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lundi 29 juin 2015

LE TESTAMENT DE L'ABBE MESLIER



Pour ceux d’entre vous qui peuvent ne pas connaitre le fameux « testament » du curé Meslier, j’imagine, un peu, les pensées qui les animent en découvrant le titre de cette planche!
« Le F.’. Jean-Michel va encore donner dans l’anticlèricalisme. Tenir des propos outranciers, vindicatifs, extrémistes, intolérants, attaquer les religions, se moquer des croyances et de ses affidés… » etc.
Vous avez un peu raison, puisque les religions de tout poil, dieu, Jésus, les bigots, les bigotes, les dominants, les possédants et les puissants seront plutôt malmenés et vont en prendre pour leur grade!
Néanmoins vous avez un peu tort puisque ces discours qui peuvent être considérés outranciers, extrémistes, intolérants et qui démontent les dieux, les miracles, les croyances, les religions mais qui dénoncent aussi les injustices sociales et économiques de toutes sortes, ce n’est pas moi qui  vais les tenir mais un curé. Un vrai curé pour lequel je me contente, simplement, d’être le porte-voix.
Petit apperçu biographique
On connait peu de choses sur la vie de ce curé philosophe. Trois siècles sont passés par là. Les rapports de sa hiérachie conservés dans les archives de l’archevéché de Reims et quelques éléments autobiographiques disséminés dans ses manuscrits sont les seules sources pouvant nous éclairer. C’est l’historien Maurice Dommanget, qui le premier lui consacre un ouvrage sérieux, édité en 1956, 227 ans après la disparition de Meslier.
Jean Meslier voit le jour à Mazerny, dans les Ardennes,  en 1664. Sa famille appartient à la petite bourgeoisie rurale Son père posséde une petite fabrique de serge et un peu de terre qu’il cultive. Leur situation économique, pour l’époque, n’est donc pas mauvaise comparativement à celle de la grande majorité de la population majoritairement paysanne et misérable. Jean Meslier étudie au séminaire et est ordonné prêtre en 1689. Le choix de cet état d’écclésiastique répond manifestement au souhait de ses parents, mais lui même ne semble pas s’y opposer. Ëtre curé donne un statut très respectable, surtout sous l’ancien régime.
C’est dans la paroisse d’Etrepigny, village également situé dans les Ardennes qu’il exerce son sacerdoce pendant quarante ans, jusqu’a sa mort, en 1729. Il semble étre apprécié des villageois même si certaines pratiques semblent le heurter comme les violences dont sont victimes les femmes, les enfants et aussi les animaux. C’est un homme plutôt de bonne composition, il ne maltraite pas ses paroissiens est plutôt généreux (charitable!) contrairement à ses confréres, souvent distants et même brutaux.
Durant sa carrière quelques différents l’opposent à ses supérieurs. Ceux-ci lui reprochent d’avoir une bonne agée de 18 ans, lui en a 25. Quelques années plus tard, la cinquantaine passée, de nouveau, l’évéque lui reproche de cohabiter avec une autre jeune fille agée, elle, de 23 ans. Meslier déclare, dans les deux cas, qu’il s’agit d’une nièce et non pas d’une femme avec  laquelle il vivrait maritalement. En 1716, il est contraint par l’évéque à une retraite d’un mois dans un monsastére à Reims.
Si le curé entretient de bonnes relations avec ses paroissiens, il n’en va pas de même avec le seigneur local du nom de Touilly. A plusieurs reprises il s’oppose à ce dernier en raison  des mauvais traitements qu’il inflige aux pauvres. Meslier lui refuse, même, le droit qui est donné aux nobles à cette époque d’occuper les premières places sur les bancs de l’église et ne le recommande pas au prône lors d’un office. Afin de laver un tel affront, le seigneur intervient auprès de l’évéque qui, une fois encore, réprimande durement le curé qui ne change pas pour autant d’attitude envers Touilly.
Son principal loisir est sûrement la lecture. Dans sa bibliothèque se trouvent, les textes dits sacrès, Descartes, Fénelon dont les ouvrages sont remplis d’annotations dans les marges des mains de Meslier, Marana, ainsi que Montaigne qu’il apprécie particulièrement. Enfin il parait évident que le temps consacré à la rédaction du « Testament » est très important.
Malade, fatigué, le curé Meslier meurt en 1729 à l’age de 65 ans. Sa fortune matérielle fut estimée à 2000 livres environ. Pour avoir une petite idée de ce que cela peut représenter à cette époque, un mouton, par exemple coute entre 6 et 7 livres, un porc 60 livres. Selon l’historien Maurice Dommanget cette « fortune » équivaut dans les années 1700 à 6 ou 7 maisons d’Etrepigny. Mais plus important que les 2000 livres, Jean Meslier laisse trois ou quatre exemplaires d’un manuscrit magistral.
En découvrant les deux lettres destinées aux paroissiens ainsi qu’a  deux curés de villages proches, laissées par le defunt, les deux prêtres venus pour préparer les funérailles furent probablement assez choqués. Il semble que le prétre mécréant fut enterré, rapidement, peut-être dans le jardin du presbytère et de toute façon sans sacrements ni cérémonie. Mais cela ne l’aurait pas géné et de toute façon ne le génait plus. D’ailleurs son ouvrage se termine sur ces mots :  » Les morts avec lesquels je suis sur le point d’aller, ne s’embarassent plus de rien et ne se soucient plus de rien. Je finirai donc ceci par le rien, aussi ne suis-je guère plus que rien, et bientôt je ne serai rien. »
« Le testament » que l’on appelle ainsi pour des raisons pratiques. En réalité le titre complet que donne Jean Meslier est :
« Mémoire des pensées et des sentiments de Jean Meslier, prêtre, curé d’Etrepigny et de Balaives, sur une partie des erreurs et des abus de la conduite et du gouvernement des hommes où l’on voit des démonstrations claires et évidentes de la vanité et de la fausseté de toutes les divinités et de toutes les religions du monde pour être adressé à ses paroissiens après sa mort et pour leur servir de témoignage de vérité à eux, et à tous leurs sembables. »
Ce manuscrit rédigé entre 1719 et 1729, est considéré comme le premier texte athée. Avouez que ce premier texte athée écrit par  un curé ça ne manque pas de piquant. La lecture du « testament »  n’est pas toujours facile : les phrases sont très longues, écrit sans véritable plan, un peu comme au fil de l’eau. L’ouvrage, après impression, est tout de même constitué de près de 1200 pages. Il n’empêche que l’on prend plaisir à sa lecture et que pour un libre penseur c’est souvent un régal.
Les huit preuves de la non existence de Dieu
Meslier entre dans le vif du sujet sans omettre de présenter préalablement ses exuses aux paroissiens pour les avoir trompé. C’est par neuf preuves qu’il déclare vouloir démonter l’idée de dieu, des croyances, des religions. Au final, seules huit preuves sont avancées!
Première preuve : Abus, erreur, illusion, mensonge, imposture.
Abus, erreur, illusion, mensonge, imposture, sont des termes que l’on retrouve souvent sous sa plume. Mais aussi des néologismes comme christicoles ou deicoles pour qualifier les croyants.  Selon Meslier il existe plusieurs religions et elles se contredisent. Elles ne sont à ses yeux que des inventions humaines pour soumettre les peuples au gouvernement.
Il cite de nombreux exemples, des dieux grecs, egyptiens, romains, des prophétes comme Mahomet, la nymphe Egérie…etc
« Aucun dieu n’est jamais apparu à personne. Pourquoi un dieu devrait-il passer par l’intermédiare d’un homme? Faire des miracles? Pourquoi ne pas parler publiquement ? Pourquoi se cacher ? »
Les religions sont incapables d’apporter la preuve qu’elles sont d’inspiration divine. Elles ne sont toutes « qu’erreurs, abus, vanité, illusions, tromperie mensonge et imposture de tout ce qui se débite, et de tout ce qui se pratique dans le monde pour le culte et l’adoration des Dieux »
Deuxième preuve : des écritures falsifiées
La foi est une coyance aveugle et qui cause des divisions funestes entre les hommes, des guerres sanglantes. Pareillement il n’est pas croyable qu’un dieu qui aimerait la paix et l’union, qui aimerait le bien et le salut des hommes, tel que serait un dieu infiniment parfait, infiniment bon et infiniment sage
Les miracles, des preuves ? Il y en a dans toutes les religions. De multiples exemples sont donnés, dans les religions paiennes; Et pourtant tous ces faits furent rapportés par de nombreux  historiens alors que pour le christianisme il n’en fut rien.
« En cela le christ des chrétiens n’a été pendant sa vie que comme un homme du néant, comme un homme méprisable, comme un insensé fanatique et enfin comme un misérable pendart »
Tous le prophétes se condannent les uns les autres.
Moise : « insigne imposteur, insigne brigand ».
Au sujet des évangélistes : « ce n’était que des hommes grossiers et ignorants »
Il cite saint Jérome qui disait lui-même que les saitnes écritures étaient corrompues et falsifiées : « Ces livres sont maintenant mutilés et falsifiés ; ce ne sont plus que pièces cousues et ramassées par d’autres qui sont venus depuis, et aussi y rencontre t-on des erreurs et des fautes manifestes. »
« je crois pouvoir dire que quand il n’y aurait par exemple, que les fables d’Esope, elles sont certainement beaucoup plus ingénieuses et plus instructives que ne le sont toutes ces basses et grossières paraboles qui sont rapportées dans les prétendus saints évangiles »
Parlant des écritures dites saintes : « on ne voit point que les auteurs s’accordent bien les uns avec les autres, puisque les uns rapportent leurs histoire d’une façon, les autres d’une autre. On voit même qu’ils se contredisent manifestement les uns les autres en plusieurs choses, ce qui manifestement fait voir qu’ils n’étaient pas inspirés de Dieu et qu’ils n’avaient pas même assez de lumière ni assez de talents naturels pour bien rédiger une histoire ». Suivent plusieurs exemples de ces contradictions notamment relatives à la généalogie de Jésus.
Sur le choix des quatre évangiles lors du troisième concile de Carthage : « Ainsi c’est en vain qu’ils prétendent tirer avantage de l’autorité qu’ils donnent à ces livres et c’est en vain qu’ils en prétendent en tirer des preuves ou des témoignages assurés de la vérité de leur religion, puisqu’ils ne portent en eux-mêmes aucun caractére de divinité, ni même aucune marque extraordinaire de sagesse humaine. »
A propos du judaisme : « Que l’on ne prétende pas dire ici qu’il n’y aurait aucune injustice en Dieu de se choisir ainsi des personnes ou quelques peuples entiers préférablement aux autres, parce que Dieu étant le maitre absolu de ses graces et de ses bienfaits, il peut les accorder à qui il lui plait, sans que personne ait droit de s’en plaindre et sans que personne puisse lui en faire aucun reproche, ni l’accuser d’aucune injustice ; »
Dieu fait des petits miracles mais n’intervient pas contre des grandes catastrophes
Suit une énumération de miracles sur de nombreuses pages :  « Enfin il n’y a sujet si vain et si frivole et si même ridicule, là où les auteurs de ces vies des saints ne prennent plaisir d’entasser miracles sur miracles, tant ils sont habiles forgeurs de ces beaux mensonges. Il est facile de voir, que ces prétendus miracles n’ont été inventés qu’a l’imitation des fables  et des fictions des poêtes paîens. » Là encore suivent de multiples exemples.
« Il n’y a certainement pas plus d’apparence d’un coté que de l’autre, et comme ce serait une grande sottise d’ajouter foi maintenant à ces prétendus miracles du paganisme, c’est pareillement une grande sottise d’ajouter foi à ceux du christianisme, puisqu’elles ne viennent, les uns et les autres, que d’un même principe d’erreurs, d’illusions et de mensonges »
Troisième preuve : de la barbarie des sacrifices
Sur la circoncision : « Premièrement pour ce qui est de la marque de cette prétendue alliance de Dieu (traité parfois de dieu de pate) avec les susdits patriarches et tous leurs descendants, elle est manifestement ridicule, puisqu’elle consiste dans un vain et ridicule retranchement de chairou de peau de la plus honteuse partie du corps humain. »
De longs passages très détaillés consacrés aux sacrifices des animaux sont présents dans le manuscrit. Meslier est humaniste mais également défenseur de la « canse animale » et du végétarisme.
« Car c’est cruauté et barbarie de tuer, d’assommer et d’égorger, comme on fait, des animaux,  qui ne font point de mal.
Si j’eusse été tant soit peu superstitieux et enclin à la bigoterie de religion, je me serais infailliblement mis du parti de ceux qui font religion de ne jamais tuer des bêtes et de ne jamais manger de leur chair. »
« D’où il s’ensuit évidemment, que l’instituion de tels sacrifices est faussement attribuée à un dieu, et que les prétendues révélations qu’ils lui attribuent, ne sont que de fausses  révélations, c’est à dire qu’elles ne sont que des erreurs et des illusions, ou des mensonges et des impostures : ce qui fait manifestement voir que ces sortes de sacrifices, non plus que tous les autres ne sont que de l’institution et de l’invention des hommes. »
« Mais il n’y a aucune apparence de vérité dans ces prétendues révélations divines, ni aucun fondement de vérité et de justice dans dans ces cruels et barbares sacrifices de bêtes innocentes , il n’y a que de la cruauté et de la barbarie dans ces sortes de sacrifices, et ce qui fait manifestement voir, que leur institution ne vient que de la folie et de la méchanceté et non pas d’aucunes ordonnances divines. »
« Mais comme ce serait sottise à des hommes faits de vouloir sérieusement s’arrêter à ce que des enfants font dire à des cloches quand elles sonnent, ou à ce qu’ils disent, quand ils badinent et qu’ils jouent ensemble, de même ce serait sottise à des hommes sages et éclairés, de s’arrêter sérieusement aux vaines explications et aux vaines intérprétations, que nos christicoles font mystiquement, allégoriquement et figurativement de leurs prétendues écritures saintes, puisque ces sortes d’explications et d’interprétations ne sont, dans le fond, que des fictions de leur esprit et des imaginations creuses. »
Quatrième preuve : de la différence entre une prophétie non réalisée et un mensonge
« Tous ces prétendus prophétes n’étaient véritablement, comme j’ai dit, que des fanatiques, des visionnaires ou de méchants imposteurs, puisqu’ils appelaient eux-mêmes leurs prétendues prophéties des visions, et que ces visions n’étaient au moins pour la plupart que des visions nocturnes, que des visions imaginaires, des illusions et des songes , »
Il cite longuement la bible afin de démontrer que toutes les promesses  de paix, d’abondance, faites au peuple juif sont fausses puisque non réalisées
Après s’être attaque aux promesses se trouvant dans l’ancien testament, vient le tour des évangiles : « Il en est de mëme des promesses  et des prétendues prophéties qui sont contenues dans nos prétendus saints évangiles, il en faut faire le même jugement de ceux qui les ont premièrement avancées. »
« Toutes ces promesses et prophéties se trouvent manifestement vaines et trompeuses. » (citation qui revient régulièrement après chaque énumération des passages des prétendus livres saints)
« Or il n’y a pas une de ces prétendues prophéties, visions, révélations ou promesses, qui ne se trouve absolument fausse, ou vaine, ou même ridicule, ou absurde. Et il est facile d’en faire voir clairement la vanité et la fausseté. »
Saint Paul est qualifié au passage de : « grand mirmadolin »!*
Sur le fait que l’église subsistera toujours : « les hommes ne seront pas toujours si sotes et si aveugles, qu’ils sont, au sujet de la religion , ils ouvriront peut-être quelques jours les yeux, et reconnaitront peut-être tard que ce fut leur erreur; et si cela arrive, ce sera pour lors qu’ils rejetteront avec indignation et avec mépris, ce qu’ils auront le plus religieusement adoré, et pour lors toutes ces sectes d’erreurs et d’impostures prendront honteusement fin. »
Meslier sait bien que les christicoles comme il les nomme, disent que toutes les promesses ne doivent pas être prises au sens litteral maisspirituel.
« Lesquelles promesses ou prophéties, se trouvant manifestement fausses dans leur sens propre naturel, et nos christicoles ne voulant pas néanmoins reconnaitre ouvertement leur fausseté, parce que c’est sur ces prétendues promesses et prophéties, que leur religion est fondée, ils ont été obligés de leur donner un sens  qu’elles n’ont point, afin de tacher de couvrir leur fausseté et d’y faire trouver, s’ils peuvent, une vérité, qui n’y est pas et qui n’y sera jamais. »
Et pour conclure le sujet des interprétations allégoriques, mystiques des écritures : « Voilà bien des sottises que disent tous ces grands hommes. »
Suit une interminable énumétation comparative entre les écritures : « Dieu dit à Moise qu’il ne verrait pas sa face, mais bien son derrière, la figure est que la face de dieu signifie la divinité, que l’on ne peut voir par les yeux du corps et son derrière figure la nature humaine en Jésus Christ, laquelle on peut voir. Il dit donc qu’il verrait son derrière, parce que les juifs, qui étaient ici figurés par Moise, on vu le fils de Dieu dans son humanité. » (page 12)
« Le temple si magnifique, que Salomon fit bâtir à Dieu, n’était, dit le même S. Aug. Qu’une figure de celui que Jésus-Christ lui batirait, et qui serait fait, dit-il, non de bois, ni de pierres, comme celui de Salomon, mais qui serait fait d’hommes vivants, tel, disait-il, que nous avons maintenant la joie de la voir. Aug. De Civit. Lib. 17 cap. 8. Qui ne rirait de toutes ces inépties-là? Enfin toute la loi ancienne n’était, suivant cette doctrine de nos Christicoles, qu’une figure de leur loi nouvelle; car, suivant leur dire, les actions mêmes aussi bien que les paroles, y étaient figuratives, et prophétiques. »
« de sorte que tout ce qui est dit littéralement de ce peuple et de toutes les grandes et magnifiques promesses, qui lui avaient été faites de la part de Dieu, ne doivent s’entendre que spirituellement et allégoriquement que des chrétiens et de ce qui se fait dans leur religion, si bien que, suivant cette doctrine de nos christicoles, tout ce qui aurait jamais été dit et promis de plus beau, de plus grand, de plus magnifique et de plus avantageux, touchant la venue d’un prétendu si puissant rédempteur et touchant sa prétendue possession et jouissance de tant et si grands et si inestimables biens, que Dieu aurait promis à son peuple d’Israel, qui était son peuple choisi et son peuple bien aimé, se terminerait seulement à des bien imaginaires, à une rédemption imaginaire et à un vil et ridicule fanatisme, qui se serait trouvé et qui se trouverait encore maintenant, dans le christianisme, à l’occasion de quoi on aurait certainement bien raison d’appliquer ici ce qui est dit de ce tant renommé et si prodigieux enfantement prétendu d’une montagne, qui se termina seulement à la production d’une chétive souris. »
Pour résumer ce que sont les prophéties pour Meslier : vaines, frivoles, sottises, fausses vues, vaines considérations particulières, imaginaires, erreurs, mensonges, impostures, illusions,
 » Et les christicoles eux-mêmes, qui adorent maintenant de faibles petites images de pate, après que leurs prêtres ont mystèrieusement et secrêtement, prononcé seulement quatre paroles sur les susdites petites images de pâte. Y a t-il rien de plus sot, de plus vain et de plus ridicule ? »
« Car la raison naturelle est le seul chemin, que je me suis toujours proposé de suivre dans mes pensées, étant celui qu’il me parait, évidemment que chacun devrait toujours suivre, pour ne pas marcher aveuglément, comme on fait dans les chemins et dans des pays, que l’on ne connait pas ; et j’y ai passé, plus ai-je trouvé de quoi me confirmer dans mes pensées. »
Cinquième preuve : erreurs et abus de la religion chrétienne
Erreurs et abus de la religion chrétienne. Il y a un dieu mais en fait il sont trois. Dieu a engendré le fils (le christ) avec lequel il a engendré le saint esprit et pourtant aucun des trois n’a précédé l’autre. Pour lui, c’est absurde.
« Mais nos deichristicoles, a qui attribuent-ils la divinité ? A un homme de néant, qui n’avait ni talent, ni esprit, si science, ni adresse et qui était tout à fait méprisé dans le monde. A qui l’attribuent-ils? Le dirai-je? Oui je le dirai, ils l’attribuent à un fou, à un insensé, à un misérable fanatique et à un malheureux pendart. »
Meslier cite plusieurs passages des évangiles ou le personnage de Jésus est rejeté, considéré comme un fou, même, parfois, par ses propres disciples!
Jésus avait « des pensées et imaginations de fanatique »
« Il faut être archifanatique, comme le christ des chrétiens, pour avoir des pensées et des imaginations aussi vaines, aussi ridicules et absurdes et aussi extravagantes, qu’il a eu. »
Jésus veut convaincre mais au lieu de parler clairement, il parle en utilisant des paraboles. Il prétend être venu pour apporter la paix mais déclare vouloir semer la division au sein des familles, des groupes etc. Tout ça n’est que contradiction.
« Si quelqu’un vient à moi, disait-il, aux troupes qui le suivaient, si quelqu’un vient à moi, et qu’il ne hait pas son père et sa mère, sa femme et ses enfants, ses frères et ses soeurs, et sa propre âme, il ne peut-être mon disciple, et quiconque ne porte pas sa croix (ou sa potence) et ne me suit pas, ne peut-être mon disciple. »
Et Meslier déclare : « Ne voilà-t’il pas de belles prédications pour une sagesse toute divine et éternelle. »
Au sujet de Jésus et des prétendus miracles, Meslier écrit :  » Il est certain, encore un coup, que si on voyait maintenant dans le monde de tels personnages, qui parlaient ainsi, ils ne manqueraient jamais de passer tous, tant qu’ils seraient, pour des fols et pour des fanatiques. »
Concernant la transubstantiation :
« Car il n’y a que la prévention, que l’habitude, que la naissance et que l’éducation, qui puisse maintenant faire reçevoir aveuglement des choses si ridicules et si absurdes. »
« En effet on ne peut rien s’imaginer de plus ridicule et de plus absurde, que ce que cette religion enseigne et oblige de croire » (tome 2 page 82)
« Quelle folie! Ils ne sauraient, ces  hommes vains, ces prêtres, et ces abuseurs de peuples, ils ne sauraient avec toute la prétendue puissance de leur Dieu-Christ faire la moindre mouche ni le moindre ver de terre, et ils croient pouvoir faire des dieux à milliers. »
Il démontre la fausseté du mythe du péché originel : « C’est ce que je prouve évidemment, par cet argument-ci. Un être qui serait infiniment au dessus de toute offense et de toute injure, ne peut-être véritablement offensé par aucune chose, ni recevoir véritablement aucune injure, de qui, ni de quoi que ce soit. »
« Ajoutez à cela, qu’être offensé, ou pouvoir être offensé, est un témoignage assuré de faiblesse et d’imbecillité, qui ne se peut nullement trouver dans un être, qui serait infiniment parfait, et par conséquent, qui ne se peut trouver en Dieu. »
Erreurs contenues par la morale chrétienne :
« Je ne m’arrèterai pas ici à réfuter en particulier les erreurs qu’elle enseigne, touchant ses prétendus sacrements, ni touchant les indulgences, ni touchant ses reliques des saints et ses pélerinages, ni même touchant ses vaines bénédictions et ses vaines, superstitieuses et ridicules célébrations de messes et autres choses semblables : car tout cela se trouvera suffisamment réfuté, tant par tout ce que je viens de dire, que par tout ce que je dirai dans la suite. Je passe donc aux erreurs de morale qu’elle contient.
J’en remarque particulièrement trois.
La première et qu’elle fait consister la perfection de la vertu et le plus grand bien et avantage de l’homme dans l’amour et dans la recherche des douleurs et des souffrances, suivant ces maximes de Jésus-Christ, leur divin chef, qui disait, que bienheureux sont les pauvres, que bien heureux sont ceux qui pleurent, que bien heureux sont ceux qui ont faim et qui ont soif, que bienheureux sont ceux qui souffrent persécution pour la justice… Et suivant ces autres maximes du même Jésus, qui disait, qi’il faut porter sa croix, qu’il faut renoncer à soi-meme et à tout ce que l’on possède, et que, si on veut être parfait, il faut vendre tout ce que l’on a et le donneraux pauvres. Et au contraire qui prononce malheur et malédiction aux riches et à ceux qui ont leurs plaisirs et leurs contentements du monde.
La deuxième erreur de sa morale consiste en ce qu’elle condanne comme des vices et comme des crimes dignes des punitions éternelles, non seulement les oeuvres, mais aussi les pensées, les désirs et les affections de la chair qui sont les plus naturelles et qui sont les plus convenables et les plus nécessaires à la conservation et à la multiplication du genre humain : car elle les condanne absolument et les regarde comme des vices et comme des crimes, dignes des châtiments éternels, dans tous ceux et celles qui ne sont point légitimement conjoints ensemble selon ses lois et ses ordonnances : ce qu’elle entend non seulement de l’union charnelle et effective du mâle et de la femelle, mais aussi de toutes autres actions et attouchements lascifs et même de tous désirs, de toutes pensées, de toutes affections et de tous regards, qui tendraient volontairement à cette fin, toutes lesquelles affections ou désirs elle regarde, dis-je, comme des crimes dignes de punition éternelle, suivant cette maxime de leur Christ,  qui a dit, que quiconque regarde une femme avec le dessein ou le désir de jouir d’elle, a déjà commis l’adultère dans son coeur, il est déjà coupable de ce crime. De sorte que suivant cette maxime, la religion chrétienne, que je crois la plus pure et la plus sainte, regarde comme des péchés mortels, dignes des châtiments éternels de l’enfer, non seulement toutes les actions et tous les attouchements lascifs, mais aussi tous les désirs, toutes les pensées, tous les regards et tous les discours, qui tendraient volontairement à cette fin dans ceux et dans celles qui ne seraient point légitimement, comme j’ai dit, engagés dans le mariage, suivant ses lois et ses ordonnances.
La troisième erreur de sa morale consiste en ce qu’elle éprouve et recommande la pratique de l’observance de certaines maximes et quasi de certains préceptes, qui tendent manifestement au renversement de la justice et de l’équité naturelle et qui tendent manifestement aussi à favoriser les méchants et à faire oprimer les bons et les faibles : car elle approuve et recommande la pratique et l’observance de ces préceptes et de ces maximes du Christ, qui disait et qui commandait à ses disciples d’aimer leurs ennemis et de faire du bien à ceux qui leur feraient du mal ; qui leur recommandait de ne point résister aux méchants, mais de souffrir paisiblement leurs injures et leurs mauvais traitements, non seulement sans s’en venger, mais aussi sans s’en fâcher, sans en murmurer et sans s’en plaindre. »
« Mais cela pas n’empêche pas que cette maxime de morale de nos christicoles, qui recommande l’amour et la recherche de souffrances et de douleurs, ne soit absolument fausse, puisque c’est toujours une erreur et même une folie d’aimer et de rechercher des douleurs et des souffrances, sous prétexte d’acquérir par ce moyen des biens et des récompenses éternelles, qui ne sont qu’imaginaires. »
Sixième preuve : impacts de la religions sur l’organisation sociale
Meslier ne laisse pas de coté la mauvaise organisation sociale.
« Or la religion chrétienne souffre, approuve et autorise plusieurs abus qui sont contraires à la justice, à la droite raison et au bon gouvernement des hommes, et qui plus est, elle souffre, et autorise plusieurs vexations injustes et même la tyrannie des rois et des grands de la terre, au grand scandale et au grand préjudice des peuples, qui sont malheureux et misérables sous le joug de leur dure et cruelle domination. »
Pour Meslier il est nécéssaire qu’il y est une dépendance et une subordination des uns et des autres, mais il faut que celle-ci soit  » juste et bien proportionnée ». (tome 2 page 170)
A l’origine de la noblesse « on ne trouve que des brigands. »
Au sujet des nobles, des grands, des écclésiastiques :  » On a bien raison de comparer ces gens-là à des vermines, car de même que la vermine ne fait qu’incommoder et qu’elle ne fait que manger et ronger continuellement le corps de ceux qui en sont infestés, de même aussi ces gens-là ne font qu’inquiéter, que tourmenter, que manger et ronger les pauvres peuples. Ils seraient heureux, ces pauvres peuples, s’ils n’étaient pas incommodés de cette méchante vermine ; mais il est sûr qu’ils seront toujours malheureux, tant qu’ils ne s’en dépouilleront point. »
Meslier dénonce tous ceux qui ne travaillent pas et vivent « à la charge du pulbic ». Il regroupe dans la même catégorie, les riches, les nobles, les écclésiastiques (prieurs, chanoisnes avec une attention particulière pour les moines et les moinesses)  mais aussi les mendiants. Exception pour les évéques, curés et vicaires! (page 184)
« pieux et ridicules mascarades de moines et de moinesses »
Au sujet des monastères : « Mais quelle folie et quelle injustice en même temps n’est-ce pas, de vouloir que tant de fainéants vivent ainsi grassement du travail d’autrui, et qu’ils soient si inutilement à charge au public »
« Ceux qui aspirent à la perfection, doivent travailler plus que les autres, parce que la sueur est au front de la vertu et le temple du labeur devant celui de l’honneur et non pas pour demeurer dans la fainéantise et pour vivre de mendicité. »
Les moines ne sont que des « sangsues »
« Un clou est utile et nécessaire et on ne saurait même s’en passer en plusieurs choses, mais toutes les prières, toutes les oraisons et toutes les messes que les moines professent et les autres prêtres sauraient dire, ne servent de rien et ne sont utiles, qu’a faire venir de l’argent à ceux qui les disent. » (page 204)
Autres fonctions qui ne sont d’aucune utilité au regard de Meslier : « quantité de personnes que l’on appelle ordinairement les gens de justice, mais qui sont plutôt des gens d’injustice, comme sont les sergents, les procureurs, les avocats, les greffiers, les notaires, les conseillers etc, car la plupart de ces gens-là ne tendent effectivement qu’à ronger et qu’à piller les peuples, sous prétexte de leur rendre ou de vouloir leur faire rendre justice. » Il faut aussi y ajouter les maltotiers, rats de cave, quantité de commis de bureaux, quantité de receveurs des tailles et d’impôts, fripons de gardes-sel et de tabac (tome 2 page  208)
« Un autre abus encore et qui est presque universellement reçu et autorisé dans le monde, est l’appropriation particulière que les hommes se font des biens et des richesses, de la terre, au lieu qu’ils devraient tous également les posséder en commun et en jouir aussi également tous en commun. »
Pour Meslier, les conséquences de la propriété sont :  » De là arrive aussi que ceux, qui n’ont rien ou qui n’ont pas tout le nécessaire, sont comme contraints et obligés d’user de quantité de méchants moyens, pour avoir de quoi subsister. De-là viennent les fraudes, les tromperies, les rapines, les vols, les larcins, les meurtres, les assassins et les brigandages, qui causent une infinité de maux parmi les hommes »
Sur le mariage :  » Pareillement encore qu’arrive t-il de cet autre abus, qu’ils ont entre eux, de rendre, comme ils font, les mariages indissolubles jusqu’à la mort de l’une ou  de l’autre des parties ? Qu’arrive t-il de là, dis-je? Il arrive de là qu’il y a parmi eux une infinité de mauvais et de malheureux mariages, une infinité de mauvais et de malheureux ménages, dans lesquels les hommes se trouvent misérables et malheureux avec de mauvaises femmes, ou des femmes misérables et malheureuses avec de mauvais maris, ce qui cause souvent la ruine et la dissipation des ménages. »
« Vous étonnez-vous, pauvres peuples! Que vous ayez tant de mal et tand de peines dans la vie? C’est que vous portez seul tout le poids du jour et de la chaleur, comme ces laboureurs, dont il est parlé dans une parabole de l’évangile, c’est que vous êtes chargés, vous et tous vos semblables, de tout le fardeau de l’Etat; vous êtes chargés, non seulement, de tout le fardeau de vos Rois et de vos Princes, qui sont vos premiers tyrans; mais vous êtes encore chargés de toute la noblesse, de tout le clérgé, de toute la moinerie, de tous les gens de justice, de tous les gens de guerre, de tous les maltotiers, de tous les gardes de sel et de tabac, et enfin de tout ce qu’il y a de gens feignants et inutiles dans le monde. Car ce n’est que des fruits de vos pénibles travaux, que tous ces gens là vivent, eux et tous ceux et celles qui les servent. »
« Enfin un autre abus, qui achève de rendre la plupart des hommes misérables et malheureux dans la vie, c’est la tyrannie presqu universelle des grands, la tyrannie des rois et des princes, qui dominent presque universellement sur la terre, avec une puissance absolue sur tous les autres hommes. »
« Car la maxime des princes souverains et de leurs premiers ministres est d’épuiser les peuples et de les rendre guerux et misérables, afin de les rendre plus soumis et les mettre hors d’état d’entreprendre aucune chose contre leur autorité. »
« Et si ces rois se mettent en fait de vouloir étendre les bornes de leurs royaumes ou de leurs empires, et de vouloir faire la guerre à leurs voisins, pour envahir leurs états ou leurs provinces sous tels vains prétextes, qu’il voudront trouver, c’est toujours aux dépends de la vie et des biens des pauvres peuples. » Il poursuit par une violente tirade contre les derniers rois de France et notamment contre LouisXIV.
« Les prédicateurs séculiers et réguliers mélèrent indistinctement la gloire du roi avec la parole de dieu dans leurs sermons, et les professeurs de droit et de théologie tournèrent toutes leurs subtilités à accréditer ses usurpations et à y conformer toutes les lois divines et humaines, c’est pas ces sortes de prostitutions que l’on se fait connaître à la cour. La plus vile et souvent la plus criminelle y fait la distinction du mérite. »
« Les juges et les magistrats, qui sont établis pour maintenir la justice et le bon ordre partout, qui sont établis pour réprimer le vice et pour punir sévèrement les coupables, n’oseraient rien entreprendre contre les vices, ni contre les injustices des rois : ils poursuivent et punissent sévèrement les petits criminels, ils font pendre et rouer les petits les petits voleurs et les petits meurtriers ; mais ils n’osent rien dire aux grands et puissants voleurs, à ces grands et puissants meurtriers et incendiaires qui désolent toute la terre, qui mettent tout à feu et à sang, et qui font périr des milliers et des millions d’hommes. »
« Je ne m’arrêterai pas à réfuter ici en particulier plusieurs autres abus, comme sont par exemple l’invocation des morts, le culte religieux et dévôt des images et des reliques des prétendus saints morts, les pélerinages, les jubilés, les indulgences, les bénédictions qu’ils donnent au peuple, ni celle qu’ils font de toutes sortes de choses et autres semblables superstitions, parce que toutes ces vanités et toutes ces sottises là se trouvent suffisamment réfutées, tant par tout ce que j’ai dit jusqu’à présent, que par tout ce que je dirai encore dans la suite. » (tome 2 page 288)
Septième preuve : la non universalité de la croyance
La croyance en dieu n’a rien d’universel. Des philosophes grecs comme Socrate, Protagoras, Gorgias, Aristote, écrit Meslier ne croyaient pas en l’existence d’un dieu et même le pape Jules III
« Pareillement, il faut croire que ce dieu prétendu qui parlait à Moise, n’était véritablement qu’un homme, ou même seulement un homme supposé, puisque Moise lui-même lui attribue non seulement la parole et le discours humain; mais qu’il lui attribue encore même tous les membres et toutes les passions d’un homme; et que ce dieu lui-même, voulant se moquer de Moise, sur ce qu’il lui avait demandé de voir son visage (exode 33-13), lui répondit assez plaisamment, qu’il pourrait bien voir son derrière et ses fesses (exode 33-23), s’il voulait; mais qu’il ne verrait pas son visage. »
« La chimère des anciens, ni le Sphinx ou le Typhon, ni toutes les fictions des poêtes et des faiseurs de romans n’ont rien, qui approche des absurdités, qui se trouvent renfermées dans l’idée que nos nouveaux déicoles se forment de leurs dieux. Je les appelle nouveaux, depuis qu’ils ont été obligés, de se restraindre, comme j’ai dit, à la croyance d’un seul dieu, et qu’ils ont été obligés de retrancher de lui tout corps, toute forme, et toute figure matérielle et sensible. En quoi on peut à cet égard dire, qu’ils se sont encore plus égarés, dans la vanité de leur esprit et de leurs raisonnements, et que, croyant devenir plus sages et plus subtiles que les autres, ils sont devenus plus fous qu’ils n’étaient auparavant. »
« L’ignorance où l’on est de la nature d’une chose, ne prouve nullement que cette chose ne soit pas ; mais les absurdités et les contradictions manifestes qui suivent nécessairement de la supposition d’un faux principe sont des preuves convainquantes de la fausseté de ce principe. »
« Parce que ce n’est que dans l’être matériel et sensible, et dans la
modification de l’être matériel et sensible, que consiste toute l’essence et toute la nature de tout ce qui est actuellement, de tout ce qui a été, de tout ce qui sera, ou de tout ce qui pourrait jamais être à l’avenir. »
« Or je fais voir que ni le temps, ni le lieu, ni l’espace, ni l’étendue, ni même la matière ne sont pas créables et ne peuvent avoir été faits de rien, donc il n’y a point de puissance qui puisse créer et faire quelque chose de rien. »
« Si Dieu avait fait, comme disent nos déicoles, de tels commandements aux hommes, de la prier, de l’adorer et de lui offrir des sacrifices, il aurait sans doute, ou au moins il devrait avoir plus d’égard à ceux qui observent fidélement ses commandements, qu’à ceux qui ne les observent point, et il serait sans doute, ou au moins il devrait être plus favorable à ceux qui le prieraient, qui l’adoreraient et qui lui offriraient dévotement des sacrifices, qu’a ceux qui ne le prieraient point, qui ne l’adoreraient point et qui ne lui offriraient point de sacrifices. Or nous voyons manifestement tous les jours qu’il n’a pas plus d’égard, ni de considération pour les uns que pour les autres, et que les biens et les maux viennent et arrivent indifféremment aus uns comme aux autres. Il n’y a donc nulle apparence que dieu ait fait de tels commandements aux hommes. »
« Or il est évident, que nos superstitieux déicoles tombent dans une semblable espèce de fanatisme, lorsqu’ils soutiennent l’existence de leur dieu ; car ils veulent que ce soit un être infiniment parfait en toutes sortes de perfections et qu’il soit actuellement partout. Et cependant il est évident qu’on ne le voit, qu’on ne le sent, qu’on ne l’aperçoit, et qu’on ne le trouve nulle part, et qu’on ne saurait même le voir, ni le sentir, ni l’apercevoir, ni le touver nulle part. C’est donc une grande erreur, et c’est même une espèce de folie en eux de vouloir soutenir, comme ils font, qu’il y ait véritablement un tel être partout. »
« Tout ce qu’ils disent des biens et des maux d’une autre prétendue vie n’est fondé que sur des illusions, sur des imaginations creuses et sur des impostures. »
« Car s’il y avait véritablement un tel être qui fut infiniment parfait, il serait parfaitement juste et étant parfaitement juste, il récompenserait les bons et punirait les méchants ; et comme on voit manifestement que les bons ne sont pas toujours récompensés et que les méchants ne sont pas toujours punis, c’est une preuve manifeste, qu’il n’y a point de dieu, ni d’être infiniment parfait, pour récompenser les uns et pour punir les autres. Voici un autre raisonnement. »
« Et enfin comment pourrait-on concevoir l’infini dans un être qui n’aurait aucune partie, ni aucune étendue? Certainement, encore un coup, cela ne se peut, cela est contradictoire, cela se détruit et cela répugne même dans les termes. »
« Donc tous les ouvrages et toutes les productions de la nature se font véritablement par des causes nécessaires et fortuites, et par des causes aveugles et privées de raison, et ainsi ces ouvrages là et ces productions là, ne démontrent et ne prouvent nullement l’existence d’une souveraine intelligence, ni par conséquent l’existence d’un dieu, qui les ait formé comme nous les voyons. »
« Reste donc à savoir s’il en vient toujours quelques plus grands biens spirituels ou corporels dans l’autre monde. Or y ont-ils été voir pour en savoir des nouvelles? Qui leur a dit que cela était ainsi? Quelle expérience en ont-ils? Quelles preuves en ont-ils?  Certainement aucunes, si ce n’est celles qu’ils prétendent tirer de leur foi, qui n’est qu’une croyance aveugle de choses, qu’ils ne voient point, que personne n’a jamais vues et que personne ne verra jamais. »
« Ainsi on peut dire, que c’est un paradoxe ridicule et absurde de dire, que c’est pour un bien qu’un dieu infiniment bon et infiniment sage voudrait permettre et souffrir qu’il y ait tant de maux et tant de méchancetés dans le monde. Ce serait un paradoxe qui serait encore inoui, si nos fanatiques Christicoles et notamment les prêtres ne se l’étaient imaginé pour couvrir la faiblesse et l’impuissance de leur dieu et pour entretenir en même temps les peuples dans l’erreur, dont ils tirent leurs profit et toute leur subsistance. »
« Cessez d’abuser les peuples par les vaines craintes et par les vaines espérances, aussi bien que par les fausses idées que vous leur donnez de la grandeur, de la puissance, de la bonté, de la sagesse et de la justice infinie d’un dieu qui n’est point, qui n’a jamais été et qui ne sera jamais. Toutes les preuves que j’en ai données jusqu’ici sont claires et évidentes ; elles sont démonstratives autant qu’il y en peut avoir, et par conséquent elles nous font manifestement voir la vanité et la fausseté de toutes les divinités et de toutes les religions du monde ; et il n’en faut pas davantage pour confondre tous nos superstitieux déicoles et nos christicoles. »
Huitième preuve : dela spiritualité de l’âme (tome 3 page 273)
« Premièrement pour ce qui est de la prétendue spiritualité de l’âme, si elle était spirituelle, comme nos christicoles l’entendent, elle n’aurait ni corps, ni parties, ni forme, ni figure, ni étendue aucune et par conséquent ne serait rien de réel, ni de substantiel. Or l’âme est quelque chose de réel et substantiel, puiqu’elle anime le corps, et qu’elle lui donne la force et le mouvement, qu’il a : car on ne dira pas que ce soit un rien ou un néant, qui anime le corps et qui lui donne sa force et son mouvement; donc l’âme est quelque chose de réel et substantiel, et par conséquent il faut nécessairement qu’elle soit corps et matière, et qu’elle ait de l’étendue, puisque rien de réel et substantiel ne peut être sans corps et sans étendue. La preuve évidente de cela est qu’il est impossible de se former aucune idée d’un être, qui serait sans corps et sans matière et sans étendue aucune. »
« Et ce qui confirme encore ceci et que dans toutes ces prétendues écritures saintes, qu’ils appellent le vieux testament et qui passe pour une loi toute divine parmi nos christicoles, on ne voit pas qu’il y soit fait aucune mention de cette prétendue spiritualité et immortalité de l’âme, ni qu’il soit fait aucune mention de ces prétendues si grandes et si magnifiques récompenses éternelles du ciel, non plus que de ces prétendus si grands et si terribles châtiments éternels d’un enfer après cette vie présente. »
« Et s’il n’y a point de bonté, point de justice, point de sagesse et point de puissance souveraine, il n’y a donc point d’être infiniment parfait, et par conséquent point de dieu, qui est ce que j’avais à prouver et à démontrer. Toutes ces conséquences là se suivent évidemment les unes les autres; et ainsi il est prouvé démonstrativement contre les superstitieux déicoles, qu’il n’y a point de dieu. »
« Je voudrais pouvoir faire entendre ma voix d’un bout du royaume à l’autre, ou plutôt d’une extrémité de la terre à l’autre; je crierais de toutes mes forces : Vous êtes (fols) fous, ô hommes! Vous êtes (fols) fous de vous laisser conduire de la sorte, et de croire si aveuglément tant de sottises! Je leur ferais entendre qu’ils sont dans l’erreur, et que ceux qui les gouvernent, les abusent et leur en imposent. »
« Où sont les Jacques Clément et les Ravaillac de notre France? Que ne vivent-ils encore ces généreux meurtriers des tyrans! »
« Au reste je vous déclare, mes chers amis, que dans tout ce que j’en ai dit ou écrit ici, je n’ai prétendu suivre que les seules lumières naturelles de la raison, et n’ai eu d’autre intention ni d’autre dessein, que celui de tâcher de découvrir et de dire ingénuement et sincèrement la vérité. Il n’y a point d’hommes de probité, ni d’honneur, qui ne doive se faire un devoir de la dire, lorsqu’il la connait. »
A propos du manuscrit
Voltaire découvre le manuscrit de Meslier en 1735, on ignore de quelle façon mais il est probable que le document lui fut vendu sous le manteau par un colporteur prenant généralement beaoucoup de risques ce qui explique les prix élevés de ce genre de livres  (8 ou 10 louis ce qui correspond à quelques centaines d’euros aujourd’hui). La plupart des ouvrages étant censurés à cette époque. Il en fait un résumé et lui donne le titre de « Testament ». Le problème de cet ouvrage (où le nom de Voltaire n’apparait pas) est que le Sieur Volatire falsifie cette oeuvre d’avant-garde. Le curé est transformé par le grand philosophe des Lumières, l’athée disparait pour être remplacé par un respectable déiste. La version revisitée par Voltaire est largement diffusée sous la Révolution mais il faut attendre 1864 pour qu’un F.’., Hollandais, Rudolf Charles édite l’ouvrage dans son intégralité, en trois volumes, sans aucune manipulation.
Depuis, le curé Meslier est fréquemment récupéré par l’ensemble des tendances du socialisme. Notre F.’. Benoît Malon (militant socialiste et communard) écrit dans « Les lundis socialistes » :  » Le curé avait désiré, préssenti et annoncé l’aboutissement révolutionnaire. »
Que le curé ait désiré, de façon confuse, une révolution, cela  me parait, en lisant ses écrits, évident. Ensuite, prétendre que Meslier aurait préssenti et annoncé l’aboutissement révolutionnaire, c’est aller un peu vite en besogne.
En 1917, les bolcheviks s’emparent de la personne de Meslier et en font un proto-communiste.
En 1968, la celébre phrase citée par Meslier dans son munuscrit et  qui la tenait d’un paysan : « Que tous les grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus et étranglés avec des boyaux de prêtres ». Cette citation, sûrement, la plus connue de Meslier se retrouve sur les murs des grandes villes. Certes les versions peuvent varier et sont adaptables à la situation du moment. Les grands et les nobles sont parfois remplacés par des militaires, des policiers, des bourgeois et des patrons. Cela n’empêche que l’esprit du philosophe Meslier est toujours là.

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