifestation d’intolérance à l’égard de «l’opposition républicaine».A sa manière, le numéro 2 du FN, Florian Philippot, a rendu un dévastateur hommage au langage sarkozyste. Un peu jaloux de n’avoir pas osé lui-même cette métaphore, il a pris le parti de la pousser un peu plus loin : si l’immigration est «une grosse fuite d’eau», Sarkozy est «le plombier qui nous a fourni un tuyau crevé». Bien sûr, les proches du chef du parti «Les Républicains» (LR) accusent les médias de n’avoir diffusé que quelques secondes de son intervention de jeudi soir, oubliant délibérément les mots«remplis d’humanité» qu’il aurait prononcés, par ailleurs, ce soir-là. La parabole de la fuite d’eau ? Ce n’était rien, nous explique-t-on, qu’un«exercice de pédagogie» pour illustrer «l’absurde» politique des quotas. Il suffit d’entendre les rires délicats des sympathisants sarkozystes pour se convaincre que cette «pédagogie» charrie bien autre chose.
Persuadé que c’est par la droite qu’il effacera Juppé, Sarkozy a trouvé une astuce : fidéliser un noyau dur débordant largement sur le FN en proclamant que «rien n’est tabou» et qu’il faut oser «tous les débats». En privé, c’est ce qu’il appelle servir «du gros rouge qui tache» aux braves électeurs. Abrogation du mariage pour tous ? Porc pour tous dans les cantines ? Instauration du droit du sang ? En lançant ces «débats», Sarkozy laisse croire que sa propre religion ne serait pas faite. Et qu’il pourrait trancher comme les plus réactionnaires et les plus xénophobes. Les plus lucides savent qu’il n’en est rien. Qu’importe ! Rien n’est tabou dès lors qu’il s’agit de faire fantasmer le bon peuple, qui pourrait finir par se lasser de voter Le Pen. Et, tant qu’à faire, pourquoi pas un bon débat sur la peine de mort ? Notre «pédagogue» trouverait bien une métaphore pour l’animer.